Les grands classiques

Voici un poème en vers libres.
Ils sont libres parce que je les ai libérés de la prison dans laquelle ils vieillissaient au plus profond de ma mémoire sans avoir vu le jour depuis mon baccalauréat.

Patchwork

Je suis venu calme orphelin
Vers les hommes des grandes villes
Rappelle-toi, Barbara,
Il pleuvait sans cesse sur Brest.
Un soir, t’en souvient-il ? Nous voguions en silence ;
Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l’incendie on voit fuir la fumée.
Du palais d’un jeune Lapin
Dame Belette un beau matin
S’empara ; c’est une rusée.
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie !
Avec le temps,
Avec le temps, va, tout s’en va
Poète prends ton luth:
Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
Passe encore de bâtir, mais planter à cet âge !
Ca demande des mois d’turbin,
C’est une vie de galérien,
Jugeant la vie amère
Et voulant se donner quelque distraction,
Il servit à son père une décoction
Je me les sers moi-même, avec assez de verve
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.
Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres
Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux
Si tu reviens jamais danser chez Temporel
Un jour ou l’autre
Oui je viens dans son temple adorer l’Eternel
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l’heure,
Je suis chevau-léger de la maison du Roi !
Plus vague et plus soluble dans l’air
Le temps ne fait rien à l’affaire,
Quand on est con, on est con.
Mais quand j’sors avec Hildegarde,
C’est toujours moi qu’on r’garde.
La fille de Minos et de Pasiphaé
Quand je pense à Fernande
C’est Vénus toute entière à sa proie attachée !
En chemise, madame Phèdre
Fait des mines de sapajou.
Comme je descendais des fleuves impassibles
C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit
J’étais seul l’autre soir au Théâtre Français
A voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux.
Ce sont les cadets de Gascogne
De Carbon de Castel-Jaloux ;
On dirait le Sud,
Le temps dure longtemps
Frères humains qui après nous vivez
Vivez si m’en croyez, n’attendez à demain.
Vivre entre ses parents le reste de son âge.
J’ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,
Et je t’emmerde en attendant.
Bon appétit, messieurs !
Adieu, veau, vache, cochon, couvée !

Vous avez surement reconnus les auteurs de ces classiques. S’il vous en manque un ou deux, lisez la suite…

Je suis venu calme orphelin
Riche de mes seuls yeux tranquilles
Vers les hommes des grandes villes.                                 Verlaine
Rappelle-toi, Barbara,
Il pleuvait sans cesse sur Brest.                                        Prévert
Un soir, t’en souvient-il ? Nous voguions en silence ;      Lamartine
Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l’incendie on voit fuir la fumée.                    Vigny
Du palais d’un jeune Lapin
Dame Belette un beau matin
S’empara ; c’est une rusée !                                              La Fontaine
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie !               Corneille
Avec le temps,
Avec le temps, va, tout s’en va.                                        Ferré
Poète prends ton luth:                                                       Musset
Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps.             Brassens
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.                                                                       Verlaine
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.                                           Musset
Passe encore de bâtir, mais planter à cet âge !                  La Fontaine
Ça demande des mois d’turbin,
C’est une vie de galérien.                                                 Vian
Jugeant la vie amère
Et voulant se donner quelque distraction,
Il servit à son père une décoction.                                    Fourest
Je me les sers moi-même, avec assez de verve
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.             Rostand
Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres
Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux,         Hugo
Si tu reviens jamais danser chez Temporel
Un jour ou l’autre…                                                         Béart
Oui je viens dans son temple adorer l’Eternel !                Racine
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté,                                                    Baudelaire
Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague.             Brel
Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l’heure,                                                                   Verlaine
Je suis chevau-léger de la maison du Roi,                        Rostand
Plus vague et plus soluble dans l’air.                                 Verlaine
Le temps ne fait rien à l’affaire,
Quand on est con, on est con.                                          Brassens
Mais quand j’sors avec Hildegarde,
C’est toujours moi qu’on r’garde,                                     Vian
La fille de Minos et de Pasiphaé.                                     Racine
Quand je pense à Fernande,                                             Brassens
C’est Vénus toute entière à sa proie attachée !                 Racine
Dans un fauteuil en bois de cèdre
(à moins qu’il ne soit d’acajou)
En chemise, madame Phèdre
Fait des mines de sapajou.                                                Fourest
Comme je descendais des fleuves impassibles,                Rimbaud
C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit ;               Racine
J’étais seul l’autre soir au Théâtre Français                       Musset
A voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.         Vigny
Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux :        Racine
Ce sont les cadets de Gascogne
De Carbon de Castel-Jaloux ;                                           Rostand
On dirait le Sud,
Le temps dure longtemps.                                                Ferrer
Frères humains qui après nous vivez,
Vivez si m’en croyez, n’attendez à demain,                      Villon
Vivre entre ses parents le reste de son âge.                      du Bellay
J’ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,
Et je t’emmerde en attendant.                                           Renard
Bon appétit, messieurs !                                                    Hugo

7 réflexions sur « Les grands classiques »

  1. J’ai d’abord imprimé le texte, pour le relire à loisir, et ai crayonné mes suppositions, avant de faire comme tout bon élève: lire la correction pour pouvoir apprendre. J’ai donc constaté ton érudition.
    Encore bravo pour cet assemblage étonnant et magnifique.

  2. Tout ceci me semble amplement démontrer que, si nous avons l’impression que le sens, le style, la beauté sont dans ‘le texte’ (ce qui le fétichise), c’est probablement dû au fait que notre enseignement ‘universel’ issu d’institutions centralisées et délivré par des profs. bien standardisés (rue d’Ulm) a bien homogénéisé nos systèmes personnels de décryptage du monde et des artefacts de notre culture nationale. Notre république a plagié son système d’enseignement (le catéchisme du bac) tout droit du Vatican. La France après ses révolutions reste bien la fille aînée de l’Église!

    Le Catho du Bac.

  3. Oui, d’accord, mais quand les solutions sont sous les yeux pour combler nos vides, il est difficile d’y résister. Je pense que le JDC avait là l’occasion d’organiser un grand concours ouvert à tous de 7 à 77 ans et plus, avec une question comme « combien avez vous pu de mémoire SVP identifier d’auteurs de ces vers », réponse sous 8 jours, défense de googleliser, avec pour prix au gagnant du concours un abonnement gratuit d’un an au JDC avec une prime d’un sac à provisions et une montre à quartz.
    PS: la critique aisée recente concernant Churchill ne comportait pas d’espace pour faire un commentaire. J’avais des choses à dire, scrogneugneu!

  4. Bon appétit, Messieurs!
    Ô ministres intègres!
    Conseillers vertueux!
    La longue tirade de Ruy Blas qui débute par ces vers pourrait tout-fait être d’actualité sans nécessairement s’appliquer à l’Espagne. Suivez mon regard!
    Sinon, le long patchwork ci-dessus est un bel étalage de culture. Mais attention, culture rime aussi avec confiture! J’aurai préféré que son auteur laisse le soin au lecteur d’exercer sa propre mémoire et retrouve lui-même les origines de ces vers.

  5. Très réussi! Et quelle grande variété, signe d’une culture éclectique et variée. Bravo.
    Il ne m’a manqué que deux auteurs, dont je n’avais pas entendu parler , et dont je ne connaissais pas les oeuvres.
    Je me suis amusée à faire la même chose, il y a bien longtemps, avec des titres d’oeuvres.

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