Journal de Campagne (15)

Journal de Campagne (15)
Lundi 30 mars 2020 – 16h47

Ce serait intéressant de savoir si vous avez ressenti la même chose :

Hier soir, dans mon lit, je regardais un film sur mon ordinateur. Peu importe le film.  C’était une comédie de mœurs, parisienne, contemporaine, banale. Et les collègues de bureau se retrouvaient pour déjeuner dans le brouhaha de joyeuses brasseries fourmillantes d’habiles serveurs, et les rendez-vous professionnels commençaient avec des poignées de main à n’en plus finir et même parfois avec de chastes et précautionneuses bises sur les joues de la DRH ou de l’avocate chargée du dossier, et les vieux amants se retrouvaient dans le calme des bars de la rue Marbeuf et les jeunes, à de bruyantes terrasses de la rue des Abbesses, et les mains se baladaient dans les rames de métro bondées, et les enfants rentraient de l’école barbouillés de peinture et de feutre rouge, et la nuit, les couples s’enlaçaient  sur fond de fenêtre ouverte sur la nuit étoilée où se dessinait la silhouette illuminée du Sacré-Cœur.

Et, frappé d’amnésie, j’étais surpris et presque choqué par tous ces gestes imprudents.
Et je me demandais quel était ce monde étrange. Avait-il existé pour disparaitre à jamais comme celui des téléphones blancs et des automobiles Delahaye qui transportaient André Luguet et Gaby Morlay vers la Côte d’Azur ? Existerait-il à nouveau un jour ? Et dans quelques années, les gens qui verraient ce film croiraient-ils que la vie, c’était vraiment comme ça, avant ?

En agitant ces tristes pensées habillées en fausses interrogations, je me demandais si, ces questions, nos parents ou grands-parents ne se les étaient pas déjà posées ? En été 1940, par exemple ? Et je me disais qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil de Paris. Et je pensais aux vies qu’avaient eues ces mêmes parents ou grands-parents après 1944. Et je trouvais qu’elles n’étaient pas si mal, ces vies. Et je me disais qu’il y avait de l’espoir. Mais que quatre ans, c’est long.

5 réflexions sur « Journal de Campagne (15) »

  1. en écho au texte de Philippe :
    A mes amis,
    Notre génération n’a pas connu, de peu, la dernière guerre mondiale et les souffrances subies par nos parents, mais elle a vécu dans une culpabilité muette d’être née juste après elle et de ne s’en être jamais souciée. Aujourd’hui, une nouvelle guerre est là, pas contre un autre peuple, heureusement, mais contre un nouveau virus. Les contraintes qu’elle nous impose nous semblent douces par rapport à celles qu’ont connues nos parents. Ne nous plaignons pas, ce virus a l’avantage d’être honnête, lui : il n’a pas choisi de ne tuer que nos amis juifs. Alors remercions-le de nous éviter cette autre culpabilité.
    Et surtout, mes amis, s’il vous plait, restons dignes.
    Lorenzo

  2. Bonsoir Géraud, « long time no see », nous nous sommes rencontrés chez toi près d’Aurillac il y a une trentaine d’années et j’ai toujours gardé un vif souvenir de la ruche à l’intérieur de ta maison avec une paroi en verre qui permettait de voir ce qui se passait à l’intérieur. Ton intervention de ce soir dans le JDC nous rappelle qu’en ces tristes temps il y a des causes importantes à ne pas négliger comme assurer la survie des abeilles. Je lève mon chapeau et salue ton action.

  3. Nouvelles d’une autre campagne.
    Le confinement en appartement n’est pas facile quand on a l’habitude d’arpenter les grands espaces. Heureusement nous avons un petit jardin, à un centaine de mètres de l’immeuble, coincé entre le Centre Hospitalier et le lycée Emile Duclaux. Les arrière grands parents y faisaient sécher le linge, il y un siècle, lors des grandes lessives.
    Mon souci est l’état de mon rucher à 18 km. d’Aurillac, en lisière d’un bois appartement à notre fils Olivier, en bordure du Marais du Cassan , Site Natura 2000. Les abeilles y sont confinées depuis le mois de novembre à cause de la température et commencent, elles aussi, à trouver le temps long ! Nous sommes à la période critique : fin de l’hiver et pas encore de fleurs.
    Lorsque la température s’élève à plus de 10º les abeilles effectuent leur “ vol de propreté”, pour vider les déchets accumulés dans leur ampoule rectale, elles en profitent, pour se dégourdir les ailes et se réorienter.
    Ont-elles assez de provisions ? Il y a quelques années, plusieurs de mes ruches à cette période, sont mortes de faim, par mon manque d’anticipation et d’expérience (comme certain de nos dirigeants actuellement).
    Il faut que j’y aille ; je ne peux pas les abandonner.
    J’ai perdu le qualitatif “d’actif ” de par mon âge. Mon rucher est-il “le lieu d’exercice de l’activité professionnelle” ? Ma profession est-elle : Apiculteur, avec mes onze ruches ?
    J’ai préparé des poches de sucre candi (patte : 80% de sucre, 12% d’eau, après avoir été chauffé à 116º) acheté au dépôt du Syndicat des Apiculteur du Cantal.
    J’ai pris la route un après-midi muni de mon “attestation de déplacement dérogatoire” et du récépissé de ma déclaration annuelle auprès du Ministère de l’Agriculture “de détention et emplacement de ruches”, pour prouver mon métier actuel et m’autoriser mon déplacement. Sur la route, pas grand monde, encore moins de contrôle.
    Les abeilles étaient contentes de me voir malgré le froid (quelques flocons tombés le matin). Chaque ruche a reçu sa poche de sucre. Moi aussi j’étais heureux : mes onze ruches sont en vie et j’ai pris un grand bol d’air frais. J’en avais besoin, de plus j’ai pu apercevoir mes deux petit fils jumeaux.
    Il me faudra revenir !

  4. Avec chaque grand évènement, il y a toujours un avant et un après. Dans les années qui ont suivi la 2ème guerre mondiale, dans les années fin 40 et 50, on entendait couramment l’expression « avant la guerre » par rapport à une situation « après ». Je ne sais pas ce que que sera « l’après coronavirus », et encore moins ce que seront les références à « l’avant coronavirus », nostalgiques ou critiques. Personellement, j’espère qu’elles seront critiques et permettrons un renouveau sur de meilleures valeurs. Je suis un utopiste.

  5. Hasard de mes lectures , dévoré cet hiver le très ironique journal de guerre de Maurice Garçon , Cet avocat qui a sauvé des vies et des réputations avant l apparition des droits de l homistes….
    ET bien , certes on ne se touche plus, on ne se voit plus , mais on communique, on se ravitaille, on se chauffe, ; la désorganisation totale de juin 40 , à l échelle d un pays est inconcevable aujourd hui: certes le rêve du moustachu est de nous y précipiter….
    ET pourtant nos parents l ont vécu sans désespoir puisque nous sommes la….
    Pensez à vos dates de naissances….
    Les gilets jaunes, les grèves, la pluie incessante, l ennemi invisible, le gel qui menace le Bordeaux, Ca fait cinq plaies…
    À titre personnel j ajouterai la réélection d Hidalgo, eT le tour de France maintenu !
    7 nous les tenons nos sept plaies….

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