Un jour de pluie à New York – Critique aisée n°173

Critique aisée n°173

Un jour de pluie à New York
Woody Allen – 2019 (tourné en 2017)- 1h32min
Timothée Chalamet, Elle Fanning, Selena Gomez, Jude Law…

Pour une fois, je vais tout de suite vous parler du film. Pour ce qui est du sort qu’on lui fait aux USA, on verra plus tard. Peut-être.

J’ai aimé presque tout ce qu’a fait Woody Allen.
J’aime la pluie à condition que ce soit en ville, j’y aime l’automne aussi, j’aime les chansons de Bing Crosby et la musique d’Oscar Peterson, et aussi celle des piano-bar, j’aime les voix-off à la Truffaut, j’aime les dialogues brillants et désabusés, j’aime les plans fixes construits comme des tableaux aux couleurs chaudes, j’aime la nostalgie, j’aime l’absurde, j’aime l’humour, j’aime les taxis jaunes, j’aime une vue sur Central Park, j’aime Manhattan, les jolies filles, les soirées chics et les beaux appartements. Et j’ai trouvé tout ça dans « Un jour de pluie à New-York« . Alors pensez si j’ai aimé !

D’abord, tout se passe dans un milieu où tout le monde est très riche. Déjà, ça fait un souci de moins pour la durée du film. Ensuite, la musique vous met tout de suite dans l’ambiance : fin des années cinquante, début des soixante, quand nous étions encore jeunes, quand tout était encore doux, gentil, tolérant, le rêve américain — le rêve américain. En fait, ça se passe probablement à notre époque formidable, mais comme rien n’est vraiment daté, ça nous permet de nous croire cinquante ans plus tôt. A vrai dire, peu importe, car à l’entrée du film, on se débarrasse des problèmes sociaux, la pauvreté, les immigrés, la politique de Trump, l’intolérance, le puritanisme, la pudibonderie comme on s’est débarrassé des problèmes d’argent un peu plus tôt. J’en entends qui diront que le film manque singulièrement de conscience sociale. Je confirme. Mais qu’est-ce que je m’en fiche. C’est un conte de fée, ou plutôt une pièce de Marivaux, et moi, j’aime ça.

Gastby (Timothée Chalamet) et Ashleigh (Elle Fanning)  — attention, c’est Ashleigh et pas Ashley, elle y tient —tous deux étudiants à Yardley, une université chic et chère upstate — littéralement « en haut de l’état », c’est à dire dans la partie nord de l’état de NewYork — sont ensemble. Gatsby vient d’une famille riche de New York, et Ashleigh, d’une famille tout aussi riche de Tucson- Arizona. Lui est plutôt intellectuel, pianiste et joueur de poker. Elle est totalement charmante, naïve et enthousiaste, un peu plouc aussi, forcément, l’Arizona. Est-ce qu’ils s’aiment ? On dirait, mais là n’est pas le problème. En tout cas, ils sont simplement bien ensemble. Pour le compte du journal de Yardley, elle a obtenu une interview d’une heure avec un célèbre réalisateur de cinéma qu’elle doit rencontrer à New York. En l’accompagnant dans son voyage, il voit l’occasion de passer un week-end en amoureux tout en lui faisant visiter la ville qu’il aime. Chanceux au jeu, il lui promet le meilleur hôtel , les meilleurs restaurants, bars, lieux branchés, bref un week-end de rêve. C’en sera bien un pour elle comme pour lui, mais pas comme ils l’imaginaient. Je ne vous en dirai pas plus, c’est inutile. Vous vous laisserez conduire dans la ville, dans les rencontres et dans les sentiments que Gatsby et Ashleigh vont vivre chacun de leur côté.

Les comédiens sont excellents.
Tout d’abord, il y a Timothée Chalamet, déjà vu dans Call me by your name. Hésitant au début, il ne m’a tout d’abord pas paru très convainquant, jouant un peu faux comme Woody Allen aurait  pu le faire lui-même. Mais au fur et à mesure du film, il s’améliore jusqu’à la presque perfection — à croire que le film a été tourné chronologiquement. J’ai été très ému, cela m’arrive de plus en plus, par une scène dans laquelle Gastby se met au piano et chante une petite chanson triste.
Ensuite Elle Fanning, Ashleigh. Elle est tout ce que doit être une jolie fille de province, gaie, enthousiaste, volontaire, timide ; elle explose totalement dans des scènes d’ivresse. C’est un plaisir de la voir vivre.
Et puis, il y a Selena Gomez. Sœur cadette d’une ancienne petite amie de Gatsby, elle est merveilleusement new-yorkaise, provocante et sarcastique.
Jude Law, étonnant dans un rôle de scénariste, totalement déboussolé quand son metteur en scène entre dans une colossale crise de doute sur son art au moment même où il s’aperçoit de l’infidélité de sa femme.
Quelques scènes notables parmi d’autres : les premières minutes de l’interview du célèbre réalisateur par Ashleigh, la rencontre de Gatsby et d’une escort-girl, le monologue de la mère de Gatsby.

C’est vif, c’est drôle, c’est ironique, c’est mélancolique, et c’est beau. Pour une fois la bande annonce ne ment pas. Elle dit : «  New York est sophistiquée, New York est captivante, New York est séduisante, New York est romantique, particulièrement quand il pleut. » 

Attention : la photo n’est pas extraite du film. C’est moi qui l’ai faite !

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De Santiago du Chili :
C’est la pharmacie Lopez qui sera de garde dimanche prochain.

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5 réflexions sur « Un jour de pluie à New York – Critique aisée n°173 »

  1. Dans trois jours, je publierai un article (Les listes noires) sur le sujet. Tu auras mon sentiment, a défaut de la réponse.

  2. Ta critique aisée m’a poussé à en lire d’autres, sur d’autres média. Et la question qui me reste, puisque je n’ai pas vu le film est : Peut-on dissocier l’artiste de son oeuvre ?
    Je ne sais pas répondre à cette question par oui ou par non. Et ça me gêne beaucoup concernant, par exemple, Céline, mais aussi tout artiste. Qui doit avoir les travers de tout un chacun.

  3. J’ai hésité longtemps entre Erroll Garner et Oscar Peterson, mais tu dois avoir raison.
    Pour relativiser mes Critiques aisées : j’ai écouté ce matin le Masque et la Plume de dimanche (hier) : les 4 Critiques + 1 ont encensé Ad astra, que j’avais trouvé désastreux, ainsi qu’un jour de pluie à New York que j’ai tant aimé. Comme quoi tous les clous sont dans la pâture.

  4. Ah! J’ai oublié d’ajouter que j’ai aimé la musique qui était comme d’habitude remarquable et parfaitement syncro avec les images. Woody Allen est lui-même un jazzman performant (clarinette) et connait bien les grands classiques auxquels il sait faire appel. Le pianiste cette fois n’est pas Oscar Peterson mais Erroll Garner.

  5. Je l’ai vu hier. Je me suis ennuyé, à tout le moins une moitié du film, la moitié Ashleigh. Du Woody Allen classique, plaisant mais usé jusqu’à la corde. La moitié Gatsby était plus intéressante et sa mère n’y est pas pour rien.

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