Café marron (Couleur café n°24)

Couleur Café n° 24

Le Pont Royal
8 Rue du Bac

C’est un tout petit bistrot aux couleurs parisiennes de petit bistrot.
Les couleurs parisiennes du petit bistrot parisien sont à base de marron :
Marron rouge les petites tables carrées et la moleskine des banquettes,
Marron clair les murs,
Marron foncé les inscriptions qui ordonnent en arc de cercle : « Dégustez nos vins de province », « Apéritifs », « Champagne », « Macon », « Petit Chablis », qui désignent les « Toilettes « .
Parfois une ardoise en trompe l’œil apporte sa touche noire avec au milieu le souvenir d’un ancien plat du jour.
Mais le marron reprend ses droits en informant : « Suggestion du Jour : Blanquette à l’ancienne » ou en précisant : « Heineken 4€50  Pelforth 3€50 ».
Marron chaud le haut du bar et le bas de sa corniche,
Marron foncé la colonne qui soutient le vieux plafond marron caramel et qui réduit le passage vers la cuisine et les toilettes.

On devrait classer les couleurs parisiennes du petit bistrot parisien, comme on l’a fait pour celle de la Place Masséna de Nice. On devrait interdire de les remplacer par de joyeuses briques à la new-yorkaise, des peintures pastel du 1950 revival, des papiers perses des années 60, de fausses boiseries sombres des années 1900.

Dans ce décor tout en brun, on imagine bien, derrière le bar et entre deux âges, un patron bourru, ventru, moustachu et aveyronnais, et, par la porte ouverte de la cuisine, à travers un nuage de vapeurs et de graillon, une patronne en fichu et tablier.

Les nouveaux propriétaires sont vietnamiens.

 

ET DEMAIN, ARRETE TON CHAR 

9 réflexions sur « Café marron (Couleur café n°24) »

  1. J’en ai pas fini avec le bistro parisien car le danger est aussi ailleurs. Ayant vécu quelques années à Lyon au début des années 70 du siècle dernier, je me suis attaché au « bouchon » Lyonnais, vous savez, celui que détient Philippe Noiret dans le premier film de Bertrand Tavernier « L’horloger de Saint Paul ». Quand il m’arrive de retourner à Lyon, je constate avec tristesse que beaucoup disparaissent, dans leur esprit en tout cas pour s’accommoder au tourisme. J’accepte l’accusation d’être un réac et j’y trouve un certain bonheur comme le disais Denis Tillinac!

  2. Tu as raison Jean. Le couscous et la pizza c’est bon, tout comme les nems, surtout quand ces spécialités sont dégustées dans des restaurants qui reflètent la culture attachée à leurs origines. J’ajoute immédiatement que je me réjouis que des Italiens, des Marocains ou des Vietnamiens, citoyens Français ou résidents, détiennent des restaurants à Paris où j’ai plaisir à me rendre quand l’envie m’en prend, mais pas pour y manger des oeufs durs mayonnaise. Mon propos n’est donc pas une question d’ostracisme s’agissant de la légitime détention d’un bistro parisien. Comme je l’ai écrit, un bistro parisien n’est pas qu’un élément de décor où l’on pourrait servir n’importe quoi en parfaite contradiction avec la tradition bistro. C’est pourquoi je persiste et signe qu’un « vrai » bistro parisien ne peut pas survivre sans une atmosphère créée par le patron (idéalement un bougnat), un décor, une cuisine typique et surtout dans la salle des amateurs de véritables oeufs durs mayonnaise, de poireaux vinaigrette, d’andouillettes AAAAA, et autres spécialités du genre, et qui détourneront leur clientèle s’ils sont déçus. Mais Jean, j’ai l’impression que nous sommes d’accord, Philippe aussi si j’ai bien lu son texte.

  3. Jim, si tu as passé des années en Chine, tu dois en effet savoir de quoi tu parles.
    Et dès qu’il s’agit de thunes, il n’y a plus ni père ni mère ni culture qui y survive.
    Au fond, si un peuple (français) se fout de sa propre culture, fait tout pour la détruire et la remplacer par un gloubi boulga indifférencié, on ne va pas reprocher aux autres d’y contribuer n’est-ce pas ! C’est tant pis pour nous, on bouffera tous du couscous et des pizzas. C’est bon le couscous et la pizza.

  4. On verra, mais je parie sur la disparition du bistro en question. La reprise de certains commerces typiques par des asiatiques m’attriste et pourtant moi aussi j’apprécie particulièrement toute leur finesse. Trois ans et demi de vie en Chine m’ont convaincu de cette finesse qui, je dois le dire, devient de plus en plus fascinante avec le temps passé mais aussi de plus en plus énigmatique. Je suis d’accord avec Jean Antolinos, les Asiates, les Chinois et les Coréens surtout, sont d’extraordinaires musiciens. C’est une tradition confuciusienne. Un grand chef d’orchestre dont j’ai oublié le nom avait dit dans une interview qu’il pensait que bientôt les grands solistes seraient majoritairement des asiatiques. Mais le « business », c’est autre chose. Ce n’est plus la finesse qui prime, mais l’enrichissement, et justement les bureaux de tabac se prêtent très bien à cette motivation avec une exploitation familiale. Un bistro parisien traditionnel, son esprit, son atmosphère, sa cuisine typique… j’ai de sérieux doutes.

  5. En effet, c’était bien le sens de mon intuition. Souhaitons-leur de se faire quelques sous à investir dans un joli nettoyage. Ou reconversion…

  6. Tiens au fait, Jim, je ne suis pas loin de penser que, de même nous fûmes les héritiers des gréco-romains, les héritiers de notre civilisation, lorsqu’elle se sera effondrée sous le poids des barbaries angéliformes, seront justement les asiatiques : ils possèdent toute la finesse requise.

  7. Pas si sûr, mon cher Jim, car on sous-estime peut-être le goût des asiatiques pour nos classiques, il suffit de voir leur nombre dans nos orchestres philharmoniques.
    D’un autre côté, nos « bleu charrette » de province qui servaient à tout peindre aussi bien lesdites charrettes que les contrevents et les portes, ont bien disparu et les asiates n’y sont pour rien.
    A nous de redécouvrir de temps en temps nos merveilles de bon goût.

  8. Bon! Je sais maintenant que ce bistro rue du Bac à Paris et son esprit, son atmosphère, disparaîtra dans un avenir plus ou moins proche. Je prends les paris.

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