Homéotéleute et Polyptote (9/10)

Résumé du passé :

Homeotéleute, officiellement fils du roi d’Antanaclase mais surtout rejeton illégitime de Zeus, a rencontré une charmante jeune fille, Polyptote.

Polyptote fille adoptive d’un pêcheur de Zeugma, ne sait pas qu’elle est en réalité la fille d’Hélène de Troie et du grand patron du Monde Olympique.

Les deux jeunes gens se sont tellement rencontrés sur un petit banc en marbre de Thassos que la jeune femme est à présent enceinte.

Ils veulent se marier. Au début, la maman d’Homéotéleute ne voulait pas, mais maintenant elle veut bien. Oui, je sais, c’est compliqué. 

Acte IV

Pour ce dernier acte, la scène sera entièrement verte et sans accessoire. Puis, tandis qu’Homéotéleute et Polyptote entament leur dialogue, des esclaves habillés en Napolitains repeindront le décor en bleu ciel et apporteront sur scène tout ce qu’il faut pour faire une chambre nuptiale et royale.

Le Chœur Antique

Vous êtes toujours là, gens d’Athènes, prêtres de l’Acropole, commerçants de Plaka, ménagères du Lycabette et marins du Pirée ? Vous pensez qu’à présent tout va bien se passer. Vous croyez que la malédiction de la Déesse a été tournée et que l’histoire est finie. Vous êtes prêts à parier que les amoureux vont se marier, régner sur Antanaclase, avoir beaucoup d’enfants qui régneront à leur tour.

Mais où est-ce que vous vous croyez ? Dans une comédie musicale, une opérette ou un spectacle de fin d’année ?

Eh bien, restez encore un peu et voyez ! Voyez les nuages qui approchent et la fatalité hideuse qui avance en se cachant derrière eux ! Voyez l’ascension de ces deux benêts vers le septième ciel, voyez leur bonheur éphémère, et puis voyez aussi leur chute dans l’abîme que la jalouse Déesse a creusé pour eux. Voyez enfin leur trépas, inéluctable, écrit, immuable. Parce qu’ici, c’est une tragédie. Et dans la tragédie, on a beau être innocent, on a beau être honnête et dire bonjour à la dame, on meurt quand même.

Encore un peu de patience…
Dès à présent nous nous taisons.
Ecoutons la suite en silence
Et faisons place aux passions !

Le Récitant

Et maintenant que la Reine a donné son accord à l’union princière, voilà qu’à la tête d’une flottille de dix-sept trirèmes, autant que Polyptote a vécu de printemps, Homéotéleute cingle vers le Pirée, vers Athènes, vers le petit banc en marbre de Thassos où l’attend toujours sa fiancée qui grossit gentiment à l’ombre du grand cognassier du Péloponnèse.

Et voilà qu’on envoie une somptueuse ambassade à Zeugma, chargée de cadeaux magnifiques pour Charybde et pour Scylla, dont un bateau à fond de cristal, deux esclaves à tout faire et trois flacons d’Ouzo.

Et voilà que sur la colline on coupe  une forêt toute entière pour faire place aux tables innombrables d’un immense banquet.

Et voilà que les invités accourent en nombre de tous les royaumes du monde connu et au-delà.

Et voilà que l’on sacrifie bœufs, moutons et porcelets, qu’on les installe sur des bûchers et que la fumée de leur graisse fondante monte au ciel, agréable aux narines des dieux.

Et voilà que l’union des deux jeunes gens est consacrée dans la joie, l’harmonie et l’huile d’olive.

Et voilà que la nuit est tombée et que les invités s’endorment partout dans les vapeurs de l’alcool, formant de leurs corps une mer mouvante et sonore.

Mais à présent, faisons silence.
C’est le matin et tout est calme.
Voici la chambre et les époux.
Ils se réveillent à l’instant.

Homéotéleute (avec satisfaction)

–Alors, Popote ? Heureuse ?

Polyptote

Oui, bien sûr, mon gros loup des Carpates, mais bon, rien de bien nouveau.

Homéotéleute

Je ne parlais pas de ça, Coquine de Zeugmienne. Je voulais dire : Alors, tu es contente de ta nouvelle vie au palais, de notre chambre, de tes suivantes, de tes bijoux ? Alors, heureuse quoi ?

Polyptote

Mais bien sûr, ma Colonne Dorique. Pourtant, j’ai une prière à t’adresser et une question à te poser.

Homéotéleute

Adresse et pose, mon petit Isthme de Corinthe. Je t’écoute.

Polyptote

–Voilà. Tout d’abord, la prière. Maintenant que je suis princesse d’Antanaclase et porteuse de qui portera un jour la couronne de ton père, j’aimerais que tu cesses de m’appeler Popote devant toute la cour. Vraiment, ça la fiche mal ! Appelle-moi Princesse, Reine de Mes Jours, Lumière de Mes Nuits, Enluminure de Mon Existence, Fontaine d’Ambroisie, tout ce que tu voudras, mais pas Popote ! plus Popote ! jamais !

A présent, la question : tu es fils de roi, ton père est fils de roi, le père de ton père était fils de roi. Bien qu’on n’ait jamais su vraiment ce qu’était le père du père de ton père, tu es l’héritier d’une longue et noble lignée. Quant aux ancêtres de ta mère, c’est pas mal non plus. Alors dis-moi, comment se fait-il que ton roi de père, et surtout ta snob de mère aient accepté comme épouse pour leur seul et unique rejeton une simple fille de Zeugma dont le père répare des filets quand il ne pourchasse pas la sardine véloce ? Hein, comment que ça se fait, Homéo ?

