¿ TAVUSSA ? (60) : Impeachment ? Vous avez dit Impeachment ?

Vous vous souvenez certainement de cet article retentissant que j’avais publié il y aura bientôt deux ans sur l’Impeachment. Non ? Alors, vous pouvez le retrouver à cette adresse :

https://www.leblogdescoutheillas.com/?p=10934

Son titre, c’était Impeachment, c’est pas demain la veille ! Eh bien, deux mois après que la procédure ait été lancée, je persiste et je signe : l’Impeachment, c’est pas demain la veille !

Mais tout d’abord, laissez-moi m’agacer un peu de la façon dont la Presse Française traite la procédure d’impeachment dont le Président des États-Unis fait l’objet.

Comme disait Marius à propos de la Marine Française, je dis, moi : « Je l’aime, la Presse Française, je la respecte, la Presse Française, il n’empêche que tout le monde sait bien que c’est dans la Presse Française qu’il y a le plus d’incapables. » En effet, elle avait d’abord traduit bêtement Impeachment par Empêchement, ce qui revenait à tomber dans le piège des « faux-amis » chers à tous les profs d’anglais. A présent, elle traduit Impeachment par Destitution. C’est tomber dans un autre piège, celui de la confusion entre démarche et résultat, entre procédure et aboutissement. Si l’on se réfère à la Constitution US, la traduction correcte d’impeachment est « procédure de mise en accusation« . En fait, et on ne le répétera jamais assez, ce qui se passe actuellement à la Chambre des Représentants et qui, constitutionnellement, a été décidé dans le cadre d’une majorité simple, n’est pas le procès du Donald. C’est véritablement une enquête, avec audition contradictoire de témoins, avec avocats et procureurs. A l’issue de cette enquête, la Chambre des Représentants votera ou non la mise en accusation du Président. Alors seulement commencera le procès, dans lequel le Sénat votera ou non la déchéance du Donald de ses fonctions.

Quand on regarde comme moi les auditions qui ont lieu à présent chaque jour et qui sont diffusées en direct-live sur les chaines d’information américaines, on est frappé par plusieurs choses.

D’abord, par la forme de l’enquête :
-la solennité de la procédure
-la clarté des témoignages
-le niveau de préparation des intervenants (témoins, avocats et procureurs)

Ensuite par le fond des auditions :
-la qualité des témoins (ambassadeurs, officiers supérieurs, conseillers spéciaux)
-le formalisme et la prudence de leurs témoignages
-la quantité d’éléments à charge que, malgré ce formalisme, ils fournissent contre le Donald et son Administration.

Et maintenant, de façon plus subjective :

Des hauts fonctionnaires de l’Administration Trump, préalablement révoqués par le Donald ou démissionnaires, apportent chaque jour de nouveaux éléments. Ils mettent de plus en plus en évidence le réel chantage exercé sur le Président ukrainien par Rudy Giuliani sur instructions du Donald. Ces fonctionnaires sont insultés, diffamés et clairement menacés chaque jour par les twitts furieux du Président, repris en cœur par tous les Républicains. Le caractère impeachable du chantage ne fait maintenant plus aucun doute : contre la libération d’une aide militaire de 400 millions $ et la promesse d’une invitation à la Maison Blanche, il était exigé du tout nouveau Président ukrainien qu’il annonce le lancement (seule l’annonce était demandée, pas le lancement véritable) d’une enquête contre les Biden, opposant préféré du Donald pour les élections de 2020. Le témoignage de l’ambassadeur Sondland auprès de l’Union Européenne établit de plus que le Vice-Président, Mike Pence, et le Secrétaire d’État, Mike Pompeo, étaient « in the loop » (dans le circuit).

Et pourtant, les intervenants du GOP continuent à mettre en doute le patriotisme des témoins, leur mémoire, leur motivation, leurs compétences. Chacune des interventions Républicaine n’est pas un contre-interrogatoire, mais une plaidoirie qui répète contre toute vraisemblance que rien de tout cela n’est établi et que les Démocrates en avaient fait de bien plus graves.

