Parasite – Critique aisée n°162

Critique aisée n°162

Parasite
Bong Joon Ho  -2019
Palme d’or du festival de Cannes 2019

Je vous avais dit que « Douleur et Gloire » n’aurait pas la Palme d’Or, et il ne l’a pas eu ( voir Critique  aisée n° 160). Je vous dis aujourd’hui que « Parasites » ne méritait pas la Palme d’Or, mais qu’il l’a eu. On ne peut pas toujours être écouté.

Donc, pour moi, Parasite ne méritait pas la Palme d’Or. Bon, d’accord, c’est un bon film, mais de là à le mettre au niveau du Troisième homme, d’Un homme et une femme, de M.A.S.H., d’Apocalypse now, d’All that jazz, de Barton Fink… ! Bien sûr, la Palme a été aussi attribuée à des trucs pas terribles, mais Parasite est bien mieux que pas terrible.

Quand, comme beaucoup de critiques, on ne sait pas trop quoi dire d’un film, on commence par le raconter, en se disant que les idées viendront. Mais raconter le film serait dans ce cas le divulgâcher1 gravement.

Note 1: Divulgâcher, v.trans. 1er grpe, mot-valise formé des verbes « divulguer » d’une part et « gâcher » d’autre part, néologisme datant probablement des années 10, inventé collégialement ou propagé par les critiques du Masque et la Plume pour signifier « gâcher le plaisir d’un film, d’un roman, ou d’une surprise quelconque en dévoilant sa chute, sa fin, un retournement, une pirouette sur laquelle l’auteur a sué sang et eau pendant que sa femme et ses enfants commençaient à diner sans lui. » Ce néologisme parait bien préférable au « spoiler » (prononcer spohilé, et non pas sepoilé) trop courant, qui n’est qu’une francisation de « to spoil » (tou spohil) qui signifie littéralement rater, gâcher, pourrir… L’École des Linguistes de la Rue Soufflot affecte de prétendre que le verbe « spoiler » provient d’une coquille typographique (en anglais, on dit tout simplement « typo » (tahipo) — ils ont vraiment le sens de l’efficacité, ces anglo-saxons — l’intention véritable de l’auteur étant d’écrire en fait « spolier ». Mais, du côté du Groupe Linguistique la Rue d’Ulm, c’est très contesté !
Fin de note (Le JdC, seul quotidien à offrir à ses lecteurs des notes de milieu de page)

 Donc je dois rentrer dans le vif du sujet, sans même le moindre échauffement. Commençons par les qualités :
Les qualités esthétiques sont certaines : la photo est claire, nette, contrastée, réaliste, sans effet particulier, Les cadrages sont simples, et il n’y a pratiquement pas de mouvement de caméra, et c’est reposant, bien que le film ne le soit pas, loin de là. La recherche esthétique se limite au superbe choix des décors et des couleurs, qui souligne le contraste entre la chaleur, le désordre et la laideur du cadre de vie de la famille pauvre (mais malhonnête) et la beauté froide et ordonnée de la maison des riches (mais pas méchants).

Le film est drôle : bien que le second degré soit à mon avis absent du film, l’humour est très souvent présent et certaines situations cocasses relèvent carrément de la farce. Mais la drôlerie provient surtout de la roublardise sans vergogne ni remord (à l’italienne) de l’une des deux familles et de la naïveté satisfaite de l’autre.

Le film est nuancé : j’ose à peine le dire (et vous comprendrez le pourquoi de ma réserve quand vous l’aurez vu), mais le film est nuancé. Disons plutôt qu’il n’est pas caricatural, autrement dit, les pauvres ne sont pas gentils (ils ne sont pas méchants non plus, mais simplement dénués de toute morale) et les riches ne sont pas méchants (ils ne sont pas davantage gentils, simplement dénués de toute considération pour qui ne fait pas partie de leur classe sociale).

Et maintenant, les défauts :
La scénario n’est pas crédible, et ceci pour diverses raisons que je vais essayer de vous résumer sans trop dévoiler l’intrigue : la famille riche est d’une invraisemblable crédulité persévérante, et la famille pauvre, d’une incroyable capacité d’adaptation aux fonctions qu’elle usurpe.

La progression de l’action dans la première des trois parties que je vois dans ce film est un peu trop artificielle et mécanique, ce qui contribue au manque de crédibilité de l’histoire. La deuxième partie est un peu longue et laborieuse. Quant à la troisième, qui ne me déplait pas vraiment, qui est délirante et surprenante, on dit qu’elle est du genre inévitable dans le cinéma coréen. Mais je suis loin d’en être un spécialiste. Pour ce qui est de l’épilogue, sorte de happy ending extrême oriental, il est carrément invraisemblable.

Les trois parties mises bout à bout font cependant un bon film, surprenant, qui ne vous ennuiera pas, mais qui ne méritait pas une Palme d’Or.

3 réflexions sur « Parasite – Critique aisée n°162 »

  1. Le sujet de ce film semble prendre le contre-pied de la sempiternelle légende crypto-trotskiste (les vieux étudiants trotskistes – Jospin et compagnie… – se sont inscrits au parti socialiste qui en a été perverti) selon laquelle les riches corrompus boivent le sang des pauvres vertueux . L’inverse existe aussi – dans le casting véreux-vertueux – mais il faut le taire : les idéologies peuvent perdurer autant que les dynasties.
    Donc, il faut voir ce film pour un tantinet se désintoxiquer.

  2. Je me souviens assez bien de ce film, vu vers l’âge de 12 ans probablement. Impressionnant à l’époque, probablement pour petites filles aujourd’hui. En tout cas, le film Parasite n’est pas pour les petites filles, ou alors pour celles que dessinait Ronald Searle.

  3. Ne sachant rien du film Parasite, en voyant le cafard en entrée de la critique, j’ai cru qu’il s’agissait d’un film avec une histoire d’invasion par des insectes, ce qui m’a immédiatement fait penser à l’un des premiers films que j’ai vu il y a quelques 2/3 de siècle, « quand la marabunda gronde », une sombre histoire de plantation au Brésil qui est envahie par des fourmis rouges, avec Charlton Heston. A l’époque j’ai trouvé ça bien, mais je n’avais pas beaucoup d’éléments de comparaison.

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