Beaucoup de bruit pour rien – Critique aisée n°230

Critique aisée n°230

Much ado about nothing
William Shakespeare – 1599
Kenneth Branagh -1993
K.Branagh, Emma Thompson, Denzel Washington, Keanu Reeves, Michael Keaton…

Puisque ce journal s’est consacré récemment à la véritable histoire de William Shakespeare, dont on ne sait toujours pas s’il a vraiment existé, il est temps de parler  des pièces dont on sait au moins qu’elles ont été signées de son nom.

Aujourd’hui, ce sera « Much ado about nothing ».

En anglais, le premier sens de ado c’est foin. Bien sûr, Beaucoup de foin pour rien, on aurait compris, mais ça faisait trop penser à un discours de François Hollande, alors on a choisi Beaucoup de bruit pour rien (ce qui fait penser à un concert de Johnny Halliday, mais bon…)

Beaucoup de bruit pour rien. Rarement jouée en dehors du Royaume Uni, cette comédie a fait l’objet d’un film en 1993.

Réalisé par Kenneth Branagh, joué K.B. et Emma Thompson, tous deux acteurs shakespeariens reconnus, le film est interprété avec un bonheur communicatif par toute leur troupe habituelle. Mais à cette troupe, quelques stars US de première grandeur n’ont pas eu peur de se mêler, et ce dans des rôles secondaires mais importants tout de même. Visiblement Denzel Washington, Keanu Reeves et Michael Keaton, sans cabotinage, sans tirer la couverture à eux et en restant dans les limites de leurs rôles secondaires, se délectent de pouvoir parler la magnifique langue de William de Stratford. En particulier, il faut voir et revoir l’incroyable prestation de Michael Keaton en chef de la police de Messine. Il est vrai qu’il est plutôt bien servi par le texte. (Le texte, toujours le texte, disait Louis Jouvet qui pourtant a peu joué Shakespeare)

La mise en scène de Kenneth Branagh est somptueuse et légère, magnifiquement servie par un décor toscan absolument splendide et, ce qui ne gâte rien : l’interprétation de cette comédie romantique et invraisemblable est ultra classique, Dieu merci !

Mais je veux aussi parler de la musique de Patrick Doyle dont vous aurez trois interprétations de « Sigh no more Ladies » si vous cliquez sur les trois liens ci-dessous :

Récité par Emma Thompson

https://www.youtube.com/watch?v=_xVDyi4Wprg

Sérénade autour de la fontaine

https://www.youtube.com/watch?v=479TkEj0UAA

Scène finale

https://www.youtube.com/watch?v=1mr8Hy6tLYk

S’il vous plait : ne ratez aucune des trois. En plus, les images sont superbes.

 

6 réflexions sur « Beaucoup de bruit pour rien – Critique aisée n°230 »

  1. Ha! Un petit rajout à mon dernier commentaire, mais qui a son importance car il n’est pas anecdotique: la musique magnifique de Lawrence d’Arabie est d’un compositeur français, Maurice Jarre. Un autre (parmi beaucoup d’autres) qui m’est venu depuis ce matin est que Shakespeare est un parfait exemple de l’anticonformisme propre aux anglais. Le peintre Turner en sera un autre plus tard. En France il faudra attendre le 19ème siècles pour que les anticonformistes se révèlent enfin.

  2. Je suis tout à fait d’accord avec ton dernier commentaire Philippe, notamment avec les deux dernières lignes qui résument parfaitement ma pensée. Lawrence d’Arabie, tout comme Shakespeare, est la manifestation même de l’esprit anglais, de l’âme anglaise, avec d’abord ce portrait de T.E. Lawrence, véritable aristocrate anglais au bon sens du terme (éducation, carrière militaire et diplomatique, aventurier, écrivain, philosophe [Les Septs Piliers de la Sagesse]), et cette interprétation par des grands du cinéma anglais (David Lean, Peter O’Toole, Alec Guinness, Lawrence Oliver). Alain Resnais c’est un peu une caricature de l’intellectualisme français qui a du mal à se laisser aller à la comédie, à la joie et le bonheur, ou à l’interprétation du tragique préférant à celle du roman national celle de l’Antiquité (Racine, Phèdre, Andromaque…). Dans nos cultures européennes on trouve des âmes différentes selon les pays que l’on retrouve dans la poésie, la littérature, la philosophie ou la musique: l’âme allemande, ou germanique, se retrouve dans Bach, Beethoven et Wagner; l’âme russe dans Mussorgsky, Borodin et Tchaikovsky; l’italienne dans Vivaldi, Verdi et Bellini; l’âme française dans Charpentier, Debussy et Biset. Pareil en littérature, en cinéma (aaah, Ingmar Bergman pour l’âme suédoise), etc. Ce que je trouve dans tout ça, c’est la richesse des cultures et des possibilités de préférence non de l’une globalement par rapport aux autres mais d’un représentant de l’une d’elle par rapport à d’autres. C’est vrai que Shakespeare est unique et sort du lot.

