NOUVELLES DU FRONT (19) – 31/08/2020

LA BÊTISE AU FRONT DE TAUREAU

Nous avons, pour plaire à la brute,
Digne vassale des Démons,
Insulté ce que nous aimons
Et flatté ce qui nous rebute ;
Contristé, servile bourreau,
Le faible qu’à tort on méprise ;
Salué l’énorme bêtise,
La Bêtise au front de taureau.

 

Il y a pire que le masque
Lundi 31 août

Le masque, c’est vrai, c’est pénible. D’abord, ça fiche de la buée plein les lunettes. Ensuite, ça gène un peu la respiration. Et puis, ça fait que souvent, nous respirons un air tiède au lieu de l’air frais auquel nous aspirons tous. Et puis, parfois, ça nous fait réaliser qu’on n’a pas toujours une aussi bonne haleine qu’on le croyait. Et puis aussi, ça empêche de voir le sourire de la jolie boulangère qui vous rend la monnaie ou de l’aimable inconnu qui vous tient la porte. Il est possible également que ça gêne sacrément la reconnaissance faciale et que, quand on y pense, c’est peut-être bien pour ça que les Chinois portent le masque si volontiers depuis si longtemps.

Bon d’accord, le masque, c’est pas marrant.

Mais il y a pire.

Le pire, c’est d’entendre toutes les âneries qui se racontent sur le masque et ses environs.

Hier, au café Le Sélect, l’un des fleurons des brasseries intellectuelles de Montparnasse, trois femmes discutent, enfin deux d’entre elles seulement, la troisième semblant gênée de se trouver dans leur groupe. Elles parlent tellement fort que je suis obligé d’interrompre la rédaction de mon Cujas, tétanisé à son chapitre 8.

Deux des femmes sont assises : une silencieuse et une autre, non. Celle-ci, la soixantaine, forte silhouette et forte voix, langage volontiers vulgaire. La troisième est debout, plus âgée, voix claire mais plus douce, s’exprime avec distinction, disons normalement.

« Moi, madame, dit la forte silhouette assise en s’adressant à la femme debout, moi madame, je postillonne à trois mètres et j’emmerde tout le monde ! Ils ont qu’à faire attention ! Ils ont qu’à se tenir à distance…»

Réponse inaudible de la femme debout, mais à moi, ça me rappelle le sketch de Coluche où l’automobiliste ivre se plaint de l’inattention des autres conducteurs : « Mais ils le savent bien, qu’on roule bourré, quand même ! »

La postillonneuse et fière de l’être poursuit :

« Savez-vous combien il y a eu de morts en France hier ? Huit ! Huit morts ! Et on nous fait chier pour ça ! »

Commentaire de la femme debout toujours inaudible, mais moi, je suis content que personne de ma connaissance, moi y compris, ne fasse partie de ce tableau de chasse.

« 870.000 morts dans le monde ; 870.000 morts pour 8 milliards d’habitants. Vous voyez un peu la proportion ! Ça fait…, ça fait…euh… en tout cas ça fait pas  beaucoup. Pas plus que n’importe quelle grippe ! »

Réponse de l’autre sans intérêt. Mais moi, je sais qu’en France, la grippe fait bon an mal an 8.000 morts par an et que nous en sommes à 30.000, et si nous n’en sommes que là, ne serait-ce pas grâce, ou à cause du confinement et des masques.

« Et puis faudrait savoir, quand même. Un jour on nous dit que le masque, ça sert à rien, et le jour d’après que c’est obligatoire. Faudrait qu’ils se décident, quand même ! Tout ça c’est pour emmerder le monde ! »

Réponse toujours incompréhensible de la plus vieille, mais sur un ton accablé. Moi, je me demande si la grosse, elle, elle ne s’est jamais trompée sur le temps qu’il allait faire en Bretagne cet été ou sur ce que feraient les Socialistes une fois au pouvoir.

Ces réflexions que suscitent le port obligatoire du masque me rappellent furieusement celles qu’on entendait lors de la mise en vigueur du port obligatoire de la ceinture de sécurité.

« De toute façon, c’est tous des menteurs ou des incapables » vient de conclure la grosse dame vulgaire avec assurance.

Cette magistrale sentence paranoïaque m’achève et je quitte le Sélect avant de me couvrir de ridicule en intervenant dans cette conversation.

Mais bon sang ! La ceinture, ça va faire cinquante ans que vous la bouclez et que vous vous la bouclez !

Alors, le masque, portez-le et fermez-la !

 

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