Les missions de Lorenzo (3)

Musée Picasso
par Lorenzo dell’Acqua

Ce jour-là, j’ai fait 1290 photos. Seul le numérique le permet. Qu’aurais-je fait hier ? Deux ou trois pellicules argentiques et à quel prix ! Je suis parti tôt avec Anne. Une facture du BHV donnait droit à un coupe-file pour le musée Picasso où j’avais décidé d’aller ce matin-là. J’en profiterai pour acheter deux vitres de cadre 50×50. Et c’est tout. Pas de chance, la proposition de billet coupe-file se terminait fin octobre ! Je suis donc venu pour rien. Comme il y a une justice immanente, je ne ferai aucune queue à l’entrée du musée Picasso. Curieuse impression. On nous prévient que c’est l’exposition d’un génie (ce que l’on savait) mais il n’y a rien de nouveau. J’ai même l’impression que ce n’est que le fond du musée qui est exposé et que je connais toutes les peintures. Elles ont changé de place, c’est vrai, mais ce sont les mêmes. Cela ne m’empêchera pas d’apprécier comme lors de mes précédentes visites la collection personnelle de Picasso au dernier étage. Magnifique. Et commence ma longue série de photos, peut-être un peu fastidieuse.

Cette obsession à aller dans les musées et les expositions commence à m’inquiéter. Et c’est vrai qu’en plus de la vanité de ma démarche dont j’ai bien conscience, vanité au sens de vain et non de vaniteux (vanité a ces deux significations antinomiques), il y a chez moi une véritable frénésie à me précipiter dans ces endroits-là. Et pourquoi y retourner plusieurs fois ! Quelle étrange lubie ! J’ai pensé à de multiples raisons possibles.

C’est vrai qu’on y découvre toujours de nouvelles choses que l’on n’avait pas vues. Parfois, elles avaient disparu pour être restaurées ou prêtées à un autre musée. Ailleurs c’est le fait d’un commissaire. Souvent aussi les œuvres changent de place comme à Beaubourg et au Louvre.

C’est aussi un voyage dans un lieu plein de vie, grouillant de vie même, mais d’une vie non agressive. Les gens y sont gentils, curieux, bien élevés, gais, intelligents et cultivés souvent, avides de découverte et heureux d’être là. Une ambiance qui se fait rare de nos jours. C’est très chaleureux un public de visiteurs venus des quatre coins du monde pour admirer et s’émouvoir ! Ici personne ne veut la place de son voisin. Il n’y a ni concurrence ni égoïsme.

C’est enfin une joie esthétique personnelle (et obsessionnelle) de voir ces associations fortuites souvent incroyables et drôles entre les œuvres exposées et les spectateurs. Ce bonheur pour moi seul n’en finit pas. Qui dois-je remercier ?

Parfois, je m’aperçois que je n’ai rien regardé ce qui m’oblige à revenir au début de l’exposition. Pourquoi ? Parce que j’étais à l’affût de la photo, à la poursuite d’un vêtement bariolé ou d’une coiffure insolite. Cette activité captivante de photographe m’amène à revoir plusieurs fois les mêmes expositions. Il n’est pas rare que je ne découvre les toiles qu’à la deuxième ou troisième visite.

Enfin, il est aussi des raisons … médicales ! On marche beaucoup dans un musée et en particulier au Louvre. Et puis cela occupe le temps d’un retraité.

Donc, après le BHV, le musée Picasso pour les œuvres d’un génie comme l’annoncent  de grandes affiches sur les murs. Le problème est qu’il y a en même temps à Paris au moins trois expositions foisonnantes de Picasso : celle d’aujourd’hui au Musée Picasso, celle du Musée d’Orsay sur les périodes bleues et roses et celle du Centre Pompidou sur le cubisme, plus quelques toiles au Musée d’Art Moderne de Beaubourg et au musée Marmottan. La multiplicité est intéressante mais elle aboutit aussi à la redite. C’est le cas de Picasso et c’est aussi le cas de Renoir et de Monet. Le nombre de leurs toiles visibles a augmenté et la proportion de toiles géniales a diminué. C’est logique mais cela devient presqu’ennuyeux. Il est aussi terrible que cette richesse bénéficie aux ayant droit. Ce n’est pas grave pour les peintres que je viens de citer reconnus de leur vivant mais dramatique pour la majorité des autres. On raconte que la première œuvre d’Alfred Sisley vendue après sa mort a atteint le montant cumulé de toutes celles vendues de son vivant.

Je ne reviendrai pas sur ma sensation tenace de déjà vu qui ne me quittera pas tout au long de cette exposition. Cela ne m’empêchera pas de faire des photos. Bien au contraire …

Oui, il y a des coïncidences à peine croyables ….

et quand on tient un modèle comme celui-là (je parle de la robe à motifs bien sûr), croyez-moi, on ne le lâche pas.

Cette peinture n’est pas présentée ainsi. L’explication est que je n’ai pas corrigé la perspective.

J’ai intitulé cette nouvelle série où l’on voit les personnes de face, donc reconnaissables, « Les Portraits volés ». Elle n’est pas destinée à la vente !

Un Modigliani dans la collection personnelle de Picasso

  • BIENTÔT PUBLIÉ
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5 réflexions sur « Les missions de Lorenzo (3) »

  1. Je l’aurais donc intitulé : Ambroise Vollard, marchand d’art, ou la douleur du monde.

  2. Évidemment, ce n’est pas la Joconde. C’est le portrait d’Ambroise Vollard par Picasso. C’était un marchand d’art : il avait bien du souci.

  3. En effet, on croirait ce portrait chargé de tous les maux de la terre.

  4. Idem pour moi pour ce qui est de certaines oeuvres de Picasso. De toute façon, on ne m’a jamais rien expliqué en art, ou si on l’a fait, je n’écoutais pas. Mais pour ce qui est du cubisme, ce n’est pas que j’aie « compris », mais j’ai cru saisir ou sentir ce que c’était à l’occasion de ma visite à l’exposition consacrée l’année dernière au Cubisme par le Centre Pompidou, grâce à l’incroyable abondance des tableaux présentés. J’y ai vu une technique raisonnée, élaborée, complexe, une façon, une méthode pour voir les choses, objets et personnages, qui donnait des résultats nouveaux, intéressants, surprenants et parfois très beaux, l’archétype étant pour moi ce portrait :

    https://www.leblogdescoutheillas.com/wp-content/uploads/2018/11/11-IMG_6521.jpg

  5. Cela va sembler puéril mais j’ai dû recourir à cette page

    https://www.1jour1actu.com/culture/cest-quoi-le-cubisme-87931/

    parce qu’on ne m’a jamais expliqué Picasso. Je commence à entrevoir une lueur, mais comme le chemin me paraît long pour parvenir à une compréhension lorenzienne (hormis les coïncidences que je goûte fort), inutile d’y passer ma jeunesse…

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