  3. D’accord : pour apprécier au mieux Shakespeare, il est préférable de connaître l’histoire et la culture anglaises. Connaître la langue aussi, c’est bien. Être anglais, c’est en fait ce qu’il y a de mieux pour ça.
    J’ajouterai qu’il est aussi préférable de connaître un peu d’histoire antique et de mythologie car iW.S. y fait souvent référence.
    Mais à mon avis, ces connaissances ne sont pas indispensables, pas seulement pour découvrir et aimer W.S., mais pour le préférer à nos classiques nationaux.
    Je n’ai jamais trouvé dans les comédies de Molière cette joie de vivre, cette poésie, cette légèreté et ce réjouissant sens de l’absurde qui nourrit « Beaucoup de bruit …» sans parler de la féérie qui entoure quelques autres comédies. Chez Corneille et même chez Racine, pourtant plus moderne, à mon avis on ne trouve pas cette ampleur, ce lyrisme, ces foules, ces harangues magnifiques, ce cynisme, ce sens de l’histoire. Chez les trois français, il y a toujours ce coté démonstratif parfois pesant et souvent artificiel. Molière, Corneille et Racine démontrent, exposent un point de vue sur un caractère ou sur une situation, souvent pour atteindre une morale. De plus, les deux tragédiens le font dans le cadre rigoureux et pesant de la règle des trois unités.
    W.S. raconte une histoire mêlée à d’autres histoires et mélange les genres. Bien sûr, parfois, il faut s’accrocher, tellement nous sommes peu habitués à toutes ces incises, ces digressions ou ces intermèdes féeriques. Mais on est toujours saisi par l’ampleur avec laquelle le sujet est traité.
    Quand on voit Jules Cesar, Hamlet, Henri III, Henri V, on a l’impression de voir un film à grand spectacle. Horace ou Phèdre, pourtant la plus belle pièce de Racine, vous ont-elles déjà donné cette impression ? Certainement non. On admire la langue, le travail de l’auteur mais on n’est jamais pris par l’action.
    Une tragédie de W.S., c’est Lawrence d’Arabie sur scène.
    Racine et Corneille, c’est de l’Alain Resnais tragique.

  4. Je comprends qu’on puisse préférer Shakespeare à nos Molière, Corneille et Racine mais à condition d’avoir une bonne compréhension de la culture anglaise, de sa langue, de son histoire et de ses servants. Shakespeare en est un, tout comme Churchill par ailleurs, il n’est jamais mieux servi que par les metteurs en scène et les comédiens anglais. Autrement dit, il faut être un peu beaucoup anglophile.

  5. Commençons pas resituer un peu les choses : quand, en 1599, Shakespeare écrit Beaucoup de bruit pour rien, il a 35 ans. Corneille naitra 7 ans plus tard, Molière ,23 ans plus tard et Racine, 40.
    Demander à un enfant s’il préfère sa maman ou son papa ne se fait pas.
    Demander à un Français s’il préfère Shakespeare ou Molière ne se fait pas non plus. De plus, il faudrait étendre la question et lui demander aussi s’il préfère Shakespeare ou Corneille, Shakespeare ou Racine, tant le barde de Stratford couvre les domaines d’exercice de nos trois grands classiques.
    Eh bien moi, je vous le dis tout net : je préfère Shakespeare à ces trois autres, c’est à dire tant pour la comédie que la tragédie.
    Pour moi, non seulement Shakespeare précède nos trois dramaturges classiques, mais il les domine.
    Je sais qu’en disant cela, je risque de scandaliser certains et de laisser indifférents les autres. Tant pis.
    Pour moi c’est tellement évident que je n’éprouve nul besoin de m’expliquer.

  6. Bon! Suis convaincu par ces trois extraits. J’achète dare-dare le dvd.

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