Journal de Campagne (11)

Journal de Campagne (11)
Jeudi 26 mars 2020 – 16h47

Hier, il ne s’est rien passé. Rien du tout.
Quand on est à la campagne, c’est un peu prévisible, non ?

Ah si ! quand même : je suis allé acheter des légumes et des œufs à la ferme du coin(1).
« Quelle imprudence ! me direz-vous. Et le confinement alors ? »
Rassurez-vous, je n’ai rien risqué, ni pour moi, ni pour le fermier.

Vous allez comprendre.

À la lisière d’un tout petit village situé à moins de cinq kilomètres de Champ de Faye, il y a une ferme. Normal.
N’allez pas imaginer une longère avec colombages, géraniums aux fenêtres, pelouse et massif de fleurs au milieu de la cour. Non. On n’est pas chez Disney ici ; c’est l’Aisne, rappelez-vous.
Donc, il y a une ferme.
Dans une grange à peine retapée, le fermier a installé des distributeurs automatiques de légumes. On y trouve aussi des œufs et du miel.

Des distributeurs automatiques de légumes ? A ce stade, vous pensez probablement à ces appareils qui, à l’aide d’un ressort de sommier, vous font tomber une barre de Mars dans un compartiment qui, pour l’ouvrir, nécessite que l’on mette genou en terre et qui, une fois la barre de Mars en main, se refusent à vous laisser partir. Vous vous demandez donc comment un tel appareil peut distribuer des trucs aussi différents que des pommes de terre, des salades, des œufs et des pots de miel.

C’est tout simple. Imaginez des casiers de consigne comme on en voyait dans les gares au temps où les cinglés ne songeaient pas à mettre des bombes dedans, avec la différence que le portillon qui ferme le casier est vitré. Imaginez lesdits casiers emplis de tas de trucs qui poussent dans la terre. Au milieu des casiers, imaginez un monnayeur, qui accepte toutes les pièces de monnaie et les billets de moins de 50€.

En un dernier effort d’imagination, voyez le chaland repérer le numéro du casier contenant la scarole qu’il convoite et le composer sur le clavier du monnayeur. Observez l’ouverture automatique du portillon qui va bien (mon Dieu ! que je déteste cette expression ! mais il y a des moments où…) et la joie du consommateur qui s’en va, scarole sous le bras, vivre entre ses parents le reste de son âge.

C’est ainsi que j’ai pu acheter des navets, des salades, des radis et des œufs sans rencontrer âme qui vive ni porteur de virus.

Hier, il ne s’est rien passé. Rien du tout.

Note 1 : Si vous vous souvenez que, comme indiqué dans une édition précédente, pour les Leclerc bucoliques, on ne parle pas de coin mais de rond-point, je vous signale que, pour les fermes, il reste encore quelques coins. En général, ils sont perdus.

 

3 réflexions sur « Journal de Campagne (11) »

  1. À Trappes ils ont le confinement light eT le contrôle tendu…
    LCI 40000 volontaires pour aider les agriculteurs…. une occupation si l inspiration ne revient pas: proposer tes talents d ingénieur pour réparer les  » vendeurs » de légumes qui ne manqueront pas de tomber en panne si vous ne passez pas rapidement au régime pâtes…
    ET je te rassure ta prose est toujours alerte!

  2. Quelle belle histoire ! Ah ! S’il y avait des drones dans l’Aisne, au moins, j’aurais des choses interessantes à raconter. Quoique la découverte de la technique des « vending machines » dans les paturages est une chose passionante.
    Trocadero, on n’a pas idée d’aller manifester au Trocadero.
    Mais que se passe-t-il donc à Trappes. En tout cas, d’ici, on n’entend rien.

  3. Ah c est sur que ce ravitaillement en rade campagne va décevoir tes admirateurs zélés qui attendent chaque jour ta prose alerte et érudite…
    La dualité esprit corps ayant ete disserte ad nauséam, nous considérerons donc ce billet comme une prise de position contingente: pour fonctionner , le cerveau a besoin d être alimenté par des nourritures terrestres….
    Dont acte!
    Ce matin le maître de maison est parti faire son tout horodaté, décidant cette fois un retour par le Trocadéro : heureux d être seul sur l esplanade, sa contemplation beate du vide , fut interrompue par un bourdonnement : un drone lui intimait l’ordre de rentrer!!!
    Deuxfliquettes l attendaient et demandèrent illico à voir le sesame : alles in ordnung …il revint quelque peu dépité … pendant ce temps à Trappes….
    Mais aussi quelle idée d aller seul sur l esplanade des droits de l homme : porte drapeau solitaire de nous tous les anciens promus à un sort funeste…?

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