Top gun : Maverick – Critique aisée n°232

temps de lecture : 4 minutes 

Critique aisée n°232

Top Gun : Maverick
Joseph Kosinski – 2022
Tom Cruise…

Quand on m’a dit que ‘Top Gun, Maverick’ sortait le même jour à Paris et à Cannes, j’étais comme un gamin. Il fallait absolument que je vois ça, ce jour-là, maintenant, tout de suite. Caprice d’adolescent, urgence absolue, rien ne devait pouvoir s’y opposer.

Quand j’avais vu le premier Top Gun, c’était au milieu des années 80. Je n’avais plus quinze ans depuis longtemps. Pourtant, j’aimais encore et j’aime toujours ces scènes de porte-avions…
…l’étrave du gigantesque navire déchire la mer dans la lumière orange du coucher du soleil. Sur le pont, dans un bruit d’enfer, des hommes frénétiques habillés comme des joueurs de base-ball s’agitent autour des avions. Courbés en deux, ils passent en courant sous leurs ailes, tirent sur des câbles, se font d’étranges signes de la main, brandissent des bâtons lumineux et, prenant des poses de discoboles, ils catapultent dans le ciel des avions aux pilotes plaqués contre leur siège. Les ailes tanguent, et poussées par un jet de flammes, les silhouettes s’élèvent et filent vers l’obscurité. Au rugissement des réacteurs en pleine poussée succède alors le silence irréel des cockpits, troublé par quelque crachotis suivis d’une voix nasillarde :
— Ici Cobra leader… Cobra 2 et 3, restez dans mon aile… Altitude 8000 pieds… cap 175…  silence radio… and good luck, chaps !
— Roger, Cobra 1… and good luck…
— Leader à Cobra 3… j’ai dit silence radio… over and out !…

Ces films de porte-avions sont aussi classiques que les films de sous-marins et si vous avez vu quelques-unes des innombrables productions américaines des années 50 ou  60 sur la guerre du Pacifique, la guerre de Corée ou la guerre froide, vous savez parfaitement de quoi je parle. Moi, j’adorais ça.
Le premier Top Gun réunissait tous les poncifs et tous les clichés  que le genre exige. Mais il faut dire que, malgré la faiblesse de la plupart des scènes à terre, ça avait de la gueule. De véritables avions de chasse dernier modèle, des prouesses acrobatiques spectaculaires, quelques oppositions bien viriles, et un Tom Cruise de 24 ans. 

Justement ce jour là je n’avais rien de particulier à faire. Le film passait à Montparnasse à 12h30, j’avais tout le temps devant moi.
— Ça ne t’ennuie pas que j’aille au cinéma ?
— Voir quoi ?
— Top gun, le second.
Ça ne l’ennuyait pas. 

Comme si j’avais quinze ans, j’ai traversé le Luxembourg à grands pas, jetant à peine un œil sur mes congénères réunis en cercle autour de leur pique-nique d’avant cours de philo ; j’ai remonté la rue Vavin encombrée des files d’attente quotidiennes devant les sandwicheries éco-équitables. Comme si j’avais quinze ans, je suis passé sans m’arrêter devant la terrasse ensoleillée du Sélect où, quand je serai vieux, je viendrai écrire des petits trucs sans importance. Et comme si j’avais quinze ans, j’ai acheté un esquimau géant caramel-beurre salé en même temps que mon billet.

Immense salle, très grand écran, six personnes à bord, conditions idéales. Que le spectacle commence !
Et il commence bien le spectacle, avec tout ce qu’il faut : le soleil se couche sur l’océan, le navire fend les vagues, deux avions émergent sur le pont, ailes repliées, la silhouette d’un pilote, poings sur les hanches, apparaît entre les avions, les jets de vapeur fusent, les hommes courent, les bi-réacteurs décollent, les ailes tanguent, le bruit est infernal… tout va bien, c’est beau. 

Et puis, tout de suite, ça se gâte un peu : dans un plagiat ou peut-être une référence à « L’Étoffe des héros », Maverick-Tom Cruise, après avoir passé, non pas comme Chuck Yeager-Sam Shepard le premier mur du son de l’histoire de l’aviation mais l’incroyable vitesse de Mach 10, explose à son tour son joli prototype et réapparait, un peu ébouriffé, dans un diner, au milieu des paysans et des chauffeurs routiers étonnés. Mais, ce n’est pas grave. On se dit que c’est un clin d’oeil à un chef d’oeuvre du cinéma US et qu’un peu de culture cinématographique et d’humour dans ce film au premier degré ne peuvent pas faire de mal.

Mais après, ça se gâte un peu plus : les officiers, amiraux, vice-amiraux, contre-amiraux déboulent sur l’écran avec leur regard bleu et leurs mâchoire carrée pour faire des misères à Maverick . Ils lui imposent de reprendre du service comme simple instructeur à Top gun, l’école d’élite du combat aérien, du combat de chiens, du dog fight. Et à partir de ce moment là — on doit être à vingt minutes du début du film — à partir de l’entrée de ces archétypes de caciques de l’US Navy, on se dit que la cause est entendu et que le film empruntera tous les chemins du genre, bière, testostérone, mâchoires serrées, gentilles barmaids, grosses motos, descentes en piqué, missiles malins, gouttes de sueur sur le front et regards d’acier derrière les ray-ban. Le scénario est à ce point prévisible que même les cascades aériennes le deviennent. S’il faut avouer qu’elles sont extraordinaires et, parait-il, réalisées « en vrai  » par ce vrais pilotes, je ne dirai pas qu’elles sont époustouflantes, car la technique des images de synthèse, non utilisée ici, nous a habitués à l’impossible et nous voilà blasés.
Tom Cruise est assez bon dans un rôle qui ne lui offre pas grand chose à faire d’original. Il a 59 ans, il en parait  40. Miracle du maquillage, de la culture physique ou de la Scientologie ? 

En résumé : Tom Cruise égal à lui-même, un film scrupuleusement fidèle au premier numéro, avec de beaux pilotes, de beaux avions, de belles acrobaties aériennes, et de belles images de porte-avion (mais pas assez !).

Alors, déçu ? 

Un peu, mais pas trop car, en achevant cette critique aisée, je viens de réaliser que j’avais trouvé dans le second Top gun ce que j’étais venu en fait y chercher : le premier.  

 

Une réflexion sur « Top gun : Maverick – Critique aisée n°232 »

  1. Je vais transmettre cette apologie (première partie du texte) à un ancien de l’aéronavale du temps du porte avion le Clem (Clémenceau), des mythiques Crusaders, de la flottille 14F, un nostalgique inconsolable de cette époque. Ça lui fera du bien!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *