Le mécanisme d’Anticythère – Chapitre 14-1 – The Nicholas Barbon Insurance Company

Chapitre 14-1 – The Nicholas Barbon Insurance Company
Janvier 1904

 

 

Transmission par câble
de

Jeremy Harding
Deputy loss adjuster
International Claims Department
Nicholas Barbon Group
 
à

Augustus Fink-Nottle
Director
Head of International Claims Department
Nicholas Barbon Group
Insurance Company
111 Cannon Street, London

Dossier n° : JH-GR-03-004
Sinistre : Incendie – 1903/08/23
Assuré : Grantham / Minklès

Rapport n°4

Rappel

1-En date du 17 janvier 1901, Mr Timothy Grantham, citoyen britannique, aujourd’hui décédé, a souscrit auprès de notre bureau d’Athènes une police d’assurance garantissant ses biens personnels ainsi que sa responsabilité de locataire envers Mr Aristote Minklès, propriétaire de la maison sise 22 rue Fokilidou à Athènes dont notre assuré avait fait sa résidence principale à compter du 7 janvier 1901 (Cf. : rapport n°1)

2-Les primes ayant été régulièrement acquittées et le risque ayant été vérifié conforme aux déclarations, la garantie est acquise de façon certaine. (Cf. : rapport n°1)

3-Mr Grantham a péri en mer dans le courant du mois décembre 1902. Sa mort a été déclarée suspecte par le Procureur du Roi. Celui-ci n’a pas encore déposé ses conclusions, mais on peut aujourd’hui tenir pour acquis qu’il s’agit d’un crime crapuleux dont les présumés coupables sont actuellement aux mains de la police égyptienne en attendant leur transfert à Athènes. (Cf. : rapports n°2 et 3)

3-Dans la nuit du 23 au 24 août 1903, un incendie s’est déclaré dans la propriété Minklès alors que celle-ci était inoccupée. (Cf. : rapport n°1). A la date du sinistre, le bail n’ayant pas été résilié, Mr Grantham était toujours locataire de Mr Minklès et notre garantie toujours en vigueur.

4-Selon les premières informations recueillies par téléphonage au Commissariat de Police Central d’Athènes, la quasi-totalité des biens appartenant à Mr Grantham, ainsi que la majeure partie de la propriété Minklès auraient été détruites. On pouvait donc estimer provisoirement le coût de ce sinistre pour notre Compagnie à la somme de vingt mille livres sterling, soit 5000 Livres pour les biens meubles et 15000 Livres pour le bâtiment.

 4-1 Objet du présent rapport

Dans le cadre de notre examen du dossier, nous avons pris contact avec les Honorables Mr Johnson, Johnson and Schrameck, chargés de la succession de Mr Grantham. Nous avons obtenu une copie du rapport de leur enquêteur, Mr Oreste Rouvikonas, détective privé à Athènes (Cf. Annexe A). Selon le rapport Rouvikonas, la totalité des biens personnels de Mr.Grantham a été détruite ainsi que la majeure partie de la propriété Minklès. Cependant, plusieurs indices contenus dans ce rapport nous ont conduit à nous interroger sur la nature accidentelle de cet incendie : absence d’occupants au moment du sinistre, multiplicité des points de départs possibles pour le feu, faible quantité de vestiges de mobiliers. Nous nous sommes donc rendus personnellement sur place afin de nous livrer à notre propre enquête en présence de Mr et Mrs Agrafiotis.

4-2 Constatations matérielles

4-2-1 : Bâtiment : Les deuxième et troisième niveaux de la propriété Minklès sont détruits au deux tiers, tandis que le premier niveau n’a été atteint que par les fumées et l’eau utilisée par les pompiers pour maitriser l’incendie. Cependant, le bâtiment doit être considéré comme une perte totale. Notre nouvelle estimation provisoire des dommages sur ce poste est de 12000 Livres.

4-2-2 : Mobilier : les vestiges du mobilier appartenant à Mr.Grantham sont étonnamment peu abondants. Au vu de ces seuls vestiges, nous évaluons les dommages mobiliers à 500 Livres.

