Pourquoi avoir choisi d’écrire ?

Cette question, c’est celle qu’imposent à leurs élèves comme thème d’écriture tous les ateliers du même nom. C’est celle que se posent un jour ou l’autre tous ceux qui tiennent un journal. Ou bien tous ceux qui écrivent des petites histoires. C’est aussi celle que tous les journalistes, tous les biographes, tous les importuns de passage  posent aux véritables écrivains. Parfois, comme ici, il n’est pas besoin de leur poser la question. En ce qui me concerne, j’ai écrit au moins deux fois sur le sujet  (titre cliquable):

Jeu d’écriture

Une émission de Berthe Grandval

En tout cas voici les raisons de Simone de Beauvoir . Vous allez pouvoir comparer. 

« J’avais décidé depuis longtemps de consacrer ma vie à des travaux intellectuels. Zaza me scandalisa en déclarant d’un ton provocant : « Mettre neuf enfants au monde comme l’a fait maman, ça vaut bien autant que d’écrire des livres. » Je ne voyais pas de commune mesure entre ces deux destins. Avoir des enfants, qui à leur tour auraient des enfants, c’était rabâcher à l’infini la même ennuyeuse ritournelle ; le savant, l’artiste, l’écrivain, le penseur créaient un autre monde, lumineux et joyeux, où tout avait sa raison d’être. C’était là que je voulais passer mes jours ; j’étais bien décidée à m’y tailler une place. Lorsque j’eus renoncé au ciel , mes ambitions terrestres s’accusèrent ; il fallait émerger. Étendue dans un pré, je contemplai, juste à la hauteur de mon regard, le déferlement des brins d’herbe, tous identiques, chacun noyé dans la jungle minuscule qui lui cachait tous les autres. Cette répétition indéfinie de l’ignorance, de l’indifférence équivalait à la mort. Je levai les yeux vers le chêne : il dominait le paysage et n’avait pas de semblable. Je serais pareille à lui. Pourquoi ai-je choisi d’écrire ? Enfant, je n’avais guère pris au sérieux mes gribouillages ; mon véritable souci avait été de connaître ; je me plaisais à rédiger mes compositions françaises, mais ces demoiselles me reprochaient mon style guindé ; je ne me sentais pas « douée ». Cependant, quand à quinze ans j’inscrivis sur l’album d’une amie les prédilections, les projets qui étaient censés définir ma personnalité, à la question : « Que voulez-vous faire plus tard ? » je répondis d’un trait : « Être un auteur célèbre ». Touchant mon musicien favori, ma fleur préférée, je m’étais inventé des goûts plus ou moins factices. Mais sur ce point je n’hésitai pas : je convoitais cet avenir, à l’exclusion de tout autre.
La première raison, c’est l’admiration que m’inspiraient les écrivains ; mon père les mettait bien au-dessus des savants, des érudits, des professeurs. J’étais convaincue moi aussi de leur suprématie ; même si son nom était largement connu, l’œuvre d’un spécialiste ne s’ouvrait qu’à un petit nombre ; les livres, tout le monde les lisait ; ils touchaient l’imagination, le cœur ; ils valaient à leur auteur la gloire la plus universelle et la plus intime. En tant que femme, ces sommets me semblaient plus accessibles que les pénéplaines ; les plus célèbres de mes sœurs s’étaient illustrées dans la littérature. »

Simone DE BEAUVOIR – Mémoires d’une jeune fille rangée – 1958.

 

15 réflexions sur « Pourquoi avoir choisi d’écrire ? »

  1. Rassure-toi Rebecca, c’était juste pour parler de complémentarité. Pas mieux que les maths !

  2. Quelle horreur! Des maths dans la littérature! Aaaaaargh!!! Sacrilège!

  3. Jean, je préférerais plutôt un système de deux équations à deux inconnues. Je vais m’y mettre, c’est une idée qui m’inspire. Y=ax+b représente une droite, c’est pas inspirant, trop simple.

  4. Non non non, Jim n’est pas un boit-sans-soif, j’en sais quelque chose! Moi, par contre, je suis un assoifé-sans-boire en quête perpetuelle d’une source d’inspiration divine.

