Esprit parisien – Post it n°25

Post it n°25

Esprit parisien
mercredi 3 octobre  14h40
Salon de coiffure ENEA 7 rue Bréa Paris 6°

Le client
—Bonjour, madame, vous pouvez me prendre tout de suite ?

La patronne
—Non, j’ai un brushing à faire avant.

Le client
—Dans combien de temps pourriez-vous me prendre ?

La patronne
—Sais pas, j’ai un brushing avant.

Le client
—Dix minutes, une demi-heure ?

La patronne
—Un brushing, c’est un brushing. On peut pas dire.

Le client
—Je reviendrai quand vous pourrez dire. Au revoir, madame.

Au moment où la porte se referme sur le client, mais à temps pour qu’il l’entende ,

La patronne :
—C’est pas la SNCF ici.

J’aime beaucoup ces répliques de sortie de scène, ces saillies spirituelles, ces réparties de l’esprit gouailleur éternel et inimitable du peuple de Paris.  Nous les devons à cinquante ans de Michel Audiard mal assimilé, vingt ans de Jean-Marie Bigard appris par cœur, dix ans de Laurent Baffie célébré.

J’irai me faire couper les cheveux à Chateau-Thierry (dans l’Aisne).

ET DEMAIN, UN CARTOON DU NEW YORKER

6 réflexions sur « Esprit parisien – Post it n°25 »

  1. Michel Audiard était un prince de la gouaille parisienne, des dialogues sur mesure pour les films, et du style parler comme écrit, un véritable « gentleman capable de décrire Sophia Loren sans faire de gestes » selon sa propre définition de ce que doit être un gentleman.

  2. Bien que je suive Philippe sur le classement des trois humoristes (si tant est que ce qualificatif puisse s’appliquer aux deux derniers); je ne me mêlerai pas des remarques de style qui me dépassent mais, depuis que j’ai quitté la France de De Gaulle (par son ordre) et où, comme dans tous les pays fascistes, les trains arrivaient à l’heure, lorsque j’y reviens par amour, amitié et nostalgie, et que j’ai le malheur de grimper dans un train, fut-il même TGV, immanquablement, ses retards se comptent en ‘brushings’ dont on ne sait, par définition capricieuse, combien il y en aura et ce, qu’ils soient talentueusement réalisés à Paris, Marseille, Nîmes ou Château Thierry…

    Et si, pour éviter d’avoir à entendre les tum tum répétés AD NAUSEAM de la SNCF, j’achète et revend (pas le même jour) un véhicule en TT, je ne sais combien de brushings ça me prendra avant d’arriver à destination tant il y a de bouchons (pas qu’en Bourgogne ou dans le Bordelais), de ralentissement involontaires ou voulus par les chauffeurs de poids lourds ou de tracteurs agricoles. Les Gilets Jaunes n’ont pas inventé les engorgements (en attendant les égorgements) aux ronds points des Champs Élysées et des champs tout court!

    Il me semble donc qu’en France dont les citoyens avec ou sans culotte s’anglicisent tant dans le vocable que dans la grammaire, on devrait adopter le ‘brushing’ comme unité de mesure du temps des transports qui, hélas, n’ont rien d’amoureux sauf quand ce sont les femmes qui manifestent au cri de ‘des Bizous,’ espérant que les CRS succombent à leur charme (trop caché par le gilet) et se transforment en pompiers et brancardiers du SAMU!

  3. Dont acte. Et ceci, sans parler de l’argot, à peu près perdu aujourd’hui, langage vigoureux et imagé, que je ne pratique pas hélas, mais dont mon oreille garde la nostalgie.

  4. Je m’aperçois qu’avec ma formulation « j’aime beaucoup… » qui se voulait ironique, je n’ai peut-être pas assez souligné la différence que je fais entre Audiard et les deux pauvres guignols que j’ai cités à la suite.
    Audiard, comme Pagnol l’avait fait pour les Marseillais et Provençaux de théâtre, a inventé une magnifique langue, spécifique aux marlous de comédie parisiens et banlieusards. Ses expressions sont très élaborées et utilisent en général un vocabulaire recherché et désuet, tel qu’il est peu probable que les voyous et voyoutes l’utilisent véritablement. Il faut du talent pour pasticher Audiard. Je l’ai tenté dans un texte qui viendra plus tard.
    Quant à Bigard et Baffie, il faut encore faire une différence entre eux : si Bigard, avant de tourner à la pure et simple et grasse vulgarité, a eu quelques éclairs (l’histoire de la chauve-souris est une perle sur un tas de fumier), Baffie, lui, n’est jamais sorti de la facilité ironique ou de la méchanceté gratuite que seul le ton blasé qu’il affecte peut faire passer pour drôle aux yeux de l’abruti ordinaire. Visant très bas, ces deux-là ont touché beaucoup de monde, et c’est une souffrance que d’entendre sortir de la bouche du pékin courant, comme la coiffeuse de la rue Bréa, des syntagmes figés (expressions toutes faites) entendus il y a un siècle dans une émission de télévision à l’audimat maximal.

  5. Jim, c’est pas un salon de coiffure, ici ! Quoique… (J’adore quoiquer).

    J’ai toujours aimé aussi cet esprit de gouaille parisien – aussi inimitable que l’humour anglais – mais je l’attribuerais pour ma part au temps des titis de Saint Denis, dont Audiard est un héritier. Quant aux deux autres, ils pratiquent un esprit de vespasienne, pas parisien.

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