Homéotéleute et Polyptote (3/10)

Résumé de ce qui s’est passé avant :

Polyptote est une très très jolie Zeugmienne de basse extraction. Elle est à Athènes pour suivre les cours de Solipsisme Perspicace de Doryphore d’Alexandrie. Pour le moment, elle se repose sur un petit banc en marbre de Thassos. C’est le Récitant qui parle. 

Homéotéleute sortait de son stage de Sémantique Sportive de Haut Niveau. La tête encore encombrée d’acrostiches, d’acronymes et d’acrotères, il regardait ses sandales et ne voyait rien d’autre autour de lui. C’était d’ailleurs une habitude chez ce jeune homme que de marcher la tête basse, ce qui lui valait très régulièrement des bosses sur le front et des coups de soleil sur la nuque, mais il ne pouvait faire autrement. Et voici pourquoi :

Homéotéleute était le fruit des amours illégitimes de Zeus, Assembleur des Nuées, et d’une simple mortelle, Polysémie aux Belles Cuisses, épouse d’Epiclèse, roi d’Antanaclase. Afin de pouvoir approcher la reine qu’il convoitait, le Cronide avait choisi de prendre l’apparence d’une girafe, déguisement qui le tentait depuis longtemps mais qui se révéla finalement peu commode pour embrasser la dame. Quand tout fut consommé, Zeus à la Voix Puissante se fit connaitre et ordonna à la reine encore essoufflée d’élever au palais d’Epiclèse le garçon qui allait naitre de leurs ébats et ce, dans l’ignorance de tous quant à l’identité de son véritable géniteur. Le Père des Dieux et des Hommes annonça aussi à la dame que son fils bénéficierait de sept dons merveilleux qu’il préférait garder secret pour le moment. Toutefois, le Maître de l’Eclair Enflammé n’ayant pas été totalement satisfait des performances de la belle Antanaclasienne, qu’il avait même trouvée un peu pimbêche, il refusa d’élever son futur rejeton au grade de demi-dieu. C’était totalement contraire à l’usage, mais, après tout, c’est lui qui décide.

Homéotéleute, prince d’Antanaclase, grandit à la cour, chéri par celui qui croyait être son père et choyé par celle qui savait qu’il n’en était rien. Quand vint pour lui l’âge d’aller à l’école, il fut tout d’abord l’objet de moqueries permanentes de la part de ses camarades qui en firent leur tête de Phrygien. Mais il sut rapidement s’imposer auprès d’eux par ses facilités en mathématiques – il arrivait à calculer de tête la racine carrée de Pi et son inverse en moins de temps qu’il ne fallait pour épeler son nom –, par ses dons en philosophie – il pouvait établir et prouver n’importe quelle théorie et son contraire en je ne sais combien de temps – et aussi par son habileté à donner des coups de boule dans l’abdomen des moqueurs. On reconnaîtra là trois des dons magnifiques que lui avait accordés son Auguste Papa. Le quatrième don résidait dans le talent exceptionnel qu’il avait pour confectionner la moussaka, mais on ne sait pas en quoi consistaient les cinquième, sixième et septième dons.

Tandis qu’Homéotéleute avançait sans rien voir d’autre que ses orteils princiers et quelques cailloux du chemin, Polyptote, depuis son petit banc de marbre de Thassos, observait l’étrange démarche de celui qui approchait. Elle décida d’en savoir davantage sur le jeune homme et se leva de son petit banc en marbre de Thassos pour venir se placer en bordure du chemin.

Lorsque les jolies spartiates en cuir de Terpsichore apparurent dans le champ de vision du jeune prince, il s’arrêta et les fixa sans rien dire. Puis il tourna lentement la tête vers sa droite, ce qui lui permit de contempler successivement une ravissante paire de genoux, le bas d’une très jolie petite praxis en toile de Catachrèse, une bande de Möbius homéomorphe en guise de ceinture nouée autour d’une taille d’anamnèse, une considérable poitrine digne de la déesse Athéna, fille de Zeus et, au-dessus d’un cou de cygne, un ravissant visage qui n’était pas sans rappeler celui de Madame Ménélas. Frappé de stupeur par la beauté de la jeune fille en même temps que victime d’un soudain thortikholys, il resta figé quelques instants dans cette position, puis il dit :

Homéotéleute

–Qui es-tu, toi, jeune fille aux délicates spartiates ?

Polyptote

–Je suis Polyptote de Zeugma, fille de Charybde et de Scylla. Et, toi-même, jeune homme à la grosse tête penchée, qui es-tu ?

Homéotéleute (avec emphase)

–Je suis Homéotéleute, prince d’Antanaclase, fils d’Epiclèse et de Polysémie.

Le Récitant (avec sérieux)

Les deux jeunes gens s’observèrent l’un l’autre, dans la belle lumière de cette fin de matinée attique. Leur rencontre devait tout au hasard, et rien ne les prédestinait à se trouver en ce lieu, en cet instant et, surtout, libres de toute attache.

