AVENTURE EN AFRIQUE (16)

Kéita le chauffeur du porte char

Le Génie Rural possédait un peu de matériel lourd : pelles mécaniques, bulldozers, compacteurs, niveleuses, etc. Il était nécessaire de les transporter d’un chantier à l’autre, mais compte tenu de leur grande taille et leur petit nombre, cela était loin d’être quotidien. Keita était le chauffeur du porte char et faisait les transferts de ce gros matériel épisodiquement déplacé. Keita était donc souvent inactif mais faisait acte de présence et trainait dans la cour du Génie Rural. C’était un colosse Djerma, sympathique, parlant français. Je l’autorisais à venir se mettre au frais dans le bureau de la section qui était climatisée.

Un matin, Keita est arrivé dans mes locaux la mine défaite. Il n’avait pas dormi de la nuit. Je l’interrogeais et il me fit voir sa main droite entourée d’un gros pansement de chiffons : « une pièce du porte char a éclaté et m’a arraché un bout de doigt ». Je lui dis : «  je t’amène à l’hôpital », « non patron, il faut que tu soignes, tu as une petite pharmacie et il y a Madame pharmacie ». Je me suis laissé convaincre et il a défait doucement son bandage de fortune. Il manquait un bout de chair à son majeur, on apercevait l’os et l’odeur qui émanait du pansement témoignait de l’infection qui s’était installée. Refaire le pansement ne serait pas sans douleurs. Je désignais un de mes gars pour aller chercher de la noix de kola, noix largement utilisée au Niger pour ses vertus calmantes et stimulantes. Keita mâcha la kola et je me mis à désinfecter la plaie avec de l’alcool à 90°. Il serrait les dents et transpirait à grosses gouttes. Personne ne bougeait dans le bureau. Je refis le pansement et plaçai une bande autour de son doigt et de sa main. Keita venait régulièrement au bureau quand j’étais là, pour se faire soigner et changer le pansement. Peu à peu la cicatrisation a commencé, au bout de quelques semaines on a pu enlever le pansement : sur la première phalange de son majeur, la peau reconstituée n’était plus noire mais devenue rose et l’articulation fonctionnait. Keita m’en était très reconnaissant et avait retrouvé le sourire.

Une réflexion sur « AVENTURE EN AFRIQUE (16) »

  1. Un histoire toute simple racontée sobrement. Touchant…

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