Pentagon papers – Critique aisée n°115

Critique aisée n°115

Pentagon papers  (The Post)
Steven Spielberg -2017
Meryl Streep, Tom Hanks

Disons-le tout de suite, c’est un bon produit. Et quand je dis ça, vous comprenez aussitôt : c’est un bon produit, mais c’est tout.

L’histoire des Pentagon papers, vous la connaissez par cœur. Forcément, vous avez déjà lu quelques critiques et on sait bien qu’aujourd’hui, ils (les autres, pas moi, bien entendu) considèrent que, quel que soit le film, ils ont rempli leur mission quand ils ont résumé le scénario, dit que les acteurs sont bons ou mauvais, et prétendu reconnaître l’influence de Ford, de Claude Zidi, de Cassavetes ou de Renoir. Mais moi, non, je ne vous raconte pas l’histoire parce que, comme m’écrivait Raymond Chandler la dernière fois que j’ai lu sa correspondance, « l’histoire, on s’en fout, c’est le style qui compte« . (J’ai toujours du mal à concilier mon admiration pour Chandler avec celle que j’ai pour Ford, parce que lui, Ford, à qui on demandait quels étaient les trois ingrédients essentiels pour faire un bon film, répondait : « une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire« . Mais aujourd’hui, pour les besoins de ma cause, je prends le parti de Chandler). Donc, l’histoire, on s’en fout, c’est le style qui compte.

Et le style de Pentagon Papers (en anglais : The Post) est on ne peut plus conventionnel. Spielberg n’hésite jamais à tomber dans le cliché, à mettre en scène le stéréotype, à diriger des archétypes. Comme Spielberg est Spielberg, tout de même, je suis persuadé que c’est volontaire. Pour moi, en faisant ce film, son objectif était double (au moins) :

1-faire un produit de cinéma hollywoodien parfait, oscarisable et rentable

2-ayant ainsi acquis le public populaire, lui faire passer un message sur l’importance de la presse indépendante et sur les menaces qui pèsent actuellement sur elle dans l’Empire du Donald.

Sur le plan éthique, viser ce deuxième objectif c’est probablement la chose à faire aujourd’hui.

Sur le plan cinéma, c’est autre affaire. D’abord, Pentagon papers, c’est tout autre chose que « Les hommes du Président » auquel, par facilité on fera référence le plus souvent, c’est tout autre chose que « Spotlight« , plus récent. Dans chacun de ces deux films, l’un excellent, l’autre bon, il est vrai que le scénario est construit autour de l’éternelle question : est-ce qu’on publie l’info ? et quand ?, mais surtout autour de l’enquête elle-même. Celui des Papers passe l’enquête quasiment sous silence. Ça n’intéresse pas Spielberg. Par contre, tout tourne autour de la décision de publier ou non certains papiers « confidentiel défense » (on est en pleine guerre du Vietnam), décision que doit prendre une femme timide, héritière potiche d’un grand journal, vivant dans le souvenir de son père et de son mari, icônes de la presse. Elle finira, bien sûr par prendre timidement mais fermement ses responsabilités.

Eh bien, à part le personnage incarné par Meryl Streep, délicat, craintif, presque souffreteux, et donc original pour une patronne de presse, tout le reste, les personnages, les scènes, les prises de vue, la musique, tout est cliché, bien fait, bien joué, mais cliché. Spielberg et moi ne pouvons pas ne pas nous en rendre compte. Mais Spielberg est de nous deux le seul à l’avoir voulu. Et c’est sans doute par efficacité, parce que, si vous avez l’âme naïve, si vous n’avez pas vu les grand classiques US de film de journalisme, ça marchera. Moi, une scène où l’on voit la rotative qui commence à rouler, la bande de papier qui défile de plus en plus vite, qui se replie, se découpe, se replie encore, puis s’assemble en milliers d’exemplaires serrés les uns derrière les autres qui cheminent, montent, descendent et parcourent en tous sens les plafonds de l’imprimerie pour être jetés ficelés par paquets sur les planchers de camions qui, dans le gris de l’aurore, vont parcourir la ville et, sans même s’arrêter, lancer la presse sur le trottoir, où un homme, enfin, dépliera le journal et laissera voir au spectateur le gros titre qu’il attendait depuis le milieu du film, moi, une scène comme ça, ça me fait toujours frémir.

Voilà, si vous avez une âme simple, si vous aimez ce genre de scène, si vous avez un jour voulu être rédacteur en chef en bras de chemise, les pieds sur votre bureau, si vous aimez les journalistes fatigués et hirsutes, si vous aimez Meryl Streep, Tom Hanks et le travail bien fait, vous aimerez probablement Pentagon papers.

Si vous cherchez du neuf, c’est autre chose.

 

ET DEMAIN, VOUS ÊTES SÛR QUE VOUS VOULEZ UN DEUXIEME AVIS ?

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