Et la bonne Presse Française, que j’aime et que je respecte comme déclaré plus haut, de dire que Donald Président est en mauvaise posture, qu’il est embarrassé… j’en passe et des plus graves. Il est pourtant clair au contraire que le Donald n’est aucunement embarrassé. Peut-être même qu’il jubile, le Donald. Et pourquoi donc, s’il vous plait ? Eh bien, voilà :
Regardez un peu la constitution de la Chambre et du Sénat, et tirez-en les conclusions qui s’imposent :

Chambre des Représentants :
435 représentants
Majorité pour une mise en accusation : 218
Démocrates : 233
Républicains : 197
Indépendants : 1
Non pourvus : 4

 Sénat :
100 Sénateurs
Majorité pour une condamnation à la déchéance : 67
Majorité pour un acquittement : 34
Démocrates : 45
Indépendants : 2
Républicains : 53

Si une chose est claire, c’est que le Donald sera mis en accusation à l’issue de l’enquête en cours, car 218 voix suffiront à cela. Mais si une autre chose est presque aussi claire, c’est qu’il sera acquitté par le Sénat, car 34 voix suffiront à cela.  (Compte tenu de l’attitude partisane et disciplinée des Sénateurs Républicains jusqu’à ce jour, il est même probable qu’il sera acquitté par plus de 50 voix républicaines.)

Et le Président jubile parce que, comme à l’issue de l’enquête du procureur spécial Mueller, il pourra dire juste avant les élections de 2020 : « Voyez tout ce qu’ils m’ont fait subir, comment j’ai été traité, trainé dans la boue, et finalement je suis innocenté à nouveau ! »

A part un évènement extraordinaire dont je n’arrive pas à imaginer la nature, une seule chose pourra faire condamner le Donald, c’est un changement drastique de l’opinion dans l’électorat républicain. Si par une communication plus habile que celle qu’ils pratiquent actuellement, les Démocrates arrivaient à convaincre une partie majoritaire de l’électorat du GOP que ce Président est dangereux pour les USA, alors certains sénateurs, craignant plus de contrarier leur électorat que de contrarier leur Président, pourraient être tentés de voter la déchéance.

Alors, en novembre 2020, face à je ne sais quel nouveau candidat républicain, les Démocrates pourraient bien regagner la Maison Blanche.

A condition qu’ils ne désignent pas Elizabeth Warren ou Bernie Sanders somme candidat, auquel cas l’échec serait assuré.

P.S. Pour répondre à la question avant qu’elle ne me soit posée : si je désigne Trump sous la vocable Le Donald, c’est pour imiter le Président Obama qui parlait de lui comme étant « The Donald ».

 

3 réflexions sur « ¿ TAVUSSA ? (60) : Impeachment ? Vous avez dit Impeachment ? »

  1. Je sais bien tout ça. Les Démocrates ne voulaient pas se lancer dans une procédure d’impeachment sachant très bien qu’elle serait rejetée par le sénat et surtout que cela gênerait leur procédure pour les primaires et rendrait inaudible leur programme. Mais ils ont été obligés de lancer la procédure bien malgré eux à partir du moment que l’implication de Trump dans le quid-pro-quo avec le président ukrainien a été rendue publique avec des témoignages à l’appui (d’abord le wistle blower, puis des ambassadeurs, etc). C’est une sombre histoire, d’autant plus que Trump voulait démontrer que dans les élections 2016 ce n’étaient pas les russes (cf enquête Mueller) mais les ukrainiens qui avaient organisé le truquage. Poutine était content! Je sais bien que les démocrates sont bien emmerdés avec cette affaire, qu’ils veulent la clore au plus vite, avant Noël, mais ils espèrent quand même que l’image de Trump va ternir un peu chez ses affidés. Et puis ils sont piégés aussi parce que obliger les vrais proches de Trump impliqués dans l’affaire (Pompeo et Giuliani) à témoigner prendrait beaucoup trop de temps. Autant en finir! Beaucoup de choses vont changer avec l’entrée dans la course de Blumberg! L’ambiance va changer!