Deux explications à l’absence de vestiges nous paraissent seulement possibles :

  1. a) les vestiges ont été dérobés après la survenance de l’incendie
  2. b) le mobilier avait été déménagé avant cette survenance.

Le premier niveau de la villa qui constituait le logement des domestiques de Mr Grantham, le couple Agrafiotis, était entièrement vide de tout vestige. Mr Agrafiotis nous a déclaré qu’il avait pu récupérer ses meubles, peu ou pas endommagés lors de l’incendie (Cf. : Annexe B : Compte rendu d’entretien avec Mr et Mrs Agrafiotis)

4-2-3 : Points de départ et cause de l’incendie

En présence d’un représentant de la police locale et avec l’aide d’ouvriers recrutés à cette occasion pour dégager certaines zones encombrées, nous avons procédé à un examen détaillé des locaux. Nos constatations sont les suivantes :

  1. a) Niveau +2 – cage d’escalier : présence d’un récipient métallique contenant les restes de deux chandelles et d’un chiffon imbibé d’huile.
  2. b) Niveau +2 – chambre à coucher : au pied d’une fenêtre équipée de rideaux entièrement détruits, présence de journaux chiffonnés partiellement consumés
  3. c) Niveau +3 – cabinet d’étude-atelier : présence d’un matelas partiellement consumé en son centre et odeur suspecte relevée dans les lames du plancher sous ledit matelas.

Ayant identifié au moins trois points de départ indépendants pour cet incendie ainsi que trois dispositifs distincts de mise à feu, nous pouvons dire de façon certaine qu’il s’agit d’un incendie criminel.

Nous avons procédé à l’interrogatoire de Mr et Mrs Agrafiotis tant sur les lieux de l’incendie qu’à leur nouveau domicile. Certains indices sont alors apparus qui nous ont conduit à les soupçonner fortement d’être les auteurs de cet incendie. (Cf : Annexe A – Note confidentielle relative aux domestiques de l’assuré et leur possible implication dans l’incendie du 23 août 1903)

4-3 : Considérations sur la mise en jeu de la garantie

On sait que le droit grec qui régit les rapports entre propriétaires et locataires a été fortement inspiré par le droit français (Code Napoléon). En conséquence, la cause criminelle de l’incendie étant établie de façon certaine, la responsabilité locative présumée de notre assuré s’en trouve dégagée. Notre compagnie n’aura donc pas à indemniser Mr Minklès, propriétaire de la maison sinistrée.

4-4 : Conclusion

Les dommages immobiliers n’étant pas indemnisables pour les raisons indiquées ci-dessus et les dommages mobiliers étant inférieurs à 500 Livres, nous proposons de classer ce dossier en versant la somme de 300 Livres aux Honorables Johnson, Johnson et Schrameck pour solde de tout compte.

4-5 : Demande d’instructions

Compte tenu de ce que nous avons exposé au paragraphe 4-2-3 ci-dessus et dans notre annexe A, nous demandons des instructions quant à la suite à donner à nos investigations et plus particulièrement sur les questions suivantes :

-Devons-nous poursuivre notre enquête relative à l’éventuelle implication des époux Agrafiotis dans cet incendie criminel ?

-Devons-nous faire part de nos soupçons ou de nos conclusions à la police d’Athènes ?

Fait à Athènes, le 17 janvier 1904

A SUIVRE

 

2 réflexions sur « Le mécanisme d’Anticythère – Chapitre 14-1 – The Nicholas Barbon Insurance Company »

  1. Et oui , à la fin du rapport de l’expert, l’assuré n’a plus qu’à se repentir de n’avoir pas lu les toutes petites lignes du contrat…
    En revanche le lecteur régulier du JDC se réjouit de contribuer à la hausse d’une courbe qui n’est pas celle des hospitalisations…

  2. Rapport très professionnel de Jeremy Harding, alias Philippe Coutheillas.

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