Rendez-vous à cinq heures : Les belles histoires de l’oncle Bertrand

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Les belles histoires de l’Oncle Bertrand

Je vais sans doute en choquer plus d’un en avouant qu’Arte n’est pas ma chaine favorite. Elle me fait trop penser à Télérama. Mais je dois reconnaitre que, depuis quelques temps dont je ne sais pas si je dois les compter en mois ou en années, Arte change progressivement, et progressivement remonte dans mon estime.

Pourtant je me souviens de ses débuts, avec ses tics et ses affectations insupportables dont on pouvait trouver le concentré dans sa manière d’annoncer les programmes : des voix douces de très jeunes femmes déclinaient les émissions à venir de façon décalée, directement inspirée de la manière dont des voix jumelles vous déclinaient sur FIP les embouteillages parisiens.

Il y avait aussi cet incompréhensible retard technique d’Arte qui persistait à présenter, pourtant dans des émissions cinéphiles et élitistes, des chefs d’œuvre du cinéma étranger en version française. Et, dans le même registre, quand enfin Arte se décida à proposer la version originale en option, c’était tellement compliqué de l’obtenir que la plupart du temps, on n’y parvenait qu’à la seconde moitié du film, si on n’avait pas abandonné avant.

Mais c’est vrai, tout cela est mieux maintenant. On pourrait presque dire que, techniquement, Arte aura bientôt rattrapé les autres chaines.

Je dis ça, mais je n’en suis pas vraiment sûr car je ne regarde plus la télévision, plus en direct en tout cas. Quand je peux, j’enregistre les films annoncés ou je regarde Netflix.
Et voilà qu’Arte a créé un replay, et un site pour aller avec. Je crois bien que c’est le site le plus mal fichu que l’on puisse trouver, mais bon, avec un peu de chance, si l’espace-temps le permet, on pourra tomber sur un replayplaisant.

C’est comme cela, et c’est là que je voulais en venir, que je suis tombé sur une série d’interviews de Bertrand Tavernier. J’ai eu récemment l’occasion malheureuse — Tavernier est mort le mois dernier — de dire tout le bien que je pense de ce réalisateur, dont les films ont toujours tranché par leurs qualités de professionnalisme avec ceux tant de réalisateurs contemporains hexagonaux.

Aujourd’hui, je voudrais insister sur ses qualités non pas de réalisateur ou de critique, mais de conteur du cinéma, de raconteur du cinéma.
Chaque épisode de cette série dure une cinquantaine de minutes et pendant ces minutes, Tavernier, dont on voit avec tristesse la maladie progresser d’épisode en épisode, vous raconte l’un de ses films, Coup de Torchon, Capitaine Conan… et c’est absolument passionnant. Bien sûr, ce n’est pas l’histoire de Coup de Torchon qu’il vous raconte, mais ce qui l’a précédé, ce qui s’est passé pendant le tournage, le pourquoi des choix techniques ou scénaristiques, les particularités des comédiens, des techniciens…
C’est encore plus passionnant quand il fait la même chose avec le cinéma des autres, celui d’Autant-Lara, de Clouzot… Par exemple, l’épisode qui raconte Quai des Orfèvres est superbe d’émotion et d’humanisme.
Et c’est tout aussi passionnant quand il aborde le cinéma américain, dont il a une connaissance qui semble inépuisable. L’Aventurier du Rio Grande, Convoi de femmes…

Assis tranquillement chez lui dans un large fauteuil, revêtu de plusieurs pull-over, sans bouger, avec très peu d’extraits de films, il parle, et quel que soit votre âge, vous avez l’impression d’écouter un grand-père idéal vous raconter une histoire vécue du cinéma.D’ailleurs, tout le temps, avec son visage légèrement féminin et amolli, sa lèvre inférieure violette et charnue, ses cheveux blancs en désordre, son calme, sa bienveillance et ses bouffées d’enthousiasme, il m’a fait penser, à moi qui ai l’âge de Tavernier, à ma propre grand-mère.

Si vous allez sur le site d’Arte, évitez-vous bien des énervements : allez directement dans la case Recherche et tapez Tavernier. Ça suffira peut-être.

 

Une réflexion sur « Rendez-vous à cinq heures : Les belles histoires de l’oncle Bertrand »

  1. Ces chroniques de Bertrand Tavernier sont absolument toutes remarquables. Je viens d’en découvrir une, celle sur l’Ouest, qui est remarquable bien au delà du film western car elle part de la littérature western elle-même pas très connue en France (un genre littéraire typiquement américain tout comme le roman maritime est typiquement anglais, genres dont j’ai été très tôt un fervent lecteur) et elle débouche de façon simple et évidente sur sa corrélation avec l’histoire, la société et la politique (Trump) américaine. Passionnant en effet.

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