Woody et les Comiques

« Quand je quand je repense à mes années de stand-up, je dois avouer que les comiques et humoristes d’aujourd’hui me surpassent de beaucoup. Les seules critiques que je pourrais faire, c’est d’abord que nombre d’entre eux sont d’une vulgarité gratuite. N’oubliez pas, je dis gratuite. La vulgarité ne me dérange pas quand elle renforce le comique du numéro, mais dans la libération du langage dans les années 1960, c’est gênant d’entendre les humoristes ponctuer leurs vannes de prétendus gros mots. Apparemment, ils ont l’impression que ça leur donne un côté branché et malin, une outrance ou une liberté, alors qu’en réalité ils pourraient faire le même sketch en employant des mots simples sans s’évertuer si pesamment à produire un effet que la vulgarité, pensent-ils à tort, les aide à atteindre. C’est souvent tellement forcé, tellement lourdingue. Ensuite, il y a ces nouveaux clichés dans la façon de se présenter. Quand j’étais jeune, le cliché voulait que l’humoriste entre en scène et lance : « Bonsoir Mesdames et Messieurs. » C’était des hommes pour la plupart, qui portaient le plus souvent un smoking. Des types à la voix enjôleuse, élégants jusqu’aux boutons de manchettes, racontant des blagues achetées à leurs auteurs, blagues qui pouvait même finir en chansons : « Et c’est pour ça que je dis toujours, « When you’re smiling »…

Aujourd’hui, les humoristes soumis aux clichés entrent en scène, détachent le micro du pied afin de pouvoir marcher de long en large en beuglant leur texte et, Dieu nous protège, s’approcher d’une chaise ou d’une table où trône une bouteille d’eau pour qu’il puisse avaler une lampée de temps à autre. D’où sortent donc tous ces humoristes assoiffés ? Je n’ai jamais vu de one-man-show où le gars s’écroule sous l’effet de la déshydratation. Les acteurs qui jouent Shakespeare pendant des heures sans que Hamlet ou Lear se faufile derrière une tenture pour s’enfiler une gorgée d’eau de source. Mais à la télé, on voit un petit rigolo arpenter le plateau et dire : « Vous savez ce qui me fait chier ? Vous avez déjà fait une de ces croisières à la con dans les Caraïbes ? C’est vraiment un truc de merde. » Hélas, on ne sait pas trop pourquoi mais il lui faut de l’eau ou sinon ses restes desséchés seront retrouvés sur scène comme un squelette au milieu du désert. En attendant qu’il ait fini de se rincer les amygdales, je change toujours de chaîne pour regarder quelque chose de plus passionnant comme la chaîne des montres Invicta.

Woody Allen – Soit dit en passant (2020)

 

2 réflexions sur « Woody et les Comiques »

  1. Quand je quand je…. pauvre Ariégeoise qui se fait moquer pour ses capacités de frappe limitées!
    Hier le JDC nous a donné le tournis: 3 post dans la journee…Une rediffusion matinale, justifiée par un bonus, relation de la nuit américaine suivie quasi en direct par le rédacteur en chef soi même, puis le final: un apppel à contribution : un leetchie des mots en ,quelque sorte…
    De corvée de poney tous les jours avec un petit bout de 4 ans( seller , frotter , gratter , un animal rétif qui me ragardait d un œil torve, m a vraiment fait regretter le manège des chevaux en Bois du Ranelagh) j ai raté la pétasse de chez Lipp: Lorenzo devrait être inspiré!
    Mais je reprends bien volontiers ma place dans la confrérie des lecteurs , fossoyeurs de la bêtise : cf Mathias Enard …et Bruno …
    Pastille du jour: qui va mettre du sable dans l enclos vide des terrasse éphémères en palette, pour les promeneurs de toutou?

  2. Bien vu et bien dit. Merci Woody de nous rappeler avec humour, avec élégance, que l’humour devient de plus en plus vulgaire. Les spectacles humoristiques en France n’échappent pas à cette tendance. Évidemment, il s’adresse au plus grand nombre, il ne cherche pas à être subtil, d’avoir du sens, c’est de la grande bouffe pré-diggérée. La forme l’emporte sur le fond.

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