Le monde extérieur existe-t-il ?

Morceau choisi

8 septembre 1933
Je me demande souvent quel peut être le sens de la vie, si elle en a un, et surtout dans quelle mesure le monde extérieur existe. Que veut dire, par exemple, l’inquiétude de l’Europe à l’heure présente, la fièvre allemande, l’angoisse de tant d’hommes et de femmes à qui le lendemain apparaît noir de menaces ? Il est évident que personne ne peut répondre à cette question, mais j’ai souvent l’impression fugitive de vivre au milieu d’un monde qui n’existe pas, ou qui n’existe pas de la manière que nous imaginons. Peut-être le monde matériel n’a-t-il qu’une valeur de symbole. Cette idée m’est familière depuis ma quinzième année. Ainsi, l’inquiétude universelle est peut-être la représentation imaginaire de ta propre inquiétude. La « crise » est d’abord en toi. Le désordre du monde correspond à un désordre intérieur que tu retrouves en toi.

Julien Green
Journal. Les années faciles.

2 réflexions sur « Le monde extérieur existe-t-il ? »

  1. Philippe, tu nous gâtes! Je crois que je vais relire le texte après mon thé du matin…..

  2. Green atteint par le solipsisme ?
    Le solipsisme (du latin solus, seul et ipse, soi-même) est une « attitude » générale pouvant être théorisée sous une forme philosophique et non métaphysique, « […] d’après laquelle il n’y aurait pour le sujet pensant d’autre réalité que lui-même(…) ». La question ici ne relève d’abord pas de « l’esprit », mais d’une constatation que le « moi », ou l’ego, est la seule manifestation de conscience dont nous ne puissions pas douter (voir Descartes). Seul l’ego peut donc être tenu pour assurément existant et le monde extérieur avec ses habitants n’existe dans cette optique que comme une représentation hypothétique, et ne peut donc pas être considéré, sans abus de langage, autrement que comme incertain. Il pourrait s’agir seulement d’une position épistémologique « constructiviste ». Si on l’envisage aussi sur un plan ontologique, on se rapproche alors quelque peu du « pyrrhonisme » puisque la connaissance de quoi que ce soit d’extérieur à soi-même ne reste qu’une conjecture incertaine. (Wikipedia)

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