L’âme de la femme

morceau choisi 

J’ai parfois pensé que la nature d’une femme est comme une grande maison pleine de pièces : il y a le hall où tout le monde passe pour entrer et sortir ; le salon, où l’on reçoit les visites officielles ; la salle de séjour, où les membres de la famille vont et viennent à leur gré ; mais au-delà, bien au-delà, il y a d’autres pièces, dont les poignées de portes ne sont peut-être jamais tournées ; personne n’en connait le chemin, personne ne sait où elles mènent ; et dans la pièce la plus intime, le saint des saints, l’âme est assise seule et attend le pas de quelqu’un qui ne vient jamais.
Edith Wharton, La Plénitude de la vie, 1893 

C’est bien joli, Madame Wharton, de vouloir filer la métaphore, mais encore faudrait-il qu’elle ait un sens. Ce n’est pas parce qu’on a eu un Pulitzer qu’on peut se permettre d’écrire n’importe quoi. 

Voyons voir… Vous nous dites que l’âme de la femme est assise dans une pièce où personne ne vient jamais. Devons-nous comprendre que personne ne connait et ne connaitra jamais l’âme de la femme ? Bon, ça encore, malgré la banalité de la proposition, ça peut aller. Passons…. 

Mais là où ça se gâte, c’est quand vous nous dites que son âme n’est
– a) ni dans le hall où passe tout le monde
– b) ni dans le salon où passent les visiteurs
– c) ni même dans la salle de séjour où se trouve sa famille. 

Alors, dans ces conditions, que lui reste-t-il comme endroit pour s’asseoir, à l’âme de la femme ? La cuisine ? Le placard à balais ? L’escalier de la cave ? À ce moment là, ce n’est pas vraiment étonnant que personne ne vienne jamais la voir.

Une autre façon de comprendre ce que vous dites serait que la femme et son âme ne se trouvent jamais ensemble au même endroit. Mais ça, ce serait ennuyeux. Pas vrai, Madame Bovary ? 

Une troisième façon de comprendre ce point de vue serait que l’âme de la femme EST une grande maison, avec des pièces où des gens, des amis, la famille passent. Mais il y a une pièce que personne ne connait, où personne ne va jamais, la pièce la plus intime, où l’âme est assise seule. 

En quelque sorte : une grande maison assise dans une pièce de cette même maison…

Pas terrible, tout ça…

 

3 réflexions sur « L’âme de la femme »

  1. Moi je préfère la comparaison de la femme à un livre, faite par John Donne dans son poème Elegy To his mistress going to bed. Il devait s’y connaître, puisqu’il fut prêtre anglican et eut 12 enfants …

  2. Je viens de discuter ce morceau choisi avec une personne à mes côtés qui est sans conteste une très bonne connaisseuse d’Edith Wharton, sa vie et son œuvre. Bien qu’elle n’ait pas lu La Plénitude de la Vie (The Fulness of Life), l’extrait ne l’a pas surprise et moi non plus d’ailleurs. Sa comparaison de la femme a une maison n’est pas étonnante (sachant qu’elle se passionnait pour l’architecture, les maisons et leurs jardins, nous avons visité celle grandiose dans le Massachusetts et celle en France à Hyères) car au-delà des pièces connues et fréquentées restent celles ou celle en dernier recoin qui représente un idéal inatteignable intellectuellement (dans son cas de la haute société new-yorkaise de l’époque). Ce thème est parfaitement illustré dans le film L’Àge de l’Innocence (Thé Âge of Innocence) d’après le roman éponyme (Prix Pulitzer 1921) réalisé par Martin Scorsese avec Michèle Pfeiffer. J’ajoute que Edith Wharton a beaucoup vécut en France après son divorce, peut-être pour échapper à l’hypocrisie de la haute société new-yorkaise. Elle a ainsi parcouru la France en Penhard-Levassor en compagne de Henry James, un autre expat américain.

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