Blondin exposé ?

Antoine Blondin exposé ?

J’ai aimé, j’aime et j’aimerai toujours ce singe en hiver, ce désespéré bon vivant, cet écrivain journaliste, ce spécialiste du Tour de France qui savait à peine pédaler, ce styliste sans œuvre constituée qui soit à la hauteur de son incroyable talent. Il y a chez lui un parfum de paresse omnipotente, de nostalgie déchirante, de goût pour la solitude et pour les vraies amitiés qui me plait bien. Ses phrases ont de ces élégances et ses aphorismes sont des chefs d’œuvre.

J’ai déjà pas mal écrit, en bien, sur la vie et l’œuvre de Blondin et je l’ai pas mal cité. Pour retrouver ces textes et ces citations, vous n’avez qu’à taper « Blondin » dans la case de recherche, celle avec une petite loupe ! (Je ne peux quand même pas tout faire pour vous !)

Je regrette qu’il n’ait pas écrit davantage, pourtant je n’ai jamais pu me résoudre à lire ses célèbres chroniques du Tour de France. Je sais bien que je dis souvent « l’histoire, on s’en fout, c’est le style qui compte« , mais il y a des limites, et le vélo est au-delà.

C’est en sortant d’une pizzeria de la rue des Canettes que, passant devant la

mairie du VIème, j’ai vu cette affiche :

Comment ? Une exposition sur Blondin ! Et on ne m’avait rien dit. J’entre, je fends la foule masquée qui s’est enfin décidée à se faire vacciner, et j’interroge :

— Blondin, c’est par où ?

— Escalier d’honneur (bigre !), premier étage (l’étage du Maire, rebigre !), vous tournez trois fois à droite et une fois à gauche.

— Merci, je connais. C’est là qu’un ami a exposé ses parapluies, une fois.

—Pardon ?

— Rien… faites pas attention

Escalier monumental, appariteur fumant à la fenêtre, tapis rouges, bustes sévères, informations municipales, bureau de Monsieur le Maire, Salle Albert Cottard, Toilettes, Sortie… les panneaux se succèdent, mais de Blondin, point !

Ah, si ! Le voilà ! Les indications étaient bonnes, mais on ne m’avait pas donné d’idée de la distance à parcourir. C’est grand, une mairie à Paris. Et vide, aussi…

Les lieux ont tout d’une salle d’exposition : le long des murs, placards avec textes et photos, au centre, trois vitrines avec les éditions des œuvres de l’auteur. Je me réjouis d’avance et j’avance ; un homme assis derrière une table et un MacBook me salue. Je le salue en retour :

— Bonjour, Monsieur.

Il ne ressemble en rien à un gardien de musée, mais davantage à un ami de Blondin. C’est bon signe.
Mais à part un joli résumé d’Antoine :

A part une ou deux citations amusantes :

Je n’ai trouvé que des histoires de Tour de France :

C’est pourquoi, déçu, je vous redonne ce que j’écrivais sur lui il y a sept ans :

Je suis un pilier de bistrot. Oh, pas du genre Antoine Blondin, malheureusement. Ce cher Antoine! Non que je l’aie connu. Mais j’aurais bien aimé écrire comme lui, ne serait-ce qu’un peu, un tout petit peu. Je sais qu’il fréquentait beaucoup un café de la rue du Bac, le Bar Bac, près du domicile qu’il partageait avec sa mère. Il disait : « La littérature, c’est des litres et des ratures». J’ignore s’il écrivait dans ce bistrot ou s’il travaillait ailleurs. Je le vois plutôt chez lui, par exemple sous les lambris de ce grand appartement, au coin d’une fenêtre donnant probablement sur la Seine, tapant à la machine, une cigarette au coin de la bouche, un œil à demi fermé sous la piqure de la fumée, juste après une nuit de beuverie et juste avant un petit déjeuner tardif, qui serait fait d’un demi pression suivi d’un café et d’un croissant, juste pour la forme. Non, je n’ai jamais rencontré ce cher Antoine et tous ces détails, je les ai imaginés. Ils font partie de ce personnage que je n’ai connu que par ses écrits au style brillant, sobre et classique, et par ses éclats zazouesque de Saint-Germain des Prés.

Aujourd’hui, on ne se souvient plus de lui que comme auteur de « Un singe en hiver », dont Henri Verneuil avait tiré son meilleur et à peu près seul bon film.

Oubliés Les Enfants du Bon Dieu, L’Europe Buissonnière, L’Humeur Vagabonde, Monsieur Jadis, oubliées ses chroniques du Tour de France.

Il avait tant d’amis de cœur, de compagnons de cuite et d’associés de beuveries que, comme l’a dit l’un d’entre eux, « le jour de son enterrement, même l’église était bourrée. »

La disparition d’Antoine a laissé à tous ses amis, ceux qu’il connaissait et ceux qu’il ne connaissait pas, un drôle de goût, noué dans la gorge, un goût doux-amer, un goût de nostalgie, d’élégante nonchalance ou de nonchalante élégance, un goût de pas de chance, d’inachevé, d’adolescence tardive, un goût d’écriture, un goût de solitude, de désespoir anodin, de ratage admirable.

Je disais donc que j’étais un pilier de bistrot. Il n’y a pas un autre endroit où je pourrais rester assis presque sans bouger, pendant deux heures durant, ne buvant que deux cafés ou un demi pression, assis sur une chaise souvent inconfortable, dans un brouhaha de conversations, de jets de vapeur Cimbali et de soucoupes entrechoquées. Pas un autre endroit où je pourrais passer deux heures à écrire un petit mot sur un ami que je n’ai pas connu, Antoine Blondin.

Antoine Blondin (1922-1991)

Bientôt publié

30 Juin, 07:47 Tableau 354
30 Juin, 16:47 Rendez-vous à cinq heures avec Robert Dhéry
1 Juil, 07:47 Le Cujas (75)

Une réflexion sur « Blondin exposé ? »

  1. Il y a des lustres, lors de festivité familiale, j’expliquais à une copine d’un neveu qui ètudiait en lithérature, et c’étais au début des 486 intel, je lui expliquais qu’un ordinateur n’était pas nécessaire pour cette discipline, et elle insistait que oui.

    Mais non lui expliquais-je, tu écris sur papier et le proffesseur lit tes rathures.

    C’est sans doute de la récupération de popularité, mais j’ai vraiment eu enie de partager ce souvenir cocace.

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