Homéotéleute

–Popote, tu as parlé et je t’ai entendue. Tu m’as adressé une prière et tu seras exaucée : c’était à l’instant la dernière fois que je t’aurais appelée Popote. Que dirais-tu d’Apogée de Mon Orbite ? Pas mal, hein ?

Tu m’as aussi posé une question. Assieds-toi sur ce petit banc en marbre de Thassos et écoute, car voici la réponse…

Le Chœur Antique

Non, non, Homéotéleute, Ô imprudent époux ! Ne lui dis rien ! Cache-lui pour toujours qu’elle est fille d’Hélène la Croqueuse de Troyens, et tout ira bien ! Qu’elle ignore à jamais qu’elle est fille de Zeus le Grand Fastidieux, et tout ira mieux ! Il est sage et bon qu’une femme ne sache pas tout de son époux, et vice-versa. Ecoute-nous, Homéotéleute, et tais-toi, ou crains pour ta vie ! … Mais nous parlons en vain, nous sommes inaudibles, et le destin doit s’accomplir. Eh bien, soit ! Qu’il s’accomplisse !

LA FIN DEMAIN

  • ET ENSUITE :
  • 11 Fév, 8 h 47 min           Tableau 241
  • 12 Fév, 8 h 47 min            Déréalisation
  • 13 Fév, 8 h 47 min            Bob Trump, une vie américaine

6 réflexions sur « Homéotéleute et Polyptote (9/10) »

  1. Conclusion transition:  » … Mais nous parlons en vain, nous sommes inaudibles, et le destin doit s’accomplir. Eh bien, soit ! Qu’il s’accomplisse ! »

    Propos d’un porteur de Gilet Jaune interviewé par France 2 à la sortie d’une séance de rédaction collective d’une page de Cahier de Doléances (version 2019). Il a ajouté que « face à la dictature qu’exercent les morts sur les vivants, » (propos empruntés à Comte, l’Auguste pas Sponville, le nanti bien connecté), son destin à lui était de préparer l’action post-consultation!

    Si l’histoire ne se répète pas, elle hoquette! HIC! HIC! et NUNC!

    Ah, ça ira, ça ira! (Comme c’est HIC ET NUNC, il faut lire: « Oh ça va, ça va quoi! »)

    La qualité du pedigree déterminera la hauteur à laquelle les aristocrates ou plutôt ceux qui, aujourd’hui les snobent, seront pendus aux lanternes!

    le Sans Culottes illuminé qui se les gèle!

  2. Ça y ressemble. Dans mes commentaires précédents, j’ai déjà emprunté à Gainsbourg-Bardot (Tu veux ou tu veux pas; Je t’aime moi non plus).

  3. Avant de voir la référence-révérence, j’aurais dit que c’était du Prévert.

  4. Vous avez lu l’histoire
    D’Achille
    Au talon fragile
    Comment il vécu
    Comment il est mort
    Ça vous a plu hein
    Vous en demandez encore
    Et bien
    Écoutez l’histoire
    D’Homéo et Cocotte.

    Alors voilà
    Homéo à une cocotte
    Elle est belle et son prénom
    C’est Polyptote
    A eux deux ils deviennent
    Un gang Reine
    Et Roi énorme
    Au futur hors normes.

    Un de ces quatre
    Ils tomberont ensemble
    Lui s’en fous
    C’est pour Cocotte qu’il tremble
    Quelle importance
    Que la déesse lui fasse la peau
    Moi Polyptote
    Je tremble pour Homéotéleute.

    De toute façon
    Ils ne pouvaient plus s’en sortir
    La seule solution
    C’etait mourir
    …etc…

    D’après Bonnie and Clyde (Gainsbourg – Bardot)

  5. Très bel inventaire homérique. Antolinos a trouvé son poète.

  6. Et parmi les invités de ces noces mémorables on vit paraître du beau linge et des haillons glorieux tels le chef des Hérules fistuleux, Odoacre qui fut maudit par sa mère à l’instant même de sa naissance pour s’être présenté coiffé d’un casque à cornes ornementé de fils de fer barbelés sans souci du qu’en dira-t-on et dont le père eut si peur qu’il s’exila lui-même au pays des Hespérides où poussent les pommes d’or -autant dire les oranges – où il lia connaissance avec les Orgénomèques grands massacreurs de n’importe quoi et de tout ce qui est tuable, toujours en guerre avec tous les peuples de la Bétique et notamment les Autrigons aux chaudes larmes, lesquels demandèrent à franchir le Tartare du séjour des morts afin de mettre un terme à leurs souffrances et qui reprochaient aux Orgenomèques de les tuer deux fois alors qu’une seule aurait suffi.
    Parut aussi la reine des Bamileke au giron accueillant du pays d’Afriki dont on ne sait rien sinon qu’elle couchait avec dix hommes la même nuit et en redemandait au matin, bravo l’artiste.
    L’explorateur Marseillais Pythéas le menteur qui remonta au Septentrion et en rapporta de l’étain des îles Cassitérites en même temps que les pieds gelés fut aussi de la noce.
    Et d’autres encore plus exotiques les uns que les autres mais la fête bat son plein : Epiclèse, roi d’Antanaclase, père putatif quoi c’est pas un gros mot d’Homéotéleute donna des spectacles de musique homophonique qui, il faut bien le dire, ne valait pas le Sirtaki ou la cinquième de Beethoven mais bon, exceptée la reine des Bamileke qui s’y connaissait en danse du ventre, les autres n’avaient jamais entendu que le fracas des armes.
    Ah, et n’oublions pas Samson béni de Jéhova, celui qui combattait les Philistins à coups de mâchoire d’âne.
    Mais silence. Le drame secoue les nouilles. Couchez les enfants libres de toute attache et mettez vos ceintures. Libres de toute attache. Le funeste destin va frapper en attendant l’aurore aux doigts de rose.

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