Retour de Campagne (11) – La dame de Chez Lipp-Suite &Fin par Guy

Retour de Campagne (11)
9 novembre 20

Le jeu « Suite & Fin » récemment proposé ici-même consistait à produire un texte en continuation d’un texte proposé par le JdC et dont le titre était « La dame de Chez Lipp »
Voici la contribution de Guy. Le texte de départ est imprimé en bleu et le texte de Guy en noir, tout simplement.

La dame de Chez LIPP

Chez Lipp, dans l’angle Nord-Est de la première salle, juste sous le petit panneau cartonné suspendu à une patère qui « pour la tranquillité de la clientèle, demande aux utilisateurs de téléphones portables de renoncer à s’en servir à table », il y a une femme qui n’y a pas renoncé.

Elle est entrée, seule, brune et pâle, l’oreille collée au petit écran.  Au maitre d’hôtel qui l’a reçue comme une habituée, elle n’a pas adressé un regard. Par un imperceptible mouvement de la tête, elle a refusé les services de la demoiselle du vestiaire et, sans interrompre sa conversation, dans un mouvement compliqué accompli avec la dextérité que seule donne une grande habitude, elle s’est débarrassée de son imperméable. Elle l’a posé sur la banquette, noir, noir comme son sac, comme son tailleur, comme ses chaussures et s’est assise à côté tout en continuant à parler.

On ne l’a pas vue passer commande, mais, quand le garçon lui apporté tout d’abord une corbeille de pain, puis une bouteille d’eau minérale, puis son plat sans doute habituel, elle l’a accueilli d’un sourcil levé réprobateur sans interrompre sa conversation.

Elle n’a pas l’air content, la dame en noir. Les yeux dans le vague, parfois au ciel, elle alterne de brèves périodes d’écoute et de longs soliloques tout en pignochant comme à regret dans son assiette. À intervalles irréguliers, il semble que la communication s’interrompe. Alors, la dame éloigne son téléphone de son oreille, le considère d’un œil incrédule et, le visage devenu plus pâle encore sous la lueur blafarde de l’écran, elle compose un numéro d’un index furieux.

Un silence et puis un hurlement : « Non, c’est pas possible ! ».
Elle se lève et se dirige comme une folle vers la sortie.
« Non, non, non ! », bousculant les tables et renversant les chaises.
Alors, heurtant de la tête le lourd meuble de rangement des couverts, elle trébuche et s’affale. Un silence, le temps qu’un garçon s’en approche et lui demande :
« Ça va ? Rien de cassé, Madame ? Asseyez-vous, je vous apporte à boire. Prenez votre temps ».
La dame s’esclaffe alors « Foutez-moi le camp » puis éclate en sanglots. Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi ? »
Son mobile sonne. Elle ne décroche pas. Trois ou quatre fois de suite.
A la quatrième ou cinquième fois, elle décroche et écoute. Son visage s’illumine.
« Ca y est, je l’ai ! Il m’en donne un !» , son mari je suppose.
« Mais quoi donc ?», lui demande le garçon.
« Un vélo électrique ! Celui qui me permettra de circuler à l’aise dans tout Paris ! Anne Hidalgo se rend au boulot * sur un vélo normal. Moi, ce sera un é-lec-tri-que, surtout que pour monter aux Buttes, ce sera moins dur. »

Bah oui.

(*) casque de travers, j’adore.

 

Nous avons eu les participations de Lorenzo et Guy. Nous pourrons lire bientôt celles de Jim, Bételgeuse et Bruno.  On attend encore celles de Lariègeoise et d’Edgard. 

 

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