Mes terrasses – 2 – Bistro Mauzac

Mes terrasses – 2

LE BISTRO MAUZAC
7 rue de l’Abbé de l’Épée. Paris 5°

Le matin, quand je ne vais pas à la Crêperie, c’est là que je viens poser mon MacBook pour une heure ou deux. Ce café-restaurant a été repris par une jeune femme il y a quatre ou cinq ans. Elle n’a rien changé au décor, absolument rien. C’est le genre de truc qui me plait, je l’ai dit plus haut. On se croirait fin des années cinquante, avec son carrelage en opus incertum de marbre beige veiné de noir, ses murs de fausses briques en papier peint, son bar démesuré en demi-cercle, ses banquettes recouvertes de tissu écossais passé, ses chaises assorties en bois blond, ses lustres aux abat-jours coniques orange, son porte-manteau près de l’entrée et, juste à côté, la table où sont étalés trois ou quatre journaux du jour.  Entre deux ardoises affichant le plat du jour, une affiche de Jour de Fête confirme l’année. J’oubliais la terrasse : dans cette partie un peu plus large et ombragée de la rue de l’Abbé de l’Épée, sa terrasse aux dais et parasols brique attire le voyageur comme une oasis de pénombre, d’intimité et de calme au bord du torrent de la rue Saint Jacques.

La patronne s’appelle Elica. Elle est venue de Macédoine. C’est une jeune femme souriante, aimable et efficace.

Le matin, c’est mon heure, la clientèle est hétéroclite. Un haut-parleur lointain diffuse confusément une symphonie que je ne reconnais pas. Quelques quinquagénaires lisent leur journal ou consultent leur ordinateur, des professeurs de la Rue d’Ulm peut-être, ou des médecins de Curie. Une sexagénaire hagarde, ses longs cheveux bruns en désordre, erre dans la salle, saluant un habitué, caressant le chat de la maison, allant voir dehors, revenant, comme si elle attendait quelqu’un qui ne viendrait jamais. Trois ou quatre éboueurs s’arrêtent au bar où le café leur est offert. Leurs gilets jaunes tranchent sur les parkas noires et les sacs à dos de deux étudiants étrangers qu’ils entourent. Un vieil homme qui était assis derrière une colonne apparait. Il a fini son petit déjeuner. Tenant sa canne anglaise d’une main, il sort à petits pas glissés et rentre chez lui. Vers onze heures, le cours privé qui est de l’autre côté de la rue ouvre ses portes. Une bande de jeunes gens déferle sur la terrasse et autour du zinc. Ils sont une douzaine et prennent trois cafés, un jus d’orange et une eau minérale. Pour le plaisir, ils volent parfois un croissant. Un quart d’heure plus tard, ils sont partis, en cours de physique, probablement. Le café retourne au calme, Beethoven a été remplacé par un obsédant John Coltrane. La serveuse commence à dresser les tables pour le déjeuner. C’est l’heure où je m’en vais.

ET DEMAIN, UNE GALANTERIE DE BAUDELAIRE

3 réflexions sur « Mes terrasses – 2 – Bistro Mauzac »

  1. Je connais! J’y ai déjeuné au printemps dernier, sur la terrasse justement, sous les parasols rouge-briques, avec, comment dire?, avec un homme de lettre de ma connaissance. Ce fut un repas agréable. Nous aurions pu parler d’un autre homme de lettre, Jean Giono, qui devaient lui aussi s’interesser aux terrasses puisqu’il publia vers la fin de sa vie un recueil de petites histoires et réflexions (en réalité des petites chroniques à paraître la presse) dont le titre était “Les terrasses de l’Ile d’Elbe”. J’aimais bien les livres de Jean Giono (“Le chant du Monde”, “Regain”, “Le hussard sur le toit”, etc) et j’ai celui des Terrasses. L’une des réflexions que j’ai conservée en mémoire, et pour cause, est celle sur la vieillesse. Atteint par cette maladie incurable, Jean Giono la décrivait comme un enchantement, le contentement “avec un milligramme quand auparavant il en fallait des tonnes”. Hum! Avait-il toute sa raison quand il écrit ca? Penserais-je comme lui aujourd’hui?

  2. Les gens qui fréquentent au Mauzac ne peuvent pas être complètement mauvais. Le Mauzac est un cépage de rosé de Gaillac.

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