AVENTURE EN AFRIQUE (19)

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Le soir après le chantier, j’avais pris l’habitude de prendre une douche. Mon pantalon était alors surveillé et protégé par Issoufou, compte tenu de sa valeur puisqu’il contenait la fortune de toute l’équipée! Ensuite, pendant qu’il me préparait une soupe à la tomate, que je prenais brulante, j’effectuais les calculs sur les travaux de la journée pour vérifier qu’il n’y avait pas d’erreur ou anomalie.

Dès la première semaine de séjour, les uns après les autres mes gars tombaient malades (dysenterie). J’ai tout de suite supposé que cela pouvait venir de la qualité de l’eau. Je leur interdisais de boire l’eau du puits du village et leur imposait de consommer uniquement celle du mien. Ils vivaient tous à la capitale, buvaient de l’eau dite potable et avaient perdu leur immunité pour l’eau de brousse. Pour la santé de toute la Section, nous sommes mis à filtrer l’eau jour et nuit avec un “filtre Pasteur“ ramené de France, en ajoutant une petite chloration (prévue par Chantal) et ensuite conservée au réfrigérateur, lequel faisait même des glaçons. J’étais parti avec un bidon Iso Colman (isotherme) de 4 litres. Je consommais un bidon le matin et un autre l’après-midi soit 8 litres d’eau par jour entre les repas.

Dans les retenues la nappe phréatique n’était pas très profonde, car quelques semaines au paravent, il y avait eu encore de l’eau stokée. Non loin de la digue de la retenue de Guidanmagagi, les Peuls avaient creusé deux puits. En fin de journée vers 18 heures ils venaient abreuver leur troupeau. Ce n’était pas un troupeau comme chez nous d’une cinquantaine de Salers : C’était au moins 500 zébus !

Un soir, en amont de la retenue, un nuage de poussière et le bruit des pas se rapprochaient de nous. Contrairement à l’habitude le troupeau ne sembla pas prendre la direction des puits et se dirigeait vers nous. Nous nous sommes arrêtés de travailler pour observer, un peu inquiet. Nous commençons à apercevoir les bestiaux de tête lancée au trot telle une vague venir dans notre direction. A mesure que le troupeau avançait, notre inquiétude grandissait. Pas un arbre qui aurait pu nous servir de protection à proximité et la Lande-Rover était trop loin. La marée animale allait nous submerger voire nous broyer. Mes compagnons ne sont plus noirs mais verts ou blêmes ! Tous avait conscience que ce n’allait pas être le trépied de l’appareil qui allait nous protéger tous les quatre. L’instinct de survie me dicte en une fraction de seconde : tu vois le taureau en face de toi avec des cornes de deux mètre de large, il te faut sauter entre elles et t’agripper de toutes tes forces à son cou avec tes bras et tes jambes et ne pas lâcher. Le troupeau n’est plus qu’à une centaine de mètres et continus à avancer à vive allure. Il s’approche encore, j’enlève mon chèche. Je me courbe un peu prêt à bondir. Quand tout à coup, en un instant, le troupeau changea de direction, et, plus rien, excepté un nuage de poussière et l’odeur de vaches nous submergeant. Au bout d’un certain temps ce bouillard se dissipa. Nous étions tous les quatre abasourdis, accroupis à ras du sol et de la même couleur grisâtre de poussière. Nous ne nous sommes relevés qu’à l’arrivée de Mahmoud avec la Land Rover qui finit par nous dire : « ils ont voulu faire les malins ! ». Je pense en moi en moi-même : ils ont surtout voulu nous démontrer, à moi en particulier le “nassara“, avec quel maîtrise ils dirigent leurs troupeaux. Encore tremblant, j’ai fini par ordonner : « on plie et on rentre !».

J’ai souvent repensé à cette aventure. J’en ai même rêvé la nuit. Aurions-nous eu une chance de survivre si le troupeau n’avait pas obliqué à quelques dizaines de mètres de nous ? : Aucune !

Plus tard en France, j’ai lu que les Peuls établissaient leur campement au centre du troupeau, les taureaux étaient en périphérie pour les protéger des bêtes sauvages et surtout des razzias des Touaregs venant prélever des esclaves mais aussi des femmes très prisées.

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2 réflexions sur « AVENTURE EN AFRIQUE (19) »

  1. Ici, je pense qu’il s’agit de protéger le portefeuille, mais j’ai le souvenir d’un ami voyageant en Irak en camping en 2cv fin des années 60, piqué en plein désert par un scorpion en enfilant son caleçon. Heureusement, il n’était pas seul et il y avait un hôpital à moins de 50 km.

  2. Intéressant comme toujours ce voyage en Afrique: palpitant même ce matin…
    Mais je n’ai pas compris ce que venait faire la surveillance du pantalon…. moi qui ai la phobie des serpents , j’ai craint le pire….

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