¿ TAVUSSA ? (72) – Tiendront-ils ?

Déjeuner fin août à La Coupole. Midi cinq. Il fait beau. Comme toujours à Paris. Il faut attendre à l’entrée de la terrasse que le maître d’hôtel vienne me chercher. On ne rentre plus à La Coupole  comme dans un moulin.

— Deux couverts, sans réservation, à l’intérieur s’il vous plait.

Ma femme n’est pas encore arrivée et, comme je m’y attendais, peu de tables sont occupées. Heure précoce et COVID obligent.

— Un demi pression, s’il vous plaît.

En attendant ma blonde, je compte : en salle, vingt couverts, deux maîtres d’hôtel, trois serveurs, un écailler. D’où je suis, je ne vois pas très bien ce qui se passe en terrasse, mais j’imagine que les proportions ne doivent pas être très différentes.

Ma blonde arrive, portée par le garçon.

Depuis le déconfinement, La Coupole est devenue sinon mon restaurant favori, du moins celui où je vais le plus souvent.

Pourquoi ?

Parce que la salle est toujours aussi belle, avec les fresques de ses piliers et ses magnifiques lustres, sans oublier son superbe sol en carrelage aux motifs belle époque. Il manque juste l’extraordinaire bouquet de fleurs qui régnait autrefois au centre de la salle, aujourd’hui remplacé par une banale statue, allégorique de je ne sais pas quoi.

Parce que le steak tartare n’y est pas trop mal réussi et les frites non plus. Bien sûr, les profiteroles ne sont plus ce qu’elles étaient mais ça, c’est comme les meringues, citez-moi un endroit où elles le soient.

Et surtout parce que la salle est presque vide, pratiquement silencieuse, que les serveurs, en proportion des clients, sont nombreux et donc attentionnés.

Tiendront-ils ?

Pas sûr. Je ne parle pas de La Coupole en particulier qui, comme Chez Lipp par exemple, appartient à un grand groupe de la restauration qui, moyennant quelques mesures, surmontera sans doute la crise en cours.

Je pense plutôt à mes petits bistrots et cafés favoris : Perraudin, Empire Céleste, La Crêperie, Le Rostand, Les Editeurs, Léna et Mimile… (je ne cite pas le Parc aux Cerfs car il a déjà disparu).

Ceux-là, tiendront-ils au-delà de l’été, quand les aides vont se tarir, au-delà de l’automne, quand le temps va devenir trop frais pour les terrasses, au-delà de l’hiver, quand il faudra établir le bilan de l’exercice ? Vont-ils passer leur vitrine au blanc d’Espagne et demander à Féau de vendre leur fonds de commerce, qui d’ailleurs ne vaudra plus grand chose. Et la même question se pose pour tous les commerces de détail. Allons-nous voir se répandre encore davantage la marée des Carrefour-City-Market et des agences immobilières, comme s’était répandue autrefois celles des boutiques de fringues et des agences bancaires. Le commerce et, par conséquent, la consommation à Paris vont-ils se réduire à l’achat et à la vente de canettes de bière à l’unité et d’appartements haussmanniens au mètre carré ?

Quoi de plus triste ?

Dépêchez-vous donc d’aller chez votre fromager du quartier acheter un Cantal de derrière les fagots, chez votre libraire de la rue acheter le dernier Proust, chez votre Italien du coin manger un spaghetti vongole et à votre bistrot favori pour un demi pression bien frais en terrasse avec vue sur les jeunes filles en fleur.

Dépêchez-vous d’y aller, de grâce, avant que les Gilets Jaunes et les grévistes de la SNCF, qui déjà annoncent sans vergogne la reprise de leurs mouvements, n’achèvent ce qu’ils avaient presque réussi à faire l’année dernière, à savoir foutre en l’air tout ce qui fait la douceur de vivre de ce pays.

Dépêchez-vous d’y aller ! Vous n’en aurez peut-être bientôt plus l’occasion.

 

4 réflexions sur « ¿ TAVUSSA ? (72) – Tiendront-ils ? »

  1. bon, moi je prends les paris sur l’avenir de la rue Mouffetard après les dernières restrictions de circulation et de stationnement. Combien de temps va-t-elle tenir ?

  2. Il est vrai qu’entre une municipalité totalitaire aveuglée par l’idéologie, les gilets jaunes confits dans la bêtise et aigris par la jalousie et les grévistes de la SNCF et autres sinécures financées par l’impôt, motivés par leur paresse et pour beaucoup, par le mépris du travail, la vie commence à devenir difficile à Paris …
    Mais le plus caractéristique, c’est que tous ces gens sont, comme l’écrit si bien Philippe, sans vergogne. Sans vergogne aucune …

  3. Trump, Loukachenco, Erdogan, Poutine, XI Jimping, Coronavirus, Rechauffementclimatique, Giletsjaunes, Grèvistesentousgenres, on est dans la merde!
    Mais où sont les démocrates d’antan?

  4. L’exemple de la désertification des villes de province semble méconnue des décideurs de la ville de Paris : il a été démontré que la prolifération des rues piétonnes et des entraves à la circulation automobile, et donc à celle des livraisons, entrainait irrémédiablement la mort des petits commerces.

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