L’Homme Irrationnel (Critique aisée n°62)

Critique aisée n°62

L’Homme Irrationnel

Woody Allen – Joaquin Phoenix – Emma Stone -Parker Posey

C’est curieux comme je n’ai pas grand-chose à dire sur ce film. C’est sans doute parce que je me sens incapable de disserter sur les théories philosophiques qui l’encombrent. Comme je dis souvent : je n’ai pas les outils.

J’ai donc retenu principalement une réplique, qui constitue en quelque sorte l’ouverture du cours que le nouveau prof de philo va donner à ses étudiants : «There is a difference between a theoritical world of philosophy bullshit and real life» (Il y a une différence entre un monde théorique de conneries philosophiques et la vraie vie).

Abe Lucas est professeur de philo, désabusé, alcoolique, suicidaire et, de surcroit, nouvel impuissant (la question n’est pas de savoir s’il est devenu désabusé, alcoolique et suicidaire à cause de l’impuissance ou bien l’inverse). Il ne retrouvera de goût à la vie qu’en décidant de commettre un meurtre « juste », c’est à dire éliminer un individu jugé par lui nuisible.

Dans ce film, il y a un peu, mais fort peu, de deux films d’Hitchcock : La Corde, où l’assassinat était traité par deux esprits supérieurs comme un pur exercice intellectuel  et L’Inconnu du Nord Express où l’absence de lien entre la victime et le meurtrier devait lui assurer l’impunité.

Mais, avec L’Homme Irrationnel, on n’est pas dans le registre Hitchcockien, et Woody Allen ne cherche pas le suspense. On n’est pas non plus vraiment dans la veine comédie, car il n’y a pas de situation ou de dialogue comique. On est plutôt dans la comédie de mœurs, ici mœurs universitaires (on ne s’ennuie pas dans cette Fac, ou bien est-ce l’époque ?). On se rapprocherait de Match Point si la peinture de la société était un peu plus précise (on dirait que Woody connaît mieux la grande bourgeoisie que le monde universitaire) et si le héros était un peu plus machiavélique. Si on a n’a pas l’air de s’ennuyer dans la Fac du professeur Lucas, on s’ennuie presque dans ce film où, à partir du moment où le philosophe déprimé décide du meurtre à commettre, l’action  devient très prévisible, sans parler de la fin (mais je vous l’ai dit, ce n’est pas un film à suspense).

Joaquin Phoenix joue sobrement, comme toujours depuis qu’il a quitté le costume de l’empereur Commode de Gladiator.

Emma Stone est charmante en jeune étudiante éblouie par son prof de philo. Elle a deux ou trois très bons moments.

Mais je préfère Parker Posey, en Rita prof de biologie mure et sexy. Peut-être est-ce l’époque ?

Voilà, c’est tout.

Mais je ne vais pas lâcher la plume sans saisir l’occasion de dire une vacherie de plus sur L’Obs. Il y a au Nouveau-Nouvel-Observateur un type qui a signé un article sur L’Homme Irrationnel lui reprochant d’être trop proche, voire même de plagier la série US Breaking Bad. Si vous avez pu supporter plus d’un épisode de cette série glauque, ultra violente et gore, et si malgré mon peu d’enthousiasme, vous allez quand même voir L’Homme Irrationnel, vous vous demanderez longtemps ce que ce critique a pu leur trouver de commun. D’ailleurs, ce type ne s’intitule pas critique, et en cela il est honnête, car il se donne le titre d‘analyste des médias. Un vrai critique aurait respecté un minimum le lecteur, spectateur potentiel, en ne racontant pas l’intrigue dans ses détails y compris son dénouement (Raconter l’intrigue d’un film quand on en fait la critique, c’est un moyen peu honorable de tirer à la ligne, de remplir la page blanche. Mais, peut-être un analyste des médias n’est-il pas soumis à la même déontologie, ni même à la simple politesse ? Ou bien alors, est-ce L’Obs ? )

Plagiat dites-vous, Monsieur l’analyste des médias ? Si vous pensez que mettre en scène un professeur de Fac qui décide de commettre un meurtre, c’est plagier Breaking Bad, parce que Breaking Bad a mis en scène un prof de lycée qui décide de fabriquer de la drogue, alors oui, L’Homme Irrationnel a plagié Breaking Bad. Mais alors, autant dire que Breaking Bad a plagié Les Disparus de Saint-Agil parce que le directeur du collège Saint-Agil faisait de la fausse monnaie. (Les Disparus de Saint-Agil – Christian Jacques -1938- A propos, celui-là, je vous le recommande).

Ceci dit, je déteste être aussi tiède sur un film de Woody Allen. Mais être critique, c’est justement ne pas se laisser aller à ses sympathies. C’est pas comme certains…

 

2 réflexions sur « L’Homme Irrationnel (Critique aisée n°62) »

  1. Revu hier soir à la télévision : Midnight in Paris.
    Ca, c’est du très très bon W.A.

  2. Rien à redire sinon que le film évoque parfaitement l’atmosphère d’une petite université BCBG de la Côte Est (y compris la Volvo de service, bien évidemment) et que la musique de fond par Ramsey Lewis au piano est comme toujours avec WA (lui même un jazzman accompli) parfaitement choisie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *