Le boson de Higgs (Part one of two)

Bonsoir Mesdames, bonsoir Mesdemoiselles, bonsoir Messieurs,

Laissez-moi tout d’abord vous remercier d’être venus si nombreux ce soir dans cette magnifique salle multisports de Charmeux-les-Chambrées. Il est certes très étonnant mais surtout très réconfortant pour un vieux scientifique comme moi qu’autant de personnes puissent s’intéresser à un sujet aussi ardu que « Le boson de Higgs », et ceci  dans un environnement pour le moins rustique, il faut bien le dire. Comme dit le poète : « J’y crois pas ! »

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais vous narrer une petite aventure qui m’est arrivée à l’instant. Il se trouve qu’au moment où j’allais pénétrer dans cette salle, un individu m’a abordé et, me prenant par le revers du veston, m’a posé à brûle-pourpoint — c’est dire s’il me tenait serré — la question suivante :

« Quelle est la place et l’importance de la Chute dans la Nouvelle ? ».

Étonnant, non ? Et d’autant plus que, sans attendre la réponse, l’individu s’est éloigné à grands pas, non sans revenir, il est vrai, quelques secondes plus tard pour ajouter d’un air de défi : « S’il vous plait, Maître. » Il est évident que je ne pouvais laisser sans réponse une question aussi essentielle, surtout juste après diner. C’est pourquoi, si vous le permettez, avant d’entrer de plain-pied dans le boson, je vais tenter d’y répondre en quelques mots. La question est donc posée :

Quelles sont la place et l’importance de la Chute dans la Nouvelle ?

Pour l’aborder sans manières mais d’une façon qui soit compréhensible par des gens qui, je crois, ne reçoivent pas tous la 4G, il est nécessaire de définir au préalable les termes dont il s’agit.

Et tout d’abord, la Nouvelle.

Certains, pour détendre l’atmosphère, saisiraient l’occasion de jouer de ce mot et de ses multiples sens tant comme adjectif et que comme substantif. Vous voyez sans doute ce que je veux dire : la Nouvelle Vague, la nouvelle maitresse d’école, ou la nouvelle maitresse du Maire, les dernières nouvelles, et toute cette sorte de choses. Mais vous savez que ce n’est pas mon genre, et de toute façon, nous n’avons pas le temps.

Non, en l’occurrence, mon interpellateur voulait parler, c’est à peu près certain, de la Nouvelle en tant que genre littéraire.

Alors, qu’est-ce qu’une Nouvelle en tant que genre littéraire ? N’ayant, comme vous pouvez le constater, à portée de main ni dictionnaire ni Wikipédia, je vais devoir, ex abrupto, pour ainsi dire au débotté , donner de la Nouvelle ma définition personnelle. La voici :

La Nouvelle est un récit qui se caractérise par sa brièveté et son unité.

1 – Brièveté

Si la longueur d’une Nouvelle peut aller à mon avis jusqu’à une cinquantaine de pages, elle peut se réduire, également à mon avis, à deux ou trois pages… En deçà de cette fourchette, on parlera de communiqué ou même d’aphorisme. Au-delà, on dira qu’on a affaire à  un pavé , un pensum, à la rigueur un roman.

2 – Unité

L’unité de la Nouvelle lui est intrinsèque : elle découle de sa brièveté même. Attention, il ne faudrait pas prendre ici ce mot au sens classique, celui des trois unités. Pour ceux qui, au baccalauréat, auraient choisi les séries ‘S’ ou ‘ES’, rappelons que les trois unités de la règle du théâtre classique sont l’unité de temps, l’unité de lieu et l’unité d’action. La Nouvelle a de la chance car elle ne se doit de respecter que l’unité d’action, ce qui n’est déjà pas si facile. Chaque fois que le Nouvelliste ne respectera pas cette règle, son produit deviendra un roman trop court, une ébauche de roman ou une merde infâme, à moins qu’il n’ait voulu écrire un mode d’emploi ou un prospectus.

Du fait même de cette nécessaire unité d’action, on conçoit bien, et les mots pour le dire arrivent aisément, que le nombre de personnages d’une Nouvelle doive être restreint, et itou pour le nombre de lieux visités. De même, les descriptions des décors et du physique des héros devront être ramassées. Elles ne sauraient représenter qu’une faible proportion du texte. Le non-respect de ces dernières règles, secondaires je le reconnais, mais cependant importantes, risquerait des créer la confusion entre la Nouvelle et les pages d’un annuaire du téléphone ou d’un catalogue d’agence de voyage.

Brève, concentrée sur une seule action, peu peuplée en personnages et concise en descriptions, la Nouvelle doit, en quelques lignes seulement, plonger le lecteur dans une époque et dans un lieu. Ses rares personnages doivent être campés en quelques traits. Elle doit prendre le lecteur par la main et, sans lui laisser le temps de réfléchir aux éventuelles lacunes de l’intrigue, le mener d’un point A à un point B.

J’entends dans la salle quelques murmures de protestation, du genre « Ah ben oui, mais non ! Pourquoi refuserait-on à des textes brefs l’appellation de Nouvelle sous le prétexte qu’ils mettraient en scène plusieurs personnages traversant un grand nombre de pays au cours d’un voyage de plusieurs mois ? » Si, si, j’ai parfaitement entendu, je peux même préciser que cela provenait du deuxième balcon, là, en haut à gauche. Eh bien, permettez-moi de dire à mon contradicteur que, premièrement, ça, c’est le genre d’objection qui m’horripile et qui fait perdre du temps à tout le monde. J’ajouterai qu’il faut quand même avoir l’esprit particulièrement étroit pour ne pas voir que toute règle a ses exceptions dont on sait d’ailleurs qu’elles ne font le plus souvent que la confirmer, poil au nez.  Et puis aussi que c’est pas la peine de faire l’innocent et que je l’ai reconnu : c’est celui-là même qui a posé la question de départ. Alors bon, hein !

Bon, je continue : Faisant fi de la pusillanimité de certains, je viens donc, pour le bénéfice des autres, de définir ce qu’est la Nouvelle.

La suite, c’est demain.

 

 

 

 

 

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