Je

Avertissement
Le titre que vous venez de lire annonce un article auto satisfait, égocentrique, suffisant et pas nécessaire. De plus, il ne va probablement pas vous intéresser. Pourtant, je vais quand même vous dire ce que je n’aime pas, enfin pas tout, mais une partie. Si, ensuite, vous acceptez d’aller un peu plus loin dans votre lecture, je vous dirai aussi quelques unes des choses que j’aime.
Maintenant, vous êtes avertis.

Donc, je n’aime pas :
-celui qui crie  » allé-hé « , ou pire:  » eullé-hé « , en trois notes vulgaires sur le court central de Roland Garros redevenu silencieux alors que les joueurs se concentrent sur le service à venir.
-celle qui répond  » Pas de souci !  » à toutes mes demandes
-le geste du motard qui me remercie en tendant la jambe gauche après m’avoir dépassé par la droite
-le motard qui fait ce geste
-le tapioca, la langue de veau et la cervelle de mouton
-les tics de langage, comme : …que du bonheur…être en capacité…dans les régions…
-les abréviations: … la télé … le ciné … le resto …l’appart… (mais, paradoxalement, j’accepte métro pour métropolitain, vélo pour vélocipède, tout espoir n’est donc pas perdu.)
-les LOL journalistes, faux impertinents, drogués de la dérision, rebelles rémunérés et intouchables, imitateurs pâles et impuissants de la langue de Vialatte et de Desproges
-le signe des guillemets fait avec deux doigts de chaque main levée à hauteur des yeux dans le cours d’une conversation pour signifier que l’on n’est pas totalement solidaire de ce que l’on dit
-l’expression « on va dire que… » qui permet d’avoir l’air de faire une concession à son interlocuteur tout en signifiant pratiquement le contraire de ce que l’on va dire
-les gens qui disent « Je ne suis pas snob (ou avare, ou raciste) » alors que l’on sait très bien qu’ils le sont, ne serait-ce que parce qu’ils font suivre cette déclaration de la conjonction  » mais… « , et, plus généralement, les gens qui affirment leurs qualités sans vous laisser les découvrir
-ceux, en général les mêmes, qui disent « ils m’adorent » en parlant de leur personnel ou de leurs fournisseurs
-le tic-tac de la pendule
-les gâteaux de riz
-le vent
-approcher des dernières pages d’un roman que j’aime.
-réaliser que ce que j’apprends de nouveau aujourd’hui ne me servira pas très longtemps
-le discours mitraillette, pratiqué par un nombre de plus en plus grand de jeunes en politique, et dont la première caractéristique consiste à enchaîner des phrases les plus longues possibles, constituées d’une multitude de propositions subordonnées, coordonnées, juxtaposées ou même indépendantes sans respiration ni espace qui puisse permettre à qui que ce soit d’intervenir pour interrompre la logorrhée. La deuxième caractéristique du discours mitraillette consiste à mette l’interlocuteur dans une situation de culpabilité, dont il lui est impossible de sortir du fait de la première caractéristique. Nous avons tous en tête des exemples de pratiquants obstinés de cette technique
-un tableau de Vasarely
-un bleu de Klein
-les conversations maraboudeficelle ou shiritori
-les longues manches qui descendent sur les doigts des femmes, affectation de frilosité et de fragilité
-les mitaines des femmes, dentelées, qui leur donnent un aspect poussiéreux
-les mitaines des hommes, surtout si elles sont en cuir, signe extérieur de brutalité, pareilles aux poignets de force
-celui qui dit : « je ne supporte pas la bêtise »
-l’expression ‘un portrait craché »
mais j’aime :
-les chaudes journées d’orage, sans vent mais avec gros tonnerre et grosse pluie
-encore plus que ça, ces mêmes journées, à Paris
-écrire quelques mots dans un café, devant un demi de bière ou un café-croissant
-me promener derrière mon chien, si possible sous la pluie
-descendre en ski un long chemin en pente douce vers les Bréviaires
-lire aujourd’hui ce que j’ai fait semblant d’avoir lu autrefois et me mettre en règle avec ma culture
-la colère de Louis Jouvet dans la blanchisserie d’Entrée des Artistes
-rouler la nuit dans un taxi silencieux qui me ramène d’un aéroport sur une autoroute éclairée
-le bruit des roues de ma voiture (todoum-todoum) qui passe sur les joints de la chaussée
-le pré-générique de la Twentieth Century Fox
-le Clair de Lune de Debussy
-un solo d’Oscar Peterson
-les dernières images de La Prisonnière du Désert
-la fin de la fête au château de La Règle du Jeu
-un nu de Modigliani
-un portrait de Modigliani
-les mots ergastule, sornettes et calembredaines
-déboucher brusquement sur un ample paysage, une montagne, une vallée, un désert, l’océan…et se laisser submerger par une émotion enfantine
-un enfant
-un homme attendri
par un enfant
-le jeu d’un rayon de soleil
sur la grille d’un balcon décrit par Marcel Proust

Diagnostic :    Alors ? Vieux con ou sentimental incurable ?

 

 

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4 réflexions sur « Je »

  1. N’y aurait-il pas, cette fois, abus de bien familial? JdC ou JdPC?

    Pour plus ample information, quand un motard soulève sa patte gauche c’est pour soulager sa vessie ou marquer son territoire!

    C’est là que la conduite intérieure présente un avantage décisif sur le cabriolet!

    Comme, par atavisme, je ne démord pas du cabriolet, je m’arrange pour forcer les motards à me doubler à gauche.

    Ils me remercient donc toujours par un bras d’honneur!

    Ce qui me permet de garder mon lave glace pour les grosses commissions des poids lourds!

    Hallah BIGART (fils d’un parachutiste haut gradé dont le J c’est recroquevillé en G à la suite d’un mauvais saut lorsque De Gaulle l’envoya sur Limoges) que Philippe doit détester pour ses blagues faciles et de très mauvais goût!

  2. Un troisième commentaire enfin pour dire que mon deuxième fera plaisir, je le sais, à Rebecca, elle qui connaît son Cyrano par cœur.
    Quant à mon déconomètre sentimentaliste mentionné dans le premier, il est peut être lui aussi un vieil instrument, sans plus aucune garantie du constructeur, mais je suis toujours content d’avoir l’occasion de m’en servir.

  3. Dans la suite de mon commentaire précédent j’aurais pu ajouter un j’aime personnel qui est la tirade de Cyrano de Bergerac que j’appellerai ici celle des « Non, merci » et qui traite aussi à sa façon unique de ce que Cyrano n’aime pas et de ce qu’il aime (chanter, mettre son feutre de travers, etc.). Je l’adore.

  4. « Les deux mon Général » (les guillemets sont à imaginer comme un signe des deux mains élevées à la hauteur des yeux).
    Mais Moi, Je partage bon nombre de ces j’aime pas et j’aime, et j’en aurais même rajouter quelques autres. Que voulez vous, mon vieux déconomètre sentimentaliste lui aussi marche à fond la caisse.

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