Fin de l’acte I

LA SUITE DEMAIN

9 réflexions sur « Homéotéleute et Polyptote (3/10) »

  1. René-Jean, je n’ai strictement rien reçu par naissance, j’ai tout gagné par l’école de la République et mon travail.
    Je ne suis pas né de famille bourgeoise et cultivée, à qui la faute ? A personne. Sur qui vais-je déverser ma bile ? Sur personne, d’ailleurs je n’ai pas de bile à gaspiller.
    Donc je n’ai aucune sympathie pour tes récriminations perpétuelles, je ne crois qu’aux vertus du travail.
    Pour ce qui est de la culture, je me la suis faite tout seul, pleine de trous, sur le tas, mais toujours tout seul après l’école, en lisant jusque dans les chiottes.

  2. Constat final et définitif: « Leur rencontre devait tout au hasard, et rien ne les prédestinait à se trouver en ce lieu, en cet instant et, surtout, libres de toute attache. »

    Alors, Il faudrait dire à Polyptote (dont on a vu qu’elle était ‘bien née!’) de rattacher les lanières de ses spartiates…

    Elle pourrait « tomber en amour » la tête la première. Ce qui la rendrait aussi aveugle qu’un gilet jaune qui s’est frotté de trop près aux CRS dans la Fièvre du Samedis Soir!

    Il est fascinant de constater qu’il a fallu attendre à peu près 2.500 ans (bien que les Sophistes aient eu, sur ce sujet, d’excellentes intuitions que le temps a effacées mais qu’avec moi, vous devinez aisément) pour que quelques penseurs (mal venus dans votre bulle anti SYNDICAT – fut-il ‘de la Magistrature’ – ou anti gilets rouges CGT) du genre Proudhon, Marx, Foucault ou Bourdieu nous permettent de découvrir (ou de prendre conscience) que peu d’évènements survenant dans les pérégrinations des êtres humains ne sont pas, quelque part, sinon ‘prédestinés’ (je laisse cette terminologie aux Jansénistes de la vallée de Chevreuse et aux Évangélistes du grand canyon du Colorado), au moins, ‘enclins’ à advenir de façon prévisible (selon les probabilités sortant, comme dans les loteries, des boules de cristal ou des ordis des statisticiens)!

    Sont décisifs: le lieu (géographique et socio-culturo-écono-politique) et le moment où survient ‘le malheur d’être né’ et sont déterminantes (au point de ressembler étrangement à la programmation de la tête chercheuse d’un engin balistique) les compliments flatteurs comme les pressions exercées (via le recours à la pédophilie intellectuelle) par les membres les plus ‘impressionnants’ (pour chaque être humain) des réseaux de coerséduction (support et contrainte) qui maillent la communauté d’interprétation, d’appartenance ou d’identification de tout individu.

    Tous vos ‘mérites’ (issus d’une prétendue performance libre) sont dans le panier (que vos parents ont garni!). Vous le savez et c’est la raison pour laquelle vous vous battez comme des fanatiques enragés et intolérants pour que rien ne vienne perturber le Statu Quo, cet ordre DÉTERMINANT que vous prétendez juste! réel! objectif! pragmatique! et surtout LIBRE! parce qu’il protège ce qui vous a été offert par la naissance et votre trajectoire de lancement dans ce grand bordel qu’est la société contemporaine!

    le Sans Culotte au bonnet phrygien, RJ Ravolt qui se les gèle sur ‘les arpents de neige’ voltairiens!

  3. Je me doutais bien que j’avais mis le doigt sur la fille cachée de Pantaleôn, le lion du Panchir. Ah non ? Kharambos, encore raté.

  4. Tu verras bientôt, Ô lecteur impatient, de qui Polyptote est vraiment la fille, et donc la nièce. Mais pour cela, il va falloir attendre quelques jours. Patience, patience…
    D’ailleurs patience et longueur de temps font plus que farce ni qu’orage.

  5. Si j’ai tout bien compris, Polyptote la très très jolie Zeugmienne de basse extraction serait aussi la nièce de Thuréoeidês-le-desséché…

  6. J’ai toujours été mauvais en généalogie hellène : jamais su faire le lien entre les dioscures et Apollonios-le-disgracié.

  7. Mythologique! Comme Racine rendit Corneille obsolète, Philippe renvoie Eschyle aux calendes grecques. C’est bien joué!

  8. Faudrait pas confondre, quand même.. Polyptote, c’est pas un prénom de garçon !

  9. Nous voilà plongés en pleine tragédie.
    Question 1 : Polyptote n’était-il pas aussi le petit neveu d’Aflatoxine des îles Camisoles ?
    Question 2 : le récitant est-il celui qui fut enlevé par la Galéruque de Carinthie ce qui lui valut le surnom d’aristobule l’enculeur d’ânesses ?

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