Edmond – Critique aisée n°155

Critique aisée n°155

Edmond
Alexis Michalik – 2016
Théâtre du Palais Royal – Paris

Il a tout pour plaire cet Alexis Michalik. Trente-six ans, sympathique, spirituel, brillant même, beau mec, auteur à succès, comédien plutôt à l’aise, tout pour plaire. Sans savoir qui il était véritablement, j’avais beaucoup apprécié son incarnation d’un photographe-play-boy-non-comprenant dans une excellente série dont j’ai l’impression qu’elle n’a pas rencontré le succès qu’elle méritait, peut-être à cause de son titre à la sonorité un peu crasseuse : Kaboul Kitchen.

Quand j’ai su que le bonhomme écrivait aussi des pièces de théâtre et qu’il obtenait succès sur succès, ma sympathie a tourné à l’admiration puis, disons-le tout net, à la jalousie. Aussi, quand on m’a dit qu’Edmond, sa pièce créée il y a déjà trois ans, se jouait toujours, quand on m’a affirmé que, de Mémoires de Saint-Simon, jamais on n’avait vu une pièce aussi gaie, quand on m’a conseillé de ne voir le film que Michalik en a tiré qu’après avoir vu la pièce, j’ai renoncé provisoirement au cinéma — c’est assez rare pour que cela soit souligné — pour prendre deux places d’orchestre — 60 € la place, quand même — pour le théâtre du Palais-Royal.

Et j’y suis allé, mercredi soir, séance à 21 heures. Le bus 27 arrive tout de suite et ne met que 16 minutes pour rejoindre son arrêt Palais-Royal ; de ce fait nous sommes au théâtre à 8 heures et quart ; il pleut et les galeries des jardins sont fermées, pas question donc de s’abriter sous les arcades ; par dessus les colonnes de Buren, on aperçoit le grand salon du Ministère de la Culture, brillamment éclairé ; des extras passent nombreux devant les fenêtres, tout à la préparation d’une réception à laquelle nous ne sommes pas invités ; les bistrots de la rue Montpensier sont plutôt zen et tous pleins comme un œuf mimosa — je veux dire par là qu’ils débordent. Un café traditionnel nous accueille à sa dernière table : « Un Côte du Rhône et un Perrier, s’il vous plaît. » Quelques minutes plus tard, frémissant d’impatience, nous entrons dans le théâtre à vingt minutes encore du lever de rideau. Belle occasion d’admirer le théâtre : je crois n’avoir jamais vu à Paris un théâtre aussi joli. Inauguré en 1786, la belle époque, redécoré en 1880 en style Louis XV, classé Monument Historique, c’est un vrai bijou de théâtre à l’italienne ; il offre 700 places, il n’a pas de bar mais un petit salon absolument ravissant…

Bon, quand je procrastine comme ça avant de commencer ma critique, vous commencez à vous douter qu’il y a un loup quelque part. Et loup, il y a. Mais le loup, j’hésite à vous le montrer, caché qu’il est, comme dans les dessins fouillis pour enfants où il faut trouver le facteur, au milieu des critiques élogieuses des professionnels, des recommandations amicales et des injonctions publicitaires. Mais avant de vous donner mon avis, je vais tenter de vous transmettre celui des quatre critiques du Masque et la Plume. Le soir où ils ont abordé le sujet, deux groupes se sont formés : à ma gauche Fabienne Pascaud, la mondaine de Télérama, et Vincent Josse, le Benoit Hamon de France Inter, et à ma droite Jacques Nerson, le grognon de Valeurs Actuelle et Armelle Héliot, la doyenne du Masque et du Figaro.

A ma gauche, on n’a pas aimé : « théâtre bâtard, rétrograde (traduisez sans engagement politique), Cyrano pour les nuls, bourré d’erreurs historiques, imposture intellectuelle… »

Mais à ma droite, on a adoré : « vrai divertissement populaire, fantaisie brillante dans l’écriture et dans le montage, théâtre bon enfant, les gens sont contents, on passe une bonne soirée », expression favorite de la gentille Armelle.

Eh bien moi, je ne suis pas d’accord avec ma gauche. Peu m’importent les erreurs historiques, la pièce n’est pas un cours d’histoire mais une comédie qui prend ouvertement des libertés avec la réalité. Ce n’est pas un théâtre rétrograde, disons seulement qu’il n’est  pas “expérimental”. Il est actuel, très actuel. Il utilise les moyens de la comédie à la mode d’aujourd’hui qui n’est plus basée sur les situations ni les dialogues mais sur l’ironie, le décalage, le détournement. Pourquoi pas ?