  5. J’avais raté la démonstration de Paddy et j’ai pris un cachet. Mais je le crois sur parole. Du danger de mathématiser les rapports humains. Toutefois il serait intéressant, à la lumière de cette démonstration, d’étudier les valeurs que pourraient prendre a et b, mais cette fois, l’un dans l’autre, entre zéro et l’infini, selon la fonction y=ax+b sur laquelle j’en ai tant chié. Paddy ?

  6. Je lis ce commentaire au retour d’une longue balade sous un Mistral de force 4 et je dis :
    — Jim, tu as bu ?

  7. Jean a déplacé le débat de l’écriture aux mathématiques, et Jim lui a emboité le pas, pour analyser la différence et la complémentarité entre l’homme et la femme. Voyons cela de plus près. Jean et Jim se sont référés à la géométrie Euclidienne. Moi, ce matin, je me référerai à un autre mathématicien grec, Pythagore et son fameux théorème que tout élève de 6ème connait par coeur (le coeur! en référence à Rebecca). Admettons que l’homme et la femme sont les deux côtés a et b d’un triangle rectangle, a = l’un et b = l’autre, peu importe. Le théorème de Pythagore, jamais contredit, nous enseigne que « la somme des carrés des deux côtés d’un triangle rectangle est égale (si je n’m’abuse) au carré de l’hypoténuse » que nous symboliserons par R.
    Pour simplifier mon raisonnement je symboliserai par A=a+b (A pour « adjacence » et pour faire plaisir à Jean) l’union d’un couple homme+femme. Si nous admettons que la sublimation de cette union est représentée est l’hypoténuse R du triangle, autrement dit R résulte de l’addition à la puissance 2 des deux éléments du couple. C’est ce que je nomme « sublimation du couple », son extraordinarité.
    Démonstration mathématique avec quelques exemples:
    A= a+b, que nous admettrons constant pour les besoins de la démonstration, autrement dit le couple s’équilibre dans la complémentarité.
    Si a=1 et b=3 (forte inégalité entre les deux éléments du couple), A=a+b=4, et R=1+9=10
    mais si a=2 et b=2, A=4 (comme avant) mais R=4+4=8.
    Nous voyons bien que si un élément du couple domine l’autre, la sublimation du couple est supérieure. Les machos diront évidemment que si c’est l’homme qui est l’élément supérieur (le b=3 au-dessus), c’est lui qui sublime le couple. Mais une féministe convaincue attribuera le b=3 à la femme, et c’est elle la sublimatrice! En fait, aucun des deux ne sont sublimateurs, trop cons l’un et l’autre.
    Il faut que a et b prennent des valeurs supérieures, intellectuelles et physiques par exemple, tout en étant très proches, par exemple a=9 et b=11. A=20 et R=202. Mais si a=10 et b=10,
    A=20 encore, mais R=200.
    Je dis alors avec Pythagore que si un couple se constitue 1°/ avec une faible inégalité entre ses deux éléments (pas plus de 2), A s’élevant mais restant constant, l’écart de R sera toujours de 2, et donc cet écart deviendra de plus en faible relativement à un A qui s’accroit. Autrement dit, un couple devient de plus en plus sublime avec la richesse, la santé, l’intelligence, la culture, à condition que les deux éléments restent proches en valeur. L’inégalité entre a et b ne joue pas, elle n’est pas grave, elle sublime.
    Mais 2°/ si l’écart s’accroit entre a et b avec pourtant un A qui reste constant, par exemple a=6 et b=14, donc A=20 comme avant, R=232 cette fois, un écart de 32 avec le R=200 de l’égalité entre a et b. Ca ne marche plus! La sublimation marche à contrario, le couple emmerde tous ses proches par sa suffisance, son arrogance, ses disputes perpétuelles, il est moche, et à terme il explose.
    CQFD!
    Vous m’avez pas compris? moi non plus!
    Une autre fois, je vous expliquerais le même phénomène à partir de la physique et le point de rosée. Je suis sûr que vous serez passionnés. A bientôt!