  2. Que le but des Démocrates soit de gagner les prochaines élections, ça fait peu de doute. Mais, pour y parvenir, adopter pour tactique le lancement d’une procédure d’impeachment, dont à peu près tout le monde s’accorde pour dire qu’elle ne saurait aboutir, n’est peut-être pas le meilleur choix. D’ailleurs, Nancy Pelosi et la direction de son parti avaient longtemps hésité avant de la lancer.
    Tous les Représentants Républicains aient annoncé qu’à la Chambre, ils ne soutiendraient pas la motion. Tous les élus Républicains, Représentants et Sénateurs, (à l’exception hier soir d’un seul qui ne se représentera pas) soutiennent le Donald en reprenant sans vergogne ses fausses narratives sur des sujets où il est contredit par le monde du renseignement et des dipomates (Voir notamment Mme Hill). Pratiquement aucun de ces élus n’a émis la moindre réserve sur l’affaire ukrainienne. Si, un seul, je ne sais plus son nom, a dit que « it was not right ».
    Cette unanimité confirme aux yeux d’une majorité de citoyens américains, qui effectivement se préoccupent surtout de leur bien-être matériel (c’est humain), que l’enquête de la Chambre est partisane, que les actes reprochés au Président n’ont jamais existé ou que, s’ils ont existé ils ne sont pas « impeachable ».
    On se rappelle que Bill Clinton avait fait l’objet d’une procédure d’impeachment après un vote de la Chambre. Le Sénat, pourtant à majorité Républicaine, l’avait acquitté, la majorité des 2/3 n’ayant pas été atteinte et de loin. Mais, à tout le moins, la réalité des faits reprochés à Bill Clinton avait été admise par l’ensemble des Démocrates et des Républicains.
    Si les élus Républicains adoptent cette position, ce n’est pas parce que leurs électeurs ne se soucient pas de la moralité des actes de leur Président (c’est vrai qu’ils ne s’en soucient pas outre mesure et que, sur le sujet, ils sont plutôt dans le déni, mais ce n’est pas a raison), mais les élus Républicains, et au premier chef, les Sénateurs savent que s’ils affrontent Le Donald, la campagne de dénigrement que mènera le Président en représailles soulèvera tant de « dirt », vraie ou fausse, qu’ils en perdront leur siège à coup sûr. Quand on se rappelle ce que Trump a dit du Sénateur McCain, véritable héros de guerre en phase finale d’un cancer du cerveau, on peut craindre ce qu’il dirait d’un Sénateur politicien professionnel en bonne santé.
    Le parti Républicain, qui aime se désigner lui-même par le Grand Old Party, est désormais un partie godillot, qui ressemble de plus en plus à la cour d’un président qui tend de plus en plus à être un monarque absolu.
    Le Monarque sera acquitté, et fera de son acquittement un argument de très grand poids pour sa prochaine campagne.
    Les Démocrates connaissaient surement ce risque. Alors, fallait-il lancer quand même la procédure ? J’avoue que je ne sais pas. Eh oui ! Ça m’arrive.

  3. J’ai plusieurs commentaires à faire. Le premier est qu’il y a en France des organes de presse (si on peut les appeler comme ça) qui analysent de façon remarquable toute l’affaire Trump. Je pense notamment à C dans l’Air qui fait appel à de vrais connaisseurs des Etats-Unis, historiens, politologues, juristes, etc. Le deuxième est que l’affaire Trump, je l’appelle comme ça, peu m’importe la dénomination que ce soit en français empêchement, destitution, mise en accusation ou autre, j’aurais dit personnellement instruction, terme qui correspond mieux aux procédures juridiques françaises, dépasse de loin son héros. Mon interprétation de tout ce cirque est que la véritable question est celle de la démocratie américaine et de son devenir, une nation un peu « artificielle » faut bien l’admettre, qui ne tient que par la loi, the « rule of law », et le principe fondamental que personne, pas même le président, n’est au-dessus. Mais les lois peuvent et doivent s’interpréter, d’autant plus qu’aux EU la jurisprudence joue un rôle essentiel et que sa Constitution et ses amendements (le fameux deuxième par exemple qui autorise la détentions d’armes) date de l’origine de la nation telle qu’elle a été écrite par les Pères Fondateurs (à une époque où un mousquet était une arme de pointe…). La loi doit donc être sans cesse précisée ou réadaptée et c’est le rôle de la Cour Suprême. Tout le cirque auquel nous assistons est une bataille de chiffoniers entre deux partis, les Républicains très conservateurs, et les Démocrates plus progressistes, pour le contrôle de cette Cour Suprême, dont les juges sont nommés à vie, donc une institution qui évolue à la vitesse d’un escargot. Je ne pense pas moi non plus que Trump sera destitué, c’est pas ce que recherchent les Démocrates. Ce qu’ils veulent eux c’est gagner les prochaines élections, se débarrasser de Trump, prendre le contrôle du Sénat et par le jeu des nominations à venir celui de la Cour Suprême. La frêle et vénérable Nancy Pelosi l’a bien compris cet enjeu. Trump n’est qu’un symptôme, non la cause, du problème de la démocratie américaine, d’autant plus que peu d’américains se préoccupent des considérations philosophiques sur la nature de leur nation et ne se préoccupent avant tout d’avoir un job, des fins de mois sereines, des avantages matériels, etc. A ce propos, il est intéressant de noter que les Démocrates essaient de leur faire comprendre que la santé, à un coût abordable, n’est pas à négliger, l’éducation supérieure non plus. Sur ces points là, Démocrates et Républicains s’opposent comme des chiffoniers, les uns sur la base des droits, les autres sur la base de la liberté.

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