Mais je ne suis pas d’accord avec ma droite non plus, et je vais vous dire pourquoi dès que j’aurai surmonté les scrupules que j’ai à dissuader les gens d’aller peut-être passer ce qu’ils qualifieront ensuite de bonne soirée.

Moi, je n’ai pas passé une bonne soirée, et malgré les trois ou quatre pauvres rappels, je n’ai pas senti que la salle en passât une bonne non plus. Je n’ai pas ri une seule fois, et je n’ai entendu la salle rire qu’ à deux ou trois gags potaches.

Bon, je vous explique d’abord le sujet :

En 1897, Edmond Rostand, jeune poète dramaturge et sans succès, reçoit une commande du plus grand acteur de l’époque, Coquelin, pour une comédie. Il a trois semaines pour l’écrire, mais il n’a rien d’autre, ni le sujet, ni les personnages, ni les rebondissements, ni l’épilogue, ni rien du tout. Pas ça ! En quelques jours, les petits évènements qui arrivent dans sa vie vont lui permettre d’écrire le plus grand succès du répertoire du théâtre français : Cyrano de Bergerac.

A partir de cette idée, la pièce se déroule de la façon suivante :

1-A son corps défendant, Edmond accepte d’écrire la pièce que lui demande Coquelin.
2-Edmond se lamente à haute voix de n’avoir ni sujet, ni personnage, ni rien et surtout pas assez de temps.
3-Un évènement se produit autour de lui qui lui donne une idée.
4-Ça lui donne l’idée d’une scène dont il expose l’argument comme le ferait un élève de classe de 1ère. Tout le monde reconnait bien sûr une des scènes phares de Cyrano.
5-Tout de suite après, la scène est jouée, telle que l’a écrite Rostand, soit mal pour faire rire ou soit bien pour émouvoir.
6-Edmond se re-lamente à haute voix de n’avoir pas d’idée pour la suite.
7-Un évènement se produit autour de lui qui lui donne une idée.
8-Et on retourne au point 4 ci-dessus…

Et c’est comme ça jusqu’à la scène finale du couvent.

Cette méthode lourdement répétitive fait qu’à la fin du compte, le tiers de la pièce a été écrit par Edmond Rostand en 1897 et non par Alexis Michalik en 2016. Moi qui il y a quinze jours seulement venais de voir le véritable Cyrano par la Comédie Française, j’en étais à regretter que Michalik vienne parasiter le texte de Rostand avec ses paraphrases systémiques.

Je suis allé vérifier un peu ce qu’il avait écrit avant, le jeune Michalik, et j’en ai déduit que c’était chez lui une technique que d’aller chercher un chef d’œuvre théâtral, Le Mariage de Figaro, Roméo et Juliette ou Cyrano de Bergerac, et d’écrire sa pièce à lui tout autour. On sent que Michalik a vu et bien vu « Shakespeare in Love » (par respect pour la qualité du film de John Madden, je n’ose pas dire qu’il a été pour Roméo et Juliette l’équivalent de ce qu’est Edmond pour Cyrano) car plusieurs idées lui ont été piquées sans vergogne. Michalik a sans doute vu aussi avec attention quelques burlesques à succès comme « Thé à la menthe ou t’es citron« , « Les faux british » ou équivalents (ils prolifèrent, ces temps-ci), reprenant à son compte les quelques gags qui ont fait le succès de ces spectacles.

Bon, tout ça avec des dialogues originaux un peu plus brillants, un peu plus travaillés, avec des comédiens un peu moins mauvais aurait pu faire passer une bonne soirée. Mais, les dialogues sont dénués d’esprit, surtout quand ils paraphrasent ceux de Rostand lui-même.

Mis à part Coquelin et l’habilleuse-Roxane qui s’en sortent à peu près bien, les autres acteurs sont mauvais ou inexistants, la palme dans ce domaine étant remportée par Christian.

Compte tenu de tout cela, j’ai essayé de comprendre les raisons du succès de ce spectacle.

Mes douloureuses expériences m’ont appris que souvent, au théâtre, on rit parce que ceux de vos amis qui avaient vu le spectacle avant vous vous avaient dit qu’ils avaient ri. On peut supposer qu’il en avait été de même pour eux : des amis avaient ri avant eux. Mais alors, la question se pose de savoir qui a ri le premier.

