Never grow old – Critique aisée 169

Critique aisée n°169

Never grow old
Ian Kavanagh – 2019
John Cusack, Emile Hirsch, Déborah François

Ce film, je vais pouvoir vous en dire la fin. Ce n’est pas mon habitude, mais de deux choses l’une : ou vous l’avez vu et vous la connaissez, ou vous ne l’avez pas vu et vous ne la connaîtrez jamais.
Jamais ?
Jamais !
Ou alors dans deux ou trois ans sur l’écran fissuré de votre tablette obsolète et d’ici là, il y a longtemps que vous aurez oublié ma critique.
Mais pourquoi, ce jamais péremptoire ?
C’est évident :

  1. Never grow old est sorti au mois d’août
  2.  C’est un western
  3.  Il n’est pas signé Quentin Tarentino
  4.  Ni Brad Pitt, ni Tom Cruise ne jouent dedans
  5.  La presse n’a pas été très bonne

Cinq mauvaises raisons, mais raisons quand même pour qu’il disparaisse des salles au bout d’une semaine.

La critique du Masque et la Plume ayant été unanimement bonne, je me suis aussitôt rendu chez mes fournisseurs habituels de cinématographie, UGC Danton, UGC Odeon, UGC Gobelins, UGC 83, MK2 Saint Germain, Gaumont Parnasse et autres Fauvette. Disparu, Never Grow Old ! Si je voulais le voir, c’était mardi soir à 20 heures au Studio Galande.
J’ai obtenu la permission et j’y suis allé, tout seul, comme un jeune homme. Sympa, le Studio Galande. Autrefois on disait Ciné-Club, aujourd’hui c’est Cinéma d’Art et d’Essai. Ça fait moins intime, moins entre-soi, mais plus cultivé. Moins de cent places probablement, raisonnablement conditionné. J’arrive à 20 heures précises ; une quinzaine de spectateurs. Certains lisent un livre de poche, d’autres les nouvelles sur leur iPhone, un seul dort dans la fraicheur. Je m’installe. 20h05, la lumière décroit, l’écran reste sombre, mais le son monte, un bruit de coups de marteaux, je crois. C’est le film. Pas de publicité, pas d’annonce, le film, le rêve !

Le film est un western, sombre, pluvieux, boueux. L’action est lente, prévisible, la tragédie, inéluctable. Les décors sont tristes, comme la vie devait l’être à cette époque de conquête de l’Ouest, le milieu du XIX ème siècle, quand, parti d’Irlande, par fatigue, par peur, par nécessité, on allait pas jusqu’au bout de son rêve, la Californie riche et ensoleillée, et qu’on s’arrêtait au pied des dernières montagnes avant le paradis, dans un pays sombre, pluvieux, boueux. C’est là que se sont arrêtés Patrick Tate, sa femme et ses deux enfants, à un ou deux miles de Garlow. Garlow, petite ville au commerce déclinant, sans hôtel, sans bordel, sans saloon,  sans alcool, à la population soumise à un pasteur frénétique et à sa femme fantomatique. Patrick Tate vit là, résigné, gagnant quelques dollars à faire la toilette des morts et leur construire leur dernier habit en sapin. Une nuit, encore davantage pluvieuse que d’habitude, trois cavaliers, aussi sombres et boueux que la campagne environnante arrivent en ville. C’est Dutch Albert, sorte de diable poli, et ses deux suppôts : l’idiot à la langue coupée Dumb-dumb (littéralement muet-idiot ou idiot-muet ou double idiot, au choix) , et le chafouin Sicily. Vous avez déjà deviné : ils vont chambouler la ville. Ils vont rouvrir le saloon, faire venir des prostituées et des barils de whisky.
Ils vont faire régner la terreur et tuer qui bon leur semblera, mauvais joueurs, ivrognes ou simples passants, restituant ainsi à Garlow  le visage traditionnel des petites villes de l’Ouest que nous connaissons. Les morts s’accumulent, la population n’ose rien dénoncer, le shérif n’en peut mais et le pasteur est au comble de la fureur. Patrick, lui, hésite. Depuis l’arrivée du trio infernal, ses affaires de croque-mort marchent mieux et il enfouit chaque dollar dans un coffret hermétique à la boue. De plus, il n’ a rien à craindre de Dutch Albert qui s’est auto-proclamé son ami sans qu’il ose rien dire. Pourtant, sa conscience, bien aidée en cela par sa femme, le travaille, lentement. Et viendra le jour où son sens du bien et du mal refera surface et où…, mais vous connaissez la suite.

Bien sûr, tout cela est très classique. Mais c’est la façon de traiter le cliché qui fait l’intérêt du film : l’absence des grands espaces, de troupeaux, de cow-boys, d’indiens, le peu d’importance des chevaux, la pluie, la boue, la faible lumière, la profession du personnage principal, sa lenteur et sa passivité, la fureur du pasteur, la politesse menaçante de Dutch Albert, la mort de Dumb-dumb et beaucoup d’autres chose encore font un film original, bien ficelé et que vous auriez pu voir avec plaisir pour peu que vous n’ayez pas attendu ma critique tardive pour vous décider.  Avec le film réalisé avec talent par ce réalisateur irlandais, tourné en Irlande et dans le Grand Duché du Luxembourg (!), avec des acteurs américains, belges, italien, britannique et irlandais, on est très loin des lourdes caricatures  et des copié-collés nonchalants de Quentin Tarantino.

On en est loin. Et c’est justement pour cela que vous ne pourrez pas voir ce film.

Extraordinaire John Cusack !

3 réflexions sur « Never grow old – Critique aisée 169 »

  1. OK! Je suis convaincu, je tenterai de le voir. Il ne faut jamais sous-estimer le rôle des croque-morts dans les westerns.

  2. Yo-ho les mecs ! Mon épouse vient de recevoir un message sur son portauloin : » Quel type de publicité voudriez-vous recevoir ? »
    C’est comme si on me demandait : « Quel type de cancer voudriez-vous avoir ?  »

    Putain, j’ai du mal à y croire . Quelle époque pourrie.

  3. Dommage qu’il ait déjà disparu, je me ferais damner pour un western. Sans omettre d’enfiler mes santiags (la winchester j’ai pas droit). Afin que nul n’en ignore.

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