Hors normes – Critique aisée n°183

Critique aisée n°183

Hors normes
Olivier Nakache + Eric Toledano – 2019
Vincent Cassel, Reda Kateb
114 minutes

Il y a une trentaine d’années, avec Rain Man, le cinéma américain nous avait présenté l’autisme sous une forme somme toute relativement peu handicapante. Le personnage central — Dustin Hoffman — souffrait en fait de ce que l’on appelle selon les cas « syndrome d’Asperger » ou « autisme savant ». Le film, excellent par ailleurs, était très loin de donner une image réaliste de ce qu’est véritablement l’autisme.

Autisme :  trouble du développement humain caractérisé par des difficultés de l’apprentissage social et de la communication, avec des comportements stéréotypés et persévératifs.

Ah ! Qu’en termes galants ces choses-là sont dites… Je ne compte pas vous faire un cours sur l’autisme, mais sachez, si vous l’ignorez encore, que l’isolement, la peur, la violence sont l’enfer de ceux qui sont atteints par ce trouble. Comme il l’a fait pour moi, le film « Hors normes » vous le fera découvrir. Mais il vous fera découvrir bien d’autres choses encore.

Bruno et Malik dirigent chacun une association qui accueille des enfants et des adolescents autistes tout en formant d’autres jeunes (des quartiers difficiles, comme on dit) à l’encadrement de ces handicapés. Ils ont chacun leur équipe de référents, leurs malades — je ne crois pas que malade soit le mot consacré, mais ni sujet, parce que ça fait penser à expérience, ni patient, parce que trop anodin, ne me convenaient. Pendant deux heures, qui en paraitront d’ailleurs une seule, on suivra la vie quotidienne de Bruno, de Malik, de Valentin, de Dylan…

Bruno. Il ne vit que pour et par son association. Toute la journée, parfois la nuit, il court d’hôpital en commissariat de police, de zone industrielle en haras, de restaurant kasher en station de métro. Il court après ses malades, leurs parents, ses référents, les crédits, les enquêteurs de l’administration, les médecins … Il court tout le temps. Souvent épuisé, toujours gentil, toujours optimiste, il dit toujours qu’il va trouver une solution… Et, toujours, il la trouve. Toujours célibataire, toujours appelé au téléphone pour une nouvelle urgence, il ne peut jamais prolonger au-delà de quelques minutes les rendez-vous que ses amis lui ménagent avec des jeunes femmes…

Malik. Son association semble plus officielle et autorisée que celle de Bruno. Aussi, ses préoccupations sont différentes, celles qu’on nous montre, en tout cas : elles concernent les difficultés qu’il rencontre dans la formation et la responsabilisation des jeunes référents qu’il doit mener au diplôme…

Dylan. Un jeune référent noir, renfermé, rejoint et quitte son association au fur et à mesure de ses élans, de ses oublis, de ses  réussites, de ses échecs…

Valentin. Adolescent autiste, il ne vit qu’avec un casque d’entraînement de boxe tant il se frappe la tête contre les murs à la moindre inquiétude…

Joseph. Gros garçon, gentil et plein de bonne volonté, qui ne peut s’empêcher de tirer les signaux d’alarme, ni d’appuyer sa tête sur l’épaule des gens qu’il se prend à aimer…

Hélène. La mère de Joseph, heureuse des progrès de son fils, mais terrorisée par son avenir…

Le Docteur Ronssin. Praticienne courageuse et réaliste…

Ce film m’a fait penser — une fois sorti du cinéma, parce que pendant, je n’ai pensé qu’au film — à celui de Maïwenn, Polisse, où l’on suivait le quotidien d’une équipe de la Brigade de Protection des Mineurs. Le film de Maïwenn était prenant, drôle et tragique. Celui de Nakache et Toledano l’est tout autant, quoiqu’un peu moins tragique et un peu plus optimiste.

Vincent Cassel quitte enfin ses rôles de méchants antipathiques. Il dégage une sympathie formidable, une sorte de douceur fatiguée mais inépuisable. J’avais découvert Reda Kateb, excellent dans Le chant du loup. Il y jouait avec une sobre conviction un commandant de sous-marin. Dans ce rôle de responsable d’association, socialement à l’opposé du précédent, il est impressionnant de justesse. Je donnerai aussi une mention spéciale à Hélène Vincent qui est la mère de Joseph et dans les yeux de qui passent tous les espoir et toute l’angoisse d’une mère d’autiste.

Le film est parfaitement réussi, émouvant, drôle parfois, prenant, je l’ai dit, sans jamais tomber dans le pathos, la démonstration ou la culpabilisation. Il n’empêche qu’à la sortie de la salle, rempli d’admiration pour ces responsables et ces aidants, on se demandera forcément : et moi ? qu’est-ce que je fais ? Et puis on passera à autre chose, bien sûr.

P.S. : Pour sourire, on se rappellera avec plaisir de la scène du jeu de quiz sur la signification des acronymes (dit comme ça, ça perd tout son charme, mais vous verrez, ça fonctionne).

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