On pourrait supposer aussi qu’une partie du public est attirée par l’énorme réputation de Rostand et de sa pièce Cyrano et qu’elle espère trouver dans Edmond ce qui lui évitera d’aller voir un jour Cyrano de Bergerac à la Comédie Française.

Moi, je n’ai pas trouvé de troisième explication et pour moi, le mystère de ce succès reste entier.

6 réflexions sur « Edmond – Critique aisée n°155 »

  1. Répondre au commentaire de la critique de la critique d’une pièce de théâtre n’est pas une chose aisée et nécessite réflexion, diplomatie, en tout cas un soucis extrême de neutralité, surtout pas pour arbitrer mais pour tenter une explication, connaissant personnellement, et si j’ose dire presque intimement, chacun des protagonistes impliqués. J’ai personnellement formuler mon commentaire en désaccord avec la critique aisée initiale du JDC de la pièce Edmond, et comme je persiste dans mes dires, je ne pourrais pas caché mon opinion. J’en prends le risque.
    Le différend entre Philippe et Rebecca à propos de l’Edmond de Michalik me semble découler de la signification personnelle que chacun attribue au chef d’oeuvre Cyrano de Bergerac créé par Edmond Rostand et de sa réaction à la récupération que Michalik en a fait pour sa pièce Edmond. J’ai bien écrit chef d’oeuvre, immortel, pour Cyrano de Bergerac et pièce pour Edmond, je veux dire par là une pièce de théâtre d’aujourd’hui. En ce qui concerne Rebecca, honneur aux dames, je sais l’importance qu’elle attribue à Cyrano depuis son enfance. Je sais son amour pour ce personnage et les valeurs cardinales qu’il incarne, mais surtout c’est son amour du verbe, de la poésie et des trouvailles de Rostand pour créer ce personnage fictif, lui même poète, qu’elle y trouve. Cyrano est l’homme de sa vie dit-elle, en tout cas il est son héros dirais-je, lui et surtout son style. Elle connais par coeur au moins 50% du texte, à tout le moins 100% de toutes les tirades de Cyrano. Nous étions ensemble à la Comédie Française pour la dernière mise en scène de Podalydes avec Vuillermoz dans le rôle de Cyrano, et je l’entendais, ou l’imaginais sinon, récitant chaque scène. Nous avons assisté ensemble à l’une des premières représentations d’Edmond de Michalik. Si celui-ci avait trahi Cyrano et surtout son père Rostand, je crois qu’elle l’aurais éreinté sans ménagement, toutes griffes dehors, tout comme Cyrano le fait dès son entrée en scène avec le roi des pitres prétendu poète Montfleury qu’il chasse de la scène sous menace qu’il l’essorille et le désentripaille s’il ne s’exécute pas. Rebecca vivait, comme moi d’ailleurs et comme le reste de la salle en connaisseurs (je l’ai dit précédemment), avec émotion l’hommage fait par Michalik à Rostand. Comme l’a dit Podalydes dans une interview lointaine, il faut voir dans Cyrano de Bergerac le talent de Rostand mais aussi sa fusion avec l’acteur Coquelin, à qui d’ailleurs Rostand a dédié son poème, une fusion sans laquelle Cyrano n’eût peut-être pas vu le jour. Personnellement, je vois dans l’Edmond de Michalik du théâtre pour célébrer le théâtre, c’est à dire la fusion entre la création et la représentation, avec une histoire basée sur la complicité entre Coquelin et Rostand sans laquelle Cyrano n’eût jamais existé, une complicité entre deux hommes qui ont besoin l’un de l’autre, l’un pour jouer un rôle à sa mesure, c’est son métier, l’autre pour composer une création poétique, c’est sa vocation. Le monde du théâtre ne s’y est pas trompé en faisant un triomphe à la pièce et à son auteur en les récompensant avec une série de Molières. Je comprends donc la réaction de Rebecca à la critique aisée faite par Philippe et qu’elle s’en insurge avec le panache et la passion qui lui sont propres (j’en sais quelque chose, elle m’a éreinté il n’y a pas si longtemps dans ce même JDC pour avoir fait une malheureuse – selon elle- référence à Cyrano), en y voyant une trahison, voire une lapidation à l’égard de Rostand. Ses propos sont certes radicaux mais ils ne m’offusquent pas. Philippe de son côté, qui est selon moi un homme cultivé et un lettré, connait Cyrano de Bergerac de longue date et ses représentations fameuses. Il en apprécie le fond et la forme, surtout jouée par les grands acteurs au service de l’oeuvre, je n’en doute pas. Cependant, je ne pense pas tout de même que Cyrano soit « l’homme de sa vie » au même titre que pour Rebecca. Il place certainement Cyrano dans son anthologie des chefs d’oeuvre au même titre que beaucoup d’autres, de l’antiquité à nos jours. Par ailleurs, comme tout critique professionnel respectable, il publie ses jugements après une analyse rigoureuse et dépassionnée. Il était inévitable que sa critique aisée se heurte cette fois à la passion de Rebecca qui y a vu un jugement contempteur à l’égard d’Edmond et de Michalik. Allons! Tout ça n’est pas grave et même fair play de part et d’autre.
    PS. Et moi! je pense sincèrement que Philippe est passé à coté de quelque chose avec Edmond. C’est certainement la faute à la salle lors de la représentation et peut-être de la troupe ce soir là (je l’espère)! J’espère aussi que la pièce ne l’aura pas dégoûté au point qu’il refuse de voir l’adaptation cinématographique de sa pièce par Michalik et qu’il nous en livrera une critique. Il y trouvera quelques rajouts utiles dont nous pourrons discuter.

