Jours de grève

Je m’appelle Marie. Je suis née à Haïti mais je suis française. J’ai soixante et un ans. J’habite seule à Courcouronnes car mes trois enfants ont leur ménage à eux.

Je suis femme de ménage. Cinq jours par semaine, le matin, je pars travailler à Paris. Et le soir, je rentre.

Tous les jours, sauf le samedi et le dimanche, je me lève à cinq heures et demi. Je pourrais me lever plus tard, mais j’aime prendre mon temps pour mon café au lait. Je pars à sept heures cinq de chez moi. Il me faut vingt minutes à pied pour arriver jusqu’à ma gare. Quand le train est à l’heure, j’arrive à la Gare de Lyon à huit heures cinq. Je prends ensuite deux lignes de RER et j’arrive à ma station au bout de trente-cinq minutes. Il me faut ensuite moins de dix minutes pour arriver à mon travail.

Ça va, je ne peux pas me plaindre, ça va. Une heure et quarante minutes pour aller au travail, ça va. Et la même chose pour rentrer chez moi le soir, ça va aussi.

C’est vrai que le train est souvent en retard. Alors il faut que je courre dans les changements pour être à l’heure. C’est vrai aussi que les wagons sont toujours plein de monde et qu’il y a beaucoup de gens qui sentent mauvais. Mais qu’est-ce qu’on peut y faire ? Rien.

Alors, ça va.

Mais avec les grèves, là, ça ne va pas.

Ça ne va pas du tout.

Pour ne pas être en retard au travail, le matin, je pars une heure plus tôt. Il y a encore plus de monde dans les wagons que d’habitude et les gens sont encore plus de mauvaise humeur. L’autre jour, je suis arrivée quand même avec un quart d’heure de retard. J’étais honteuse.

Ça ne va pas, ça.

Mais le pire, c’était avant-hier. J’ai quitté mon travail vers six heures, comme d’habitude. Normalement, j’aurais dû être chez moi vers huit heures du soir. Mais voilà. Quand je suis arrivée à la station Chatelet, on nous a dit qu’il n’y avait plus de RER A. Alors j’ai marché un peu plus d’une demi-heure pour arriver à la Gare de Lyon. Là, j’ai vu qu’il n’y avait plus de train pour Courcouronnes. Il y avait beaucoup de monde qui s’agglutinait autour des gens de la gare qui étaient là pour nous renseigner. Tout le monde criait et se bousculait. Il y avait même une jeune femme qui pleurait. Vers huit heures et demi, on nous a dit qu’un train partirait dans une demi-heure pour Villeneuve St Georges et qu’un autocar nous emmènerait ensuite jusqu’à la gare de Courcouronnes. Le train n’est parti qu’à dix heures moins le quart. Il est arrivé à Villeneuve St-Georges à onze heures et quart. Là, on s’est assis où on pouvait pour attendre l’autocar. A une heure moins le quart, il n’était toujours pas là. Comme on ne nous disait rien, j’ai décidé de rentrer à pied. Je ne sais pas combien ça fait de kilomètres, mais je suis arrivée chez moi un peu après cinq heures du matin.

Ça ne va pas, ça.
Aujourd’hui, je suis fatiguée.

 

ET DEMAIN, UN TABLEAU DE SÉBASTIEN COUTHEILLAS

Une réflexion sur « Jours de grève »

  1. Pauvre dame….

    Le droit de grève est devenu un droit de nuisance : des salariés nantis rendent la vie impossible à des travailleurs pauvres.

    Est-ce cela que l’on nomme démocrature ?

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