¿ TAVUSSA ? (57) : Correctitude ou correction, il va falloir choisir

Quand on écrit aujourd’hui, même si l’on n’est lu que par quelques dizaines de personnes, il faut faire très attention aux mots que l’on emploie, aux plaisanteries que l’on fait, aux anecdotes que l’on raconte, aux thèmes que l’on aborde. Sinon, le flair surdéveloppé des beagles du service de détection du politiquement incorrect a tôt fait de vous signaler, pas encore aux autorités, mais à l’attention des zélotes de la correctitude.

J’ai pu constater la précision des instruments de contrôle de la conformité à la néo-pruderie ambiante lors de la publication sur un forum d’écriture de cet article « Qui était donc ce type ? » que j’avais déjà publié ici-même. Si ça ne vous rappelle rien, vous pouvez le  relire en cliquant sur son titre ci-dessus. Mais si vous vous en souvenez, vous vous souviendrez aussi que, dans des phrases voisines, j’avais écrit en substance que les tables du café étaient marquées de brulures, que la moleskine des banquettes était craquelée et que la serveuse, aimable, était en bon état. Il y avait là une tentative d’humour et seulement d’humour, car si le service avait été ce jour-là assuré par un homme, j’aurai bien évidemment écrit que le garçon était en bon état. Mais voilà, il s’agissait d’une femme, serveuse de surcroit. On m’a donc accusé…

a) de sexisme, car je plaisantais sur l’aspect physique d’une femme,

b) d’objectification (sic) d’un être humain, de sexe féminin de surcroit, car j’utilisais (à dessein, je l’avoue) les mêmes formes pour décrire le mobilier du bistrot et son personnel

et, c) de mépris de classe, par utilisation du mot serveuse plutôt que…, plutôt que quoi, on ne me l’a pas dit.

La première surprise passée, ce genre de querelle n’est pas pour me déplaire car elle me permet d’ouvrir un peu, et par écrit, les vannes du ras-le-bol que je ressens devant tant de susceptibilité, de pruderie, d’angélisme, de paranoïa, et pour tout dire devant tant de bêtise.

J’ai donc engagé avec l’accusatrice un dialogue dont, s’il le mérite, je vous tiendrai au courant et qui m’a amené à reproduire un extrait du dernier livre de Bret Easton Ellis, White. Dans cet extrait, l’auteur évoque l’interdiction de fait qui existe à présent aux USA de faire des plaisanteries sur les gays (Il faut savoir que Bret lui-même est gay). Voici ce qu’il dit :

« (…) Mais dans ce fantasme « inclusif « , tout le monde doit être pareil, doit partager les mêmes valeurs, la même allure et le même sens de l’humour. La culture dominante ne cesse de le proposer encore et encore ­ — jusqu’à quand ? Une idée réellement inclusive de la comédie devrait permettre à des types gays de se moquer d’autres types gays et de qui bon leur semble, et à des types hétéros de se moquer des gays et de qui que ce soit d’autre. Si les plaisanteries gay sont exclues, qu’est-ce qui sera exclu ensuite ? (…) »

Dans ce passage, on pourrait tout aussi bien remplacer le mot gay par le nom de la plupart des minorités revendiquées, dont celle des femmes.

 

4 réflexions sur « ¿ TAVUSSA ? (57) : Correctitude ou correction, il va falloir choisir »

  1. Les manifestations et défilés de minorités ou d’organisation auto-proclamées comme telles ne me dérangent pas vraiment (tant qu’ils restent dans certaines limites et qu’ils ne m’empêchent pas de traverser Paris pour aller au cinema ou diner chez des amis.)
    Ma courte diatribe était plutôt dirigée contre ce que j’ai appelé la correctitude, ou plutôt contre l’exigence de correctitude dans toute parole ou écrit un tant soit peu public ( reste à définir à partir de quel nombre d’auditeurs/lecteurs on considère que l’on a un public).
    Les pions de la correctitude sont nombreux et vigilants et dans la phrase la plus innocente, un assemblage malencontreux de mots vous vaudra leurs foudres.
    Ce qui me révolte, enfin non pas tout à fait, ce qui m’horripile, m’énerve où m’agace selon le degré de bêtise des vigiles c’est que, pour ne pas subir leurs réflexions moralisatrices, il faudrait penser la même chose qu’eux et, surtout, dans les mêmes termes convenus et, avant d’écrire ou dire quoi que ce soit, se demander si on ne va pas froisser un paysan du Sichuan où une serveuse du Quartier Latin.
    Les USA sont depuis quelques années l’exemple de ce que peut donner cette chasse permanente aux écarts de langage, aux traits d’humour, aux descriptions cliniques : une sorte de neo-maccarthysme, une chasse aux sorcières suivie de confessions publiques, d’excuses et de regrets proclamés ou de désinvitations, de sanctions médiatiques, d’ostracisme et de tout ce qui s’en suit. Les USA, oui… mais ça gagne, ça gagne.

  2. J’aurais dû écrire : « par des esprits vétilleux et arriérés ».

  3. Me voit-on défiler, revendiquant ma fierté hétérosexuelle ? Ridicule.
    Egalité de droit des femmes ne signifiera jamais égalité physiologique.
    Racisme ne vaudra jamais islamophobie.

    Toutes ces confusions volontaires sont cyniquement entretenues par des esprits arriérés.
    Là sont les véritables amalgames si rageusement reprochés à autrui.

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