  2. Bonjour Rebecca.
    Pour répondre à une critique de critique, il faut prendre son temps et comprendre son temps.
    Prendre son temps pour séparer les points de sa critique qui sont critiqués de ceux qui n’ont pas été compris.
    Comprendre son temps pour reconnaitre que, d’une part voir critiquer une pièce (un film, un roman, un ami) que l’on a aimé est très énervant et, d’autre part, que les critiques d’aujourd’hui ne sont que très rarement assassines, ce que n’a pas voulu d’ailleurs être la mienne, dont tu as trouvé que, sans être lapidaire, elle lapidait Michalak.

    En lisant ta remarque qui commence par « encore faut-il« , on pourrait croire que pour faire une critique, et surtout si elle est négative, il faudrait pouvoir « en faire autant » que l’auteur critiqué. Je doute que ce soit vraiment le fond de ta pensée mais, à te lire, on pourrait le croire. Quand, dans une critique, je dis que je n’ai pas aimé, par exemple, l’avant dernier roman de Tom Wolfe notamment parce que c’est un concentré de clichés, dois-je prouver auparavant que je n’utilise jamais de cliché et que je serais capable d’écrire « Moi, Charlotte Simmons » ? Le cinéma est pour moi encore plus probant (j’allais dire parlant). Par exemple, je n’aimais pas les films que faisait Verneuil, mais jamais je ne me serais considéré comme capable de diriger ne serait-ce que le pire de ses films et chez n’importe quel réalisateur, y compris Verneuil, j’admire toujours cette capacité à mener un projet, à diriger des acteurs et des techniciens . Tu auras d’ailleurs peut-être noté la petite nuance de modestie qu’apporte à mes critiques leur titre générique : « Critique aisée« , cette moitié d’aphorisme dont chacun connait la fin.

    Tu rappelles en préambule, avant de crier au scandale, tout ce que représente pour toi le Cyrano de Rostand. Je pense que cet attachement à cette pièce ne t’est pas particulier et que la plus grande majorité de ceux qui ont pu la voir, à n’importe quel âge, en garde de merveilleux souvenirs. Ton panégyrique de Cyrano ne pouvait tomber dans une meilleure oreille que la mienne, moi qui l’ai vue trois ou quatre fois au théâtre et une fois au cinéma (Pierre Dux, Daniel Sorano, Jean Piat (pas sûr) et Michel Vuillermoz). J’ai d’ailleurs publié le 24 février dernier une critique de ce dernier montage à la Comédie Française. Si tu as la curiosité d’aller voir, tu y trouveras presque dans les mêmes termes pas mal de choses semblables à ce que tu as écrit.

    Ceci dit, il faut quand même admettre que ce n’est pas parce que l’on aime le Cyrano de Rostand que l’on doit aimer l’Edmond de Michalak.

