Journal de Campagne (22)

NDLR : Par un hasard malicieux ou grâce à une déchirure inopinée dans l’espace-temps, à moins que ce ne soit du fait d’une défaillance inexpliquée de l’éditeur WordPress, vous avez reçu hier soir l’article qui ne devait paraitre que le surlendemain. Du coup, je l’ai programmé pour ce soir, l’avançant ainsi de 24 heures, tout en le reculant du même nombre d’heures par rapport à la première publication. 
C’est pas clair ?
Quand on ne comprend pas l’énoncé d’un problème, ne pas paniquer, mais le relire. Ensuite si l’incompréhension persiste, lire l’énoncé à haute voix. Si elle persiste encore, le recopier. En désespoir de cause, accepter de ne pas comprendre. Moi, c’est toujours par là que je commence.

Journal de Campagne (22)
Lundi 6 avril 2020

Je ne sais pas si c’est la Campagne ou l’écriture de ce billet quotidien qui m’empêche aujourd’hui d’écrire, d’écrire autre chose que ces impressions de Champ de Faye. Je vois s’approcher le jour où je n’aurai plus un seul texte en stock. Il ne m’en reste plus que deux : un sur le Saint-Régis, bistrot de l’Île Saint Louis, Couleur café habituel, rien d’original, et un pastiche de Proust « Longtemps, je me suis levé de bonne heure ». Après, c’est le vide. Sentiment d’inconfort, pas encore de panique. Oh ! J’ai bien un texte sur les Deux Magots,  mais il est en panne, inachevé, bloqué. Et maintenant, voilà que les bistrots sont fermés. Impossible d’y aller chercher des idées. Impossible également d’écrire des « Critiques aisées » : plus de théâtre, plus de cinéma, et comme je ne lis pas non plus, plus de roman. Bien sûr, il y a les rediffusions, et j’en ai quelques-unes de programmées, mais il ne faudrait pas en abuser.

Alors, j’envisage sérieusement de publier des textes non achevés, et ça, j’en ai. Attention, il ne s’agit pas de textes inachevés, c’est-à-dire de textes ébauchés puis définitivement abandonnés. Il s’agit plutôt de nouvelles, ou même de romans, entrepris il y a deux ans, six mois ou quinze jours, textes sur lesquels je travaille quelques semaines de suite, entre deux Couleur Café ou deux Critiques Aisées, avant de tomber en panne. J’en ai trois ou quatre comme ça dont deux assez avancés : Le Mécanisme d’Anticythère, grippé au bout de 80 pages, et Le Cujas.

Je vous parlerai d’Anticythère une autre fois. C’est du Cujas que je veux vous parler aujourd’hui.

J’achète très régulièrement des cartes postales pour les envoyer à une vieille dame indigne qui s’amuse dans une maison de retraite. Ayant épuisé les vues de la Seine, de ses ponts, de ses bouquinistes, ayant fait le tour de la plupart des monuments de Paris et des murailles de Chateau-Thierry, je cherchai autre chose à lui faire partager. J’ai fini par trouver cette carte postale :

La légende qui figurait au verso était « Étudiants boulevard Saint-Michel – 1935 ».

J’ai d’abord trouvé que les personnages photographiés n’avaient pas vraiment des gueules d’étudiants mais, n’ayant fréquenté assidûment le Boul’Mich qu’à partir de 1958, je me suis dit qu’ils étaient peut-être comme ça, mes prédécesseurs. Mais peu importe. J’ai commencé à fantasmer sur le groupe représenté.

Je l’ai d’abord installé dans un café imaginaire, Le Cujas, situé à l’angle de la rue Cujas et du Boulevard St-Michel. Puis j’ai imaginé une identité, un métier ou une occupation pour chacun, puis je leur ai donné à chacun un nom et enfin j’ai imaginé ce qu’ils pouvaient bien faire dans ce bistrot en ce jour de mai 1935. Et je les ai fait vivre. J’en suis à 32000 mots, l’équivalent de 90 pages. Je ne sais pas où je vais ni comment j’y vais, mais je pense en être à un peu plus de la moitié du chemin.

Je vais peut-être vous livrer ça par petits morceaux dans les mois prochains, avec le risque de que la publication ne dépasse l’écriture. On dira alors que c’est une fin grand ouverte.

