Rendez-vous à cinq heures : Jim fait le pont (5)

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Construire un pont, quelle bonne idée !
par Jim

Un pont sur le Mississippi, à Natchez

« Le Mississippi vaut la peine d’être lu. Ce n’est pas un fleuve banal, mais au contraire remarquable à tous égards. »

C’est l’incipit du livre Life on the Mississippi (La vie sur le Mississippi) écrit par l’un des plus authentiques écrivains américains : Mark Twain (nom de plume, de son vrai nom Samuel Clemens). Nul ne peut parler du Mississippi mieux que lui. Mark Twain passa sa jeunesse aux abords mêmes du Mississippi, devenu adulte il exercera quelques temps le métier de pilote sur les fameux bateaux mississippiens à roues à aubes, un métier qu’il considérait comme éminemment prestigieux. C’est d’ailleurs cette expérience qui lui fera adopter le nom Mark Twain (langage de pilote mississippien signifiant « marque deux », c’est-à-dire « profondeur deux brasses ») pour signer ses premiers écrits, d’abord des histoires courtes puis viendront les livres devenus célèbres tels que Les aventures de Tom Sawyer puis celles de Husklebery Finn, enfin, plus tard, La vie sur le Mississippi.

Le Mississippi me fascine depuis longtemps. Un seul autre fleuve au monde m’inspire les mêmes sentiments bien que je ne le connaisse pas aussi bien que le Mississippi, c’est le Nil. Ces fleuves, depuis leur source jusqu’à leur delta, charrient de l’histoire et beaucoup d’histoires. J’aime le Mississippi, déjà son nom d’origine indienne Misi-zibi qui signifie « grande rivière », dont j’ai la prétention de l’avoir contempler par morceaux depuis sa source dans l’État du Minnesota jusqu’à son delta dans l’État de la Louisiane. Il partage l’Amérique en deux du nord au sud, avec de chaque côté celle de l’Est et de l’autre celle de l’Ouest, une évidence pas seulement géographique mais aussi historique et culturelle. Son obstacle n’était pas facile à franchir : d’abord à même la surface du fleuve avec des embarcations types pirogues ou bacs, puis sont venus les ponts routiers et ferroviaires au 19ème siècle. Ces ponts vers un autre Nouveau Monde ont provoqué la Conquête de l’Ouest avec en corollaire l’aspiration d’une émigration venant de toute l’Europe, et en deuxième corollaire la neutralisation des populations indiennes, les Chippewa, les Illinois, les Natchez, etc, une triste et douloureuse réalité ! Maintenant que l’Ouest est définitivement conquis, on enjambe le Mississippi par les airs, c’est plus facile et rapide. Tout au nord, dans le territoire scandinave, je le vois comme une jeune fille espiègle aux cheveux blonds, Miss Issippi ; au sud, ce serait plutôt une femme mûre, Mississ Ippi de sangs et de cultures d’origines mélangées, espagnoles, françaises, irlandaises, africaines bien sûr, et d’autres encore. C’est aux abords du Mississippi que sont nés le Blues, le Jazz et le Rock’n’roll. Il a aussi inspiré Dvorak, Gershwin, et d’autres compositeurs classiques. Enfin, Mark Twain n’est pas le seul écrivain « du Sud », il y a aussi William Faulkner, Tennessee Williams, Truman Capote, Erskine Caldwell et bien sûr Margaret Mitchell l’auteur du célèbre Gone with the Wind (Autant en emporte le vent), son seul roman mais l’emblème du Sud à lui tout seul. Le Mississippi du Sud est indéniablement un fleuve qui inspire.

Et les ponts dans tout ça ? Le parcours du Mississippi de sa source à son delta est de 3780 kms à quelques kilomètres près. Les affluents sont nombreux dont le principal est le Missouri qui prend sa source dans les Montagnes Rocheuses à l’Ouest, dans l’État du Montana, et qui se jette dans le Mississippi près de Saint-Louis. À ce propos, beaucoup, tels Mark Twain, pensent que la véritable source à attribuer au Mississippi devrait être celle du Missouri car le parcours de ce dernier en amont de la confluence à Saint Louis est supérieur à celui du Mississippi. D’ailleurs pour Mark Twain le Mississippi était un ensemble, un territoire, englobant le fleuve et tous ses affluents. Sur ce parcours se compte approximativement à ce jour 133 ponts. Ce n’est pas beaucoup en comparaison avec La Loire de 1006 kms et ses 185 ponts qui l’enjambent ! Les ponts sur le Mississippi n’ont rien de bien particulier sinon que la plupart sont typiquement en acier du type de celui de Natchez sur la photo au-dessus. J’aurai l’occasion de revenir sur ces ponts made in USA dans un article futur.

En attendant, je vous livre ci-dessous dans sa langue originale pour en apprécier le style, le premier paragraphe du chapitre 1 de Life on the Mississippi écrit par son plus grand et légitime connaisseur, Mark Twain :

Chapter 1
The River and Its History

THE Mississippi is well worth reading about.  It is not a commonplace river, but on the contrary is in all ways remarkable. Considering the Missouri its main branch, it is the longest river in the world–four thousand three hundred miles. It seems safe to say that it is also the crookedest river in the world, since in one part of its journey it uses up one thousand three hundred miles to cover the same ground that the crow would fly over in six hundred and seventy-five. It discharges three times as much water as the St. Lawrence, twenty-five times as much as the Rhine, and three hundred and thirty-eight times as much as the Thames. No other river has so vast a drainage-basin: it draws its water supply from twenty-eight States and Territories; from Delaware, on the Atlantic seaboard, and from all the country between that and Idaho on the Pacific slope–a spread of forty-five degrees of longitude. The Mississippi receives and carries to the Gulf water from fifty-four subordinate rivers that are navigable by steamboats, and from some hundreds that are navigable by flats and keels. The area of its drainage-basin is as great as the combined areas of England, Wales, Scotland, Ireland, France, Spain, Portugal, Germany, Austria, Italy, and Turkey; and almost all this wide region is fertile; the Mississippi valley, proper, is exceptionally so.

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