  8. Y-a pas de doute, Jean n’aime pas Simone de Beauvoir ni Jean Paul Sartre, ça le regarde. Mais l’introduction de la géométrie – les angles adjacents – pour expliquer la complémentarité de l’homme et de la femme, sans égalité toutefois, est pour le moins originale. Il aurait pu comparer l’homme et la femme à deux droites parallèles qui ne peuvent se rencontrer, ou, en y introduisant une sécante, à des angles alternes-internes, égaux mais opposés. Je me demande ce qu’Euclide eut pensé de cette application de ses théorêmes? Je précise à l’attention de Paddy que je ne suis pas né vieux-con (ni vieux ni con) mais j’admet être devenu vieux (et un péché avoué est à demi-pardonné).

  9. Rebecca, le coeur (le sentiment) a en effet ses raisons, que la raison peut fort bien connaître.
    L’inénarrable Simone aurait au moins pu se renseigner sur la fonction hormonale, déjà bien connue à son époque, ce qui lui aurait évité bien des sottises. Quant à son Jean Paul de Sartre, il aurait dû savoir que les grecs anciens avaient déjà expérimenté une forme de communisme, qui n’avait pas fonctionné. Encore pourra-t-on en pardonner quelques unes à Sartre car dit-on, il était généreux de ses propres deniers, ce qui est une qualité rare.
    On aurait certes célébré ses quelques romans s’il ne s’était fourvoyé dans son idée fixe de dépasser Hegel et Heidegger réunis. L’ambition intellectuelle l’aveugla (ce qui montre que le coeur ne parle pas seul) et ce n’est qu’à la fin de sa vie qu’il s’en rendit compte, au grand dam de Simone qui fit tout pour le cacher au public.
    Tant pis. Il faut de tout pour faire un monde.

  10. La célèbre phrase de Simone de Beauvoir peut être paraphrasée de multiples façons, avec un nombre infini de qualificatifs. Ma préférée reste quand même « on ne nait pas con, etc. »

  11. Chaque écrivain a ses propres raisons, mais toutes viennent du coeur et, comme chacun sait, le coeur a ses raisons que la raison ignore.

    Jim, arrête la fonction d’auto-correction et de suggestion de vocabulaire. Sinon, une fois que tu as écrit 2 ou 3 lettres, l’ipad pense avoir compris ce que tu veux en se basant sur la probabilité (type « dans les 2/3 des cas, la réponse est.. » )et le met directement.

  12. Ecrire : « On ne naît pas femme, on le devient » relève du dérangement mental. Les tenants de l’égalité homme-femme sont porteurs du même syndrome : hommes et femmes sont, ou finiront par être, égaux en droits, ou en métiers, ce qui est souhaitable, mais égaux en nature, jamais de la vie. Hommes et femmes sont comme les angles adjacents : complémentaires, jamais égaux. Y compris par leur psychisme.
    Il faut commencer par poser ce préambule, avant de nuancer ou citer des exceptions à la règle, sinon on débite des conneries assurément.
    Quant à être écrivaine et célèbre, Simone le fut peut-être, mais grâce surtout au couple infernal qu’elle forma avec le sartrichon. Je ne serais même pas étonné qu’elle ait tenu cet aphorisme fameux du volubile révolutionnaire qui jeta aussi : « tout anti-communiste est un chien ».
    Le chien te conchie.
    On peut apprécier un écrivain (Céline par exemple) sans en partager les idées. Mais le couple-écrivain n’avait aucun style : il écrivait, c’est tout. Et compensait ce défaut de style par son agitation intellectuelle. Deux bobos avant l’heure.

  13. J’ajoute à l’attention de ceux qui me font l’honneur de lire mes commentaires que je ne répond plus de l’orthographe, de la tournure de mes phrases, etc, car je renonce définitivement à lutter contre mon iPad Apple qui n’en fait qu’à sa tête, même parfois après m’être relu et avoir corrigé les fautes.

  14. La phrase célèbre que tout le monde attache à Simone de Beauvoir est: “On ne n’ait pas femme, on le devient”. On pourrait paraphraser et dire: “On ne naît pas écrivain, on le devient”.

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