Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Chapitre 17 – Je les ai ! )

3 aout

Je me fous de tout. Je n’ai plus de courage. De plus en plus impatient, j’attends ma mère avec les papiers nécessaires pour ma sortie du camp.
Nous devenons un peu fous. Nous interprétons tout de travers. Mes nerfs sont tendus comme une corde prête à se rompre.
J’écoute le haut-parleur qui m’appelera peut-être tout à l’heure…
Deux femmes venues d’Andilly en vélo ont accepté d’aller pour nous à Paris. Elles prendront le train, se chargeront de nos courses. Prunet, Mas, Dumousseau, Poirier et moi nous leur confions nos espoirs. Petites lettres…Elles reviendront apporter leur réponse ici dans deux ou trois jours.
Ce soir, les Ponts et Chaussées partent à leur tour, avec des faux papiers fournis par le 11ème étranger.
Nous faisons une demande, Prunet et moi, au titre des Ponts et Chaussées.
Nous sommes enfiévrés, anxieux. Moi surtout !

4 aout

Notre demande va bon train. J’espère.
Messe du matin. Je vois Léger. Cher moine, bon copain. Il me conseille de prier ! Je fais de mon mieux. Messe émouvante.
Je brûle d’impatience. Prunet fourgonne dans les bureaux. Nous nous étions promis il y a longtemps de partir tous les deux ensembles.
Ce soir, nous sommes dans la cour. Quantité de fourmis volantes s’abattent sur nous.
Décision subite. Prunet fonce au bureau du camp, où sont libérés les Ponts et Chaussées. Je le vois de la fenêtre au rez de chaussée. Je surveille les dossiers. Je vois nos feuilles signées…Je lui fais signe. L’adjudant veut un paquet de cigarette pour arranger les choses. Je cours en chercher. Je rentre dans la chambrée. Prunet arrive derrière moi. Il est essoufflé, pale

-Je les ai ! dit-il……..

Et voilà !  Le journal que le prisonnier Coutheillas avait commencé le 2 juillet 1940 se termine  le 4 aout, comme ça, brutalement, sans conclusion ni grandes phrases, ni tambour, ni trompette, ni suite. 
On devine une sortie du camp, sans acte de bravoure, mais avec de faux papiers et une grosse boule au ventre, à côté d’Eugène devenu son ami pour toujours. On aimerait qu’il soit arrivé chez lui, à pied depuis la Gare de l’Est, à l’improviste et à l’heure des croissants, dans la douce aurore de ce matin du 5 aout 1940.

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