Sans nouvelles de Gurb – Critique aisée n°165

Journal des Coutheillas, numéro 2075 !
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Certain ! 

Critique aisée n°165

Sans nouvelles de Gurb.
Eduardo Mendoza -1990
Roman traduit de l’espagnol par François Maspero
125 pages- 6,50 €
Disponible à la FNAC avec 5% de réduction en cas de retrait en magasin !

Eduardo Mendoza est un écrivain espagnol. Né en 1943, il est, m’as-t-on dit (en fait, on c’est Wikipédia, le viatique de l’homme cultivé), considéré comme l’écrivain le plus représentatif de sa génération. Il a remporté le prix Cervantès en 2016.

Je suis tombé par hasard sur cet étrange petit bouquin en cherchant à retrouver dans ma bibliothèque le seul roman vraiment comique de Marcel Proust, « Mon narrateur chez les riches« , qui m’avait fait tant rire quand j’étais rempailleur de chaises au Moyen Tibesti.

Le thème est le suivant : un vaisseau spatial venu d’ailleurs se pose dans la région de Barcelone. À bord, deux aliens, le commandant et son adjoint, Gurb. Il est important de savoir que ces deux-là sont des êtres incorporels. Bon. Gurb est envoyé en reconnaissance par son chef qui, après consultation du Catalogue Astral Indicatif des Formes Terrestres Assimilables, choisit pour lui la forme de Madonna. Au bout de quelques heures, Gurb n’est pas rentré au vaisseau et le commandant décide de partir à sa recherche. Nous le suivons grâce à son journal de bord :

« 7h. 00  Je décide de partir à la recherche de Gurb. Avant de partir, je dissimule le vaisseau pour éviter toute découverte et inspection de celui-ci par la faune autochtone. Après consultation du Catalogue Astral, je décide de transformer le vaisseau en corps terrestre connu sous la dénomination d’appartement familial, dupl., chauf. centr., liv., 3 ch., 2 s.de b., cuis. Terrasse, Piscine ds imm. Pkg 2 pl. Facil. crédit max.

7h. 30  Je décide d’adopter l’apparence d’un être humain individualisé. Après consultation du Catalogue, j’opte pour le comte et duc d’Olivares.

7h. 45  Au moment d’abandonner le vaisseau par l’écoutille (devenue porte à deux battants d’une grande simplicité structurelle mais d’un maniement extrêmement compliqué), je choisis de me matérialiser là où la concentration d’êtres individualisés est la plus forte, dans le but de ne pas attirer l’attention.

8h. 00  Je le matérialise à l’endroit dénommé carrefour Diagonale-Paseo des Gracia. Je suis écrasé par l’autobus n°17 Barcelona-Val d’Hebron. Je dois récupérer ma tête qui est allée rouler à la suite de la collision. Opération malaisée du fait de l’affluence des véhicules.

8h. 01  Écrasé par une Opel Corsa.

8h. 02  Écrasé par une camionnette de livraison.

8h. 03  Écrasé par un taxi.

8h. 04  Je récupère ma tête et la lave dans une fontaine publique située à quelques mètres du lieu de la collision. J’en profite pour analyser la composition de l’eau locale : hydrogène, oxygène et caca.

8h. 15  Vu la forte densité d’êtres individualisés, il sera probablement difficile de repérer Gurb à l’œil nu mais je résiste à la tentation d’établir un contact sensoriel, car j’ignore les conséquences que celui-ci pourrait avoir que l’équilibre écologique de la région et’ par suite, des ses habitants.
Les êtres humains sont des choses de taille variable. Les plus petits le sont tellement que si d’autres éléments plus grands ne les poussaient pas dans une petite voiture ils ne tarderaient pas à être piétinés (et probablement à perdre leur tête.) Les plus grands dépassent rarement 200 centimètres de long. À noter ce détail surprenant : quand ils sont couchés, ils gardent exactement la même dimension que quand ils sont debout. Certains portent une moustache ; d’autres une barbe et une moustache ; d’autres enfin une barbe, une moustache et des cheveux, naturels ou postiches. Presque tous possèdent deux yeux qui, selon le sens dans lequel on regarde la tête, sont situés sur la partie antérieure ou postérieure de celle-ci. Pour marcher, ils se déplacent de l’arrière vers l’avant, ce qui les oblige à équilibrer le mouvement des jambes par un vigoureux va-et-vient des bras. Les plus pressés renforcent l’effet de ce va-et-vient  au moyen de serviettes en cuir ou en plastique, ou de petites valises appelées Samsonite, faites d’une matière originaire d’une autre planète. Le système de déplacement des automobiles (quatre roues remplies d’air fétide) est plus rationnel, et permet d’atteindre des vitesses plus grandes. Je ne dois ni voler ni marcher sur la tête si je ne veux pas passer pour un excentrique. Note : maintenir en permanence un pied – n’importe lequel des deux fait l’affaire – en contact avec le sol, ou alors se servir de l’organe externe appelé cul. »

Ce petit roman, court et burlesque, m’a fait éclater de rire un bon nombre de fois et je peux sans crainte vous le conseiller. (Il faut dire que pour ce prix-là, on ne peut même pas s’offrir une place pour aller voir Les Tuche n°3). Bien sûr, le procédé que je vous ai fait découvrir avec l’extrait ci-dessus est un peu répétitif, (il est même très répétitif) mais on ne s’ennuie pas. Quand je lis des trucs comme ça :

« 15h.  00 Comme la rue offre une pente accentuée, le parcours à bicyclette se subdivise en deux parties bien distinctes, à savoir : a) la descente, b) la montée. La première partie (la descente) est un plaisir ; la seconde (la montée) est une torture. Par chance, la bicyclette comporte un frein de chaque côté du guidon. Quand on actionne les freins dans la descente, ils empêchent la bicyclette d’acquérir une vitesse croissante ou accélération. Dans la montée, les freins empêchent la bicyclette de partir en arrière. »

moi, ça me fait rire. Pas vous ?

Bientôt publié

Demain, Rencontres au musée – 2
2 Août, Tableau 263
3 Août, Via di San Giacomo
4 Août,  LE SERPENT DE MER
5 Août, De la tranquillité de l’âme

2 réflexions sur « Sans nouvelles de Gurb – Critique aisée n°165 »

  1. C’est bourré d' »hilarismes ».
    Noter que le procédé est archi-simple : il suffit de mettre en scène des extra-terrestres et tout est permis.

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