 

9 réflexions sur « Journal de Campagne (22) »

  1. Ce dernier commentaire de Paddy rejoint le leitmotiv de Ph. : en cette période difficile, c’est normal de se recentrer sur les choses essentielles : dormir, manger et boire. A ce propos, je suis curieux de savoir combien de temps vous tiendrez avec le contenu de votre cave, en particulier si vous séjournez dans une région défavorisée comme l’Aisne ?

  2. Un bon plat, gigot, boeuf bourguignon ou navarin, resservi, froid ou chaud, même deux jours après, s’il était bon au départ il le sera encore resservi.

  3. merci à Bruno dont je ne découvre que ce soir le commentaire flatteur. Je me demande d’ailleurs si P. n’a pas fait exprès de supprimer accidentellement, dit-il, les commentaires positifs des lecteurs entre eux. Une enquête est en cours.
    Je reconnais avec culpabilité avoir été chasseur … pour faire plaisir à mon beau-père qui m’avait offert la panoplie complète avec le fusil, le pantalon, la veste, la casquette et tout et tout. Il faut dire que mon beau-père était d’une telle générosité ! Très vite, je suis parti à la chasse avec mon fusil sur le dos et surtout avec mon appareil photo à la main. Fort heureusement, je n’ai pas tué grand-chose en vingt ans ! Mais je suis très reconnaissant à la chasse pour trois raisons . Ceux qui ne la connaissent pas ne me croiront pas. La chasse est une messe laïque où sont abolis les niveaux sociaux, et, à moi parisien de naissance, elle a fait découvrir que dans cet univers sauvage vivaient des choses extraordinaires, du cerf majestueux sous la neige au tapis orangé de giroles. Certains diront, ce n’est pas la peine de chasser pour découvrir cela ? Eh bien si justement parce que la chasse vous entraine au fond des fourrés et parce que la chasse mobilise les habitants de la forêt que vous n’avez aucune chance de voir en vous promenant avec vos enfants. Je le sais, je l’ai fait aussi. Enfin, comme tu l’as bien compris, ce que j’ai découvert grâce à la chasse dépasse l’imaginable, c’est une poésie absolue. D’où ma reconnaissance éternelle.
    Lorenzo

  4. Oui moi aussi le vertige m à saisie devant cette espace temps chamboule : eT si l ingénieur subissait les attaques sournoises , covidiennes , d un eloignement prolongé de ses lieux d inspiration favoris?
    Le préambule de ce soir ne me rassure guère eT je crains une affection neuronale… rien compris!
    Heureusement je sais par une source que je tairai , que le plein de vitamines a été fait ce matin ; ouf!
    vu une longue file de parapluies devant la poste de mon quartier : repense aux sublimes photos de Lorenzo, découvertes grâce au JDC!
    du coup malgre la pluie et le petit côté crise de 29, ce fut un moment de grâce.
    ET oui à J + 18, on faiblit…

  5. Bruno, Lorenzo, d’accord, il y a eu erreur de programmation ! Mais vous aurez l’occasion de le relire dans deux jours.Préparez vos commentaires.

  6. Je perds un peu la mémoire mais, si je confirme qu’on est bien en 2020, je ne crois pas que nous soyons déjà le mardi 7 avril. Mais c’est possible car, où je me suis réfugié, les informations ne nous parviennent qu’avec un léger décalage

  7. Tellement en panne de textes que tu nous les livre avec deux jours d’avance !
    J’en profite pour revenir sur le commentaire publié par Monsieur Dell’Acqua (à quelqu’un qui fait d’aussi belles photographies, on doit dire « Monsieur ») du 3 avril à 21h05.
    Si vous ne l’avez déjà fait, et si je puis me permettre, vous devriez profiter de ce temps de retrait pour lire « Le guetteur d’ombre », de Pierre Moinot (en vente uniquement sur Internet, ça tombe bien) : un récit de chasse dépassant de très haut le simple affrontement entre le chasseur solitaire et le cerf le plus noble.
    Parfois (à vrai dire, souvent) un peu trop touffu, mais n’est-ce pas dans les taillis les plus profonds que l’on trouve les gibiers les plus rares ? Et avec de vraies perles de style.
    Philippe, qui est chasseur (je ne l’ai jamais été) aurait pu apprécier, mais il ne lit plus nous dit-il.

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