    Si tu as lu attentivement ma critique, dans la partie qui rapporte les commentaires des quatre critiques du Masque et la Plume (deux d’entre eux, reprochant à la pièce, notamment, ses inexactitudes historiques), je me suis désolidarisé d’eux sur ce point, le côté historique n’ayant pas grande importance.  » Peu m’importent les erreurs historiques, la pièce n’est pas un cours d’histoire mais une comédie qui prend ouvertement des libertés avec la réalité. »
    Par ailleurs, j’ai eu beau relire ma critique, je n’y ai pas vu les reproches relatifs aux « approximations littéraires » que tu y as trouvés.

    Ce que je reproche à cette pièce, en dehors du procédé systématique de parallélisme entre la vie d’Edmond et ce qu’il fait vivre à ses personnages, et ce n’était peut-être pas assez clair dans le texte publié, c’est d’être une constante paraphrase de celle de Rostand, et que si l’on mettait bout à bout les textes originaux et ceux qui paraphrasent les scènes inventées par Rostand, on arriverait surement à un bon tiers. (Mais comme César, le fameux hyperbolationiste de Pagnol, le disait à Marius : « ça dépend de la grandeur des tiers.)
    Il y a en outre un reproche auquel je n’avais pas pensé mais qui me vient aujourd’hui à l’esprit : la mise en scène d’Edmond m’a parue « pompée » sur celle que Podalydès a faite à la Comédie Française.

    Verser une larme à la fin d’Edmond, c’est verser sa larme à la scène du couvent qui clôt le Cyrano de Rostand et qui continuera à émouvoir chaque fois qu’elle sera jouée, car l’ultime fin d’Edmond, qui survient après la scène finale du couvent, ne fait que montrer le succès de la première, la joie de Rostand et celle des acteurs et des producteurs. Pas vraiment de quoi verser une larme.

    Je n’ai rien à changer à ce que j’ai dit des textes de liaison et des comédiens. Je ne nie pas que cette pièce a rencontré depuis 3 ans un très grand succès et je redis que je ne me l’explique pas.
    Pour en terminer, lorsque j’écris une critique, j’y exprime mon jugement selon l’opinion que j’ai pu me faire des différentes composantes de l’œuvre. Sans vouloir me prendre au sérieux, c’est pour moi la fonction première d’une critique. Et dans le cas d’Edmond, on ne dira pas que je suis venu hurler avec les loups.

  3. Dois-je sortir les griffes, crier au scandale?
    En effet, je clame haut et fort mon désaccord avec cette critique aisée du JdC. Et oui, d’ailleurs, la critique est aisée. Encore faut-il pouvoir en faire autant que l’auteur ici lapidé.

    Mon père m’offrit Cyrano, d’Edmond Rostand, lorsque j’avais 12 ans.Cela fait donc 40 ans cette année que c’est mon livre de chevet, en 4 éditions différentes, dont une rare et hors d’impression signée par Weber, qui en fit l’inoubliable mise en scène au milieu des années 80. Je l’ai vu jouer au théâtre au moins 4 fois, et ai vu toutes les versions cinématographiques, certaines de multiples fois.Je peux citer la pièce de mémoire, et en ai donné une conférence.
    Tout cela pour dire que Cyrano, plus qu’un héros romantique de théâtre, est pour moi l’un des personnages de ma vie. Sans doute la performance de Weber, tout le long de laquelle je restai assise au bord de mon siège, a-t-elle beaucoup à voir avec mon attachement à la pièce, mais, plus que ça, c’est tout simplement une pièce remarquable d’inventivité et d’humour.
    D’ailleurs, Cyrano est la plus jouée de toutes les pièces du répertoire français, et est la seule pièce du répertoire à avoir été traduite en diverses langues, mise en prose, adaptée en comédie musicale aux USA… une telle approbation populaire, inscrite dans une telle durée (depuis le 28 décembre 1897), est forcément le gage d’une oeuvre exceptionnelle à plus d’un titre.
    Petit sondage: combien de lecteurs du JdC peuvent citer, de mémoire, une tirade, n’importe laquelle, de Phèdre ou d’Andromaque, pourtant des pièces de valeur? Allez, sans tricher, essayez. Question 2: combien peuvent citer une tirade de Cyrano, n’importe laquelle? Alors?

    Alors, bien sûr, Michalak bénéficie dès le départ, pour son sujet, d’un capital sympathie incommensurable ainsi que d’un sujet en or.
    Toutefois, avant de crier haro sur l’auteur et s’insurger des inexactitudes historiques ou des approximations littéraires, il est bon de prendre du recul. Comme Jim, avec qui j’ai d’ailleurs vu la pièce, l’a mentionné, il faut prendre l’oeuvre de Michalak pour ce qu’elle est, soit un vibrant hommage au Cyrano de Rostand.
    Quel est l’auteur, d’ailleurs, à commencer par les grands de l’envergure de Hugo, qui n’a jamais un tant soit peu déformé la réalité historique lorsque cela l’arrangeait? Une petite entorse ici ou là, quand on écrit de la fiction et non un ouvrage de référence historique, est-ce vraiment si grave?
    D’autre part, s’il est vrai que l’ouvrage de Rostand est souvent cité, le JdC semble souffrir soit d’un strabisme convergent à effet grossissant, soit de la forme aigüe d’une maladie littéraire bien connue, « hyperbolationnite ». Les « emprunts » ne constituent pas, comme prétendu, un bon tiers du texte, mais beaucoup moins.

    Je n’ai pas honte de dire que j’ai beaucoup ri, voire même versé une larme à la fin. J’ai admiré le jeu d’acteurs de la troupe, que j’ai d’ailleurs revue dans la même pièce au théâtre Jean Alary de Carcassonne. J’ai apprécié l’inventivité de l’auteur dans ses répliques, l’humour sous-jacent de nombreux échanges, le mouvement constant des changements de décors etc. Sans être une pièce qui connaîtra la longévité de celle qui l’inspira, je trouve qu’Edmond réunit les qualités d’un bon divertissement.
    Et là est, bien sûr, la fonction première du théâtre.

  4. Je me suis posé la même question souventefois : pourquoi les gens rient-ils au spectacle d’un navet ou d’un nanar rigologènes ?
    La seule réponse qui me soit venue à l’esprit est la suivante : parce qu’ils ont payé pour rire. Je paie, donc je ris.
    Si je ne ris pas à un spectacle pour lequel j’ai payé pour rire, c’est que je me suis fait avoir. Or je déteste me faire avoir. Donc je ris.
    Et de même afin de savoir pourquoi moi, perso, je me trouvais incapable de rire lorsqu’il fallait rire !
    Sans aucun doute parce que je suis blasé, ayant tellement ri dans ma vie… Ou parce que je suis d’un naturel à pisser du vinaigre.
    Mais grâce à dieu qui sait tout, certains ont inventé le rire-en-boîte : des éclats de rire pré-enregistrés qui sont balancés à chaque réplique sensée (ou censée, je ne fais pas bien la différence) être drôlissime, par le fait que le rire étant réputé communicatif, il va se propager. Et ça semble marcher, cette histoire ! Les gens peuvent très bien rire parce que le premier a ri. Heureusement, les flatulences ne le sont pas. Communicatives.

  5. Bon! Je sais maintenant que je me situe à droite, à tout le moins quand il s’agit de théâtre et d’Edmond en particulier, tout ça pour dire que je ne partage pas la critique N° 155 ci-dessus. J’ai assisté à la représentation au printemps 2017. Le public dans la salle, de droite probablement…, était manifestement enthousiaste. Il ne manifestait pas par des éclats de rire intempestifs car Edmond, de mon point de vue, ne cherche pas à être une comédie pure et simple, mais il exprimait son contentement par des applaudissements plutôt. Sur ce, je ferais deux commentaires. Primo, je pense que la piece Edmond doit être vue comme un simple divertissement et surtout pas par comparaison avec le chef d’oeuvre Cyrano decBergerac lui-même. Secundo, comme très souvent au théâtre, la troupe dans son ensemble et pas seulement tel ou tel acteur (hein Jean, c’est comme au rugby, le collectif quoi!), au-delà de la pièce elle-même, détermine la qualité ou la faiblesse du spectacle. La collusion entre elle et la salle, c’est à dire les spectateurs, chacune dans son rôle vis à vis de l’autre, (les mauvaises salles peuvent exister parfois), doit s’opérer sinon c’est le flop. Or il se trouve qu’il y a deux troupes pour Edmond qui jouent en alternance, l’une à Paris quand l’autre tourne en province. D’après au moins un connaisseur de ma connaissance, la troupe arrivée en second ne se vaut pas la première, celle que j’ai vue. Il y a peut-être là une explication. J’ajoute que j’ai vu récemment le film Edmond réalisé par Michalik qui reprend très exactement sa pièce. On ne peut pas lui reprocher d’exploiter son filon! J’ai aimé tout autant que l’original.

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