Le Garçon perdu – Critique aisée n° 203

Critique aisée n° 203

Le Garçon perdu
Thomas Wolfe
Éditions du Chemin de Fer

C’est un livre d’à peine 100 pages, un petit bouquin dans un petit format, joliment cartonné avec un rabat de quatrième de couverture qui peut faire marque-page. Son titre, c’est « Le Garçon perdu » et c’est de Thomas Wolfe.

Quand elle me l’a offert, cette amie m’a dit : « Tu connais Thomas Wolfe ? » Comme on pouvait s’y attendre, j’ai aussitôt confondu avec Tom Wolfe, et j’ai répondu : « Bien sûr ! Ah ! Le Bucher des Vanités ! » « Ben oui, mais non, ce n’est pas ça, c’est Thomas Wolfe, m’a-t-elle répondu. C’est gribouillé partout de dessins d’enfants et il parait que c’est drôle. Du moins, c’est ce que m’en a dit la libraire. »
Je l’ai remerciée comme il se doit et le lendemain, j’ai interrompu une nouvelle fois la lecture du « Voyage » pour me lancer dans celle de ce « Garçon perdu ».

Eh bien, ce n’est pas drôle du tout. C’est même sacrément déchirant.

C’est l’histoire d’un enfant nommé Grover. Il a douze ans en 1904, l’année de la foire internationale de Saint-Louis, Missouri. C’est une histoire du Sud, simple, racontée simplement, par quatre voix différentes. Elle est écrite dans le plus pur style de la nouvelle américaine, que ce Thomas Wolfe (1900-1938) pourrait bien avoir contribué à inventer : Grover achète des bonbons avec des timbres et se fait rouler par le boutiquier ; le père de Grover rétablit la justice ; Grover voyage en train vers Saint-Louis ; la mère de Grover raconte sa mort ; le frère de Grover revient sur les lieux trente ans plus tard.

Après un temps d’adaptation au style souvent parlé et répété à la manière des gens simples, on s’immerge dans cette courte histoire d’une vie brève. Mais ce n’est pas un récit et, de la vie de Grover, on ne saura pas grand-chose sinon, par petites touches, par impressions successives, qu’il était doué et gourmand et qu’après sa disparition, il occupera pour toujours la mémoire de sa mère et de son frère cadet, l’auteur (car le roman est de toute évidence autobiographique). Le drame est là, bien sûr, déchirant, mais l’essentiel de ce livre, c’est la recherche des souvenirs, du temps passé, la recherche des impressions par les lieux, les sons, les odeurs. Voyez plutôt cet exemple :

« Je m’asseyais là et j’écoutais. Je pouvais entendre la voisine répéter ses leçons de piano l’après-midi, et entendre le tramway passer entre les palissades des arrière-cours, à un demi bloc de là, et sentir l’odeur sèche et luxurieuse des palissades des arrière-cours, l’odeur des herbes chaudes grossières à côté de la voie du tram l’après-midi, l’odeur du goudron, des traverses bitumeuses sèches, l’odeur des patins brillants usés, et ressentir la solitude des arrière-cours l’après-midi et le sentiment d’absence, d’absence, quand le tram est passé. »

Vous vous rendez-compte un peu ?

« … l’odeur sèche et luxurieuse des palissades… la solitude des arrière-cours l’après-midi et le sentiment d’absence, d’absence, quand le tram est passé. »

« Le sentiment d’absence quand le tram est passé. »  ! ! !

 

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