Ellis Island – Critique aisée n°189

Critique aisée n°189

Ellis Island
Georges Perec – 1979
P.O.L. — 76 pages

Ce petit livre de 76 pages format poche est une toute récente réédition sans photographie du texte que Perec avait écrit comme commentaire d’un film documentaire commandé par l’I.N.A. à Georges Perec et Robert Bober.

Dans une description volontairement brève, plate et froide, parsemée de listes, d’inventaires et de quelques anecdotes, Perec y raconte cet ilot qui, pendant une trentaine d’années fut le point d’arrivée, de filtrage et, pour la plupart des émigrants, d’entrée aux États-Unis. Il détaille les contrôles que les agents de l’immigration effectuaient sur les arrivants dans cette « usine à fabriquer des Américains, usine à transformer des émigrants en immigrants, une usine à l’américaine, aussi rapide et efficace qu’une charcuterie de Chicago : à un bout de la chaine, on met un Irlandais, un Juif d’Ukraine ou un Italien des Pouilles, à l’autre bout — après inspection des yeux, inspection des poches, vaccination, désinfection — il en sort un Américain. »

Dans les dernières pages de ce que j’ai appelé tout à l’heure un livre mais qui serait plutôt un opuscule, Perec, parlant sans doute pour lui et pour Bober, se demande  » pourquoi racontons-nous ces histoires ? que sommes-nous venus chercher ici ? que sommes-nous venus demander ? « 

Pour lui-même, il répond qu’il est venu en tant que juif « questionner (…) l’errance, la dispersion, la diaspora« . Pour Robert Bober, c’est « la permanence de son histoire (du peuple juif), sa résistance, sa ténacité, sa pérennité. »

La lecture de ces 76 pages est un peu décevante, car on sent trop bien que le texte n’a pas été écrit pour être lu, mais pour être entendu.  Pour tenter de justifier ce style parfois décousu fait de phrases isolées et inachevées — découpage tout à fait adapté pour un commentaire de documentaire quand le texte est là pour supporter l’image — l’éditeur a adopté une composition typographique très particulière et assez agaçante pour un ouvrage qui n’est pas un recueil de poésie : absence fréquente de majuscules en tête de phrases, larges interlignes séparant des phrases comme on sépare les quatrains d’un sonnet. Je pense que si la composition avait été traditionnelle, le nombre de pages n’aurait pas dépassé quarante.

Ça se lit en moins de trente minutes, parfois avec intérêt.

2 réflexions sur « Ellis Island – Critique aisée n°189 »

  1. Avant l’ouverture d’Ellis Island en 1892 pour enregistrer les immigrants arrivant à New York, ceux- ci passaient par Castle Clinton (ou Fort Clinton) qui se trouve à la pointe de Manhattan. C’est ainsi qu’est arrivé là en 1885 un certain Frédérick Trumpf venu d’Allemagne. Après quelques années d’acclimatation à New York et s’être débarrassé du F de son nom et peut-être de son accent teuton, cet individu migra vers l’Ouest et s’installa à Seattle pour tenir un bordel. Le passage par Castle Clinton, marque symbolique d’un renouveau individuel tant attendu pour tant de futurs américains avant qu’Ellis Island le devienne par la suite, aurait-il créé un ascendant indélébile sur la descendance de Frédérick Trumpf, se traduisant par exemple par une phobie maladive, voire haineuse, du nom Clinton? C’est possible!
    Dumpf Trumpf!

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