Fake News-Fausses Nouvelles-Lost in translation

L’édition du 8 janvier dernier du New Yorker a publié un article intéressant de Louis Menand dont le titre est WORDS OF THE YEAR (LES MOTS DE L’ANNÉE). Il semble en effet qu’il existe une sorte de compétition anglophone pour désigner les meilleurs mots apparus au cours de l’année passée. J’ai imprudemment entrepris de vous résumer cet article et d’en traduire un extrait. C’est la traduction qui pose problème. On va voir ça.

L’auteur commence par éliminer YOUTHQUAKE (changement culturel, politique ou social significatif résultant de l’action ou de l’influence des jeunes) parce que le mot était utilisé dès 1965.  Il réserve le même sort à FEMINISM, promu par le Webster Dictionary comme le mot le plus recherché en ligne en 2016. 2016, oui, mais en 2017 ? Il note que DIVERSITY et TOGETHER, très utilisés au cours des années précédentes, ne le seront probablement plus beaucoup dans les quelques années à venir. Après nous avoir distraits avec quelques plaisanteries purement locales — j’entends par là, purement nord-américaines —  l’auteur nous amène là où il voulait, c’est-à-dire au mot FAKE.
Monsieur Menand est américain et il sait ce que FAKE veut dire. Mais nous, le savons-nous ?

Voyons cela :

FAKE est un nom commun. Sa traduction française est naturellement FAUX, CONTREFAÇON. Si on y tient, on peut y ajouter IMPOSTURE et FEINTE. Mais FAKE est aussi un adjectif, et dans ce cas, il se traduit par FAUX, CONTREFAIT, tout simplement. Là où cela se complique, c’est quand, suivant une tendance devenue très naturelle ces derniers temps, on associe FAKE à NEWS : FAKE NEWS.

L’élève moyen de classe de seconde dira ‘fastoche‘ in petto et traduira ipso facto ce syntagme par FAUSSE NOUVELLE. Et il n’aura pas tort, le bougre. Pourtant, il ne sera rétribué de son lamentable effort que par une note très moyenne. Et pourquoi cela, je vous prie ? Mais parce qu’il n’aura pas tenu compte du contexte temporel qui fait qu’aujourd’hui, une FAKE NEWS n’est pas, n’est plus une FAUSSE NOUVELLE, c’est évident. Dans FAUSSE NOUVELLE, il y a toujours eu une notion d’erreur de bonne foi, erreur qui se corrige d’elle-même par l’annonce consécutive que la NOUVELLE est FAUSSE.
Exemple : Avec quelques années d’avance, des journaux avaient annoncé à tort la mort de Mark Twain. C’était une FAUSSE NOUVELLE. (Notons que Twain ne l’avait pas qualifiée de FAUSSE, mais de PRÉMATURÉE. Ah ! Ces puristes !) Quand on annonce une FAUSSE NOUVELLE, on ne cherche pas sciemment à tromper l’interlocuteur ou le public. On dit « Oups ! Au temps pour moi ! (1)« , on s’excuse et c’est fini, sous réserve d’indemnisation de l’éventuel préjudice.

Mais aujourd’hui, une FAKE NEWS, c’est tout autre chose. Et, ramené au rang d’élève moyen de classe de seconde, je n’ai pas trouvé de bonne traduction à FAKE quand il est associé à NEWS. Je n’en ai pas trouvé non plus pour HOAX. Littéralement, HOAX veut dire CANULAR, mais je pense que dans le mot anglais, il y a, sous-jacente, une volonté de nuire qui n’est pas dans le mot CANULAR, qui ne pense, lui, en bon français, qu’à rigoler.

Voyons ce que Monsieur Ménand dit de tout ça :

« Un bon candidat au titre de Mot de l’Année dans cette catégorie (celle des mots-outils) est FAKE (pour la traduction, voir ci-dessus). Autrefois, FAKE signifiait « contrefait » ou « inauthentique », comme un faux Picasso ou un faux certificat de naissance. On l’utilise aujourd’hui pour signifier « Je nie votre réalité ». HOAX est utilisé avec la même intention. (ALTERNATIVE FACTS —FAITS ALTERNATIFS —, autre expression associée à la négation de la réalité semble avoir sombré sous les railleries.)

Beaucoup d’Américains ont été choqués d’entendre leurs opinions qualifiées de FAKE SCIENCE ou de FAKE NEWS. Ces Américains pensaient avoir compris ce qui compte en tant que preuve, en tant que raison, en tant qu’argumentation. Soudain, les règles ont changