AVENTURE EN AFRIQUE (7)

Tamba Kamano et nos fournisseurs

Il nous avait été conseillé à l’ambassade de France de prendre un boy. Cela permettait de faire vivre une famille et de s’intégrer un peu plus dans le monde africain. Nous avions embauché un nouveau boy car Issoufou ne connaissait rien à notre cuisine… il m’avait même mis une boîte de conserves de sardines au four pour la réchauffer. J’avais pu faire rentrer Issoufou comme aide à la Section Topographique et embauche Tamba.

Notre boy était d’origine guinéenne. Il avait un certain âge, avec quelques rides sur le visage, mais de l’expérience : il avait servi chez des Français et parlait bien notre langue. Il était marié, avec plusieurs enfants et habitait dans un quartier en rive droite. Il avait environ 2,5 km à faire à pied en passant par le pont Kennedy pour rejoindre notre studio. Tamba nous préparait deux repas quotidien sauf le dimanche. Il faisait les courses, en particulier la viande qui était essentiellement de la viande de zébu achetée sur le marché. Nous trouvions que celle-ci avait un goût particulier… Nous pensons que Tamba nous faisait manger du chameau par économie car un peu moins cher que le bœuf. Nous avons par la suite décidé d’acheter nous-mêmes la viande chez le boucher d’origine alsacienne, arrivée au Niger après la libération et qui ne pouvait plus rejoindre la France à cause de son passé. Tamba était très souriant et avait toujours de nombreuses histoires à raconter. Il a eu un petit garçon pendant notre séjour qu’il a prénommé Géraud. Nous sommes allés chez lui rendre visite à la mère. En apercevant le nouveau-né je me suis exclamé : « Tamba ton fils est tout blanc !»,il m’a regardé d’un air triste « patron cela ne va pas durer ! ». Effectivement, la pigmentation vient un peu plus tard.

Les fruits et les légumes nous étaient livrés à domicile au moment de midi par « Chaux Pommé » un grand peul et son aide. Il ne savait ni lire ni écrire. Nous marchandions chacun des produits. En cours des négociations nous revenions sur le prix ou une quantité, quelquefois plusieurs fois. Au fur et à mesure Cantal et moi notions les sommes et à la fin, après l’achat d’une dizaine de variétés de fruits et légumes, j’annonçais un montant approximatif. Il me disait « patron tu m’étrangles,… cela fait… » et il lui de tête me donnait le montant qui était toujours exact ! Il avait beaucoup de mémoire, une différente de la nôtre. Il y avait aussi la « fille aux œufs »; elle les portait sur la tête dans une cuvette en métal. Tamba disait-elle avec un air entendu « cette fille là a déjà la maladie !».

Il y avait aussi Dogo et ses deux aides. Dogo venait nous proposer tout l’artisanat de l’Afrique Noire. Cela allait du tapis en poils de chameau, à la couverture djerma, à la peau de léopard, en passant par le bracelet de jambe de femme Peul, des croix d’Agadès en or ou encore des agates. Nous avons été clients et la majeure partie de ce que nous avons ramené de typique venait de lui.

Pour les autres achats, nous allions en centre-ville. Nous stationnions à proximité de la pharmacie. Là une volée d’adolescents plus ou moins handicapés se proposait de garder notre voiture qui était entièrement vide et jamais fermée. Nous en désignons un. Nous nous servions dans une espèce de supérette nommée « Karam-Karam », tenue par la famille Karam d’origine libanaise. Sur les grandes étagères métalliques, parcourues par les rats, l’Afrique du Nord était bien représentée : délicieuses confitures d’abricot de Tunisie, dattes de Lybie, olives et huile d’Algérie,… Nous trouvions aussi de grosses boîtes de conserve de 5 kg toujours sans étiquette et tous les alcools réputés, accessibles à tous. Pas de prix affichés, tout se passait à la caisse. Nous ne marchandions pas trop. En récupérant la voiture, il nous est arrivé de ne pas retrouver le gardien : il dormait sous la voiture ; le démarrage ne l’avait pas réveillé,… j’aurais pu l’écraser.

A SUIVRE (après demain)

2 réflexions sur « AVENTURE EN AFRIQUE (7) »

  1. Tamba aurait aimé que son fils reste blanc pour garantir dans son imaginaire sa réussite sociale. La montée de mélamine s’effectue au bout de quelques jours et Tamba le savait.
    Tamba n’était pas surpris de ma plaisanterie car nous avions des échanges courtois dans le respect de nos différences. Il savait que nous n’étions pas des colonisateurs mais là pour leur apporter une aide technique précieuse. Nous n’avons jamais rencontré de tout notre séjour la moindre agressivité de la part des Nigériens.
    Cinquante ans plus tard, il est déconseillé de voyager au Niger ce si beau pays !

  2. Ah Geraud nous parle d’un temps où l’on pouvait nommer le monde réel sans euphémismes ni circonlocutions alambiquées !
    Ce récit est plein d’odeurs , de saveurs mais pas sûr que son auteur gagne son diplôme de
    wokisme!!!!!
    Etonnant et touchant de lire que le nourrisson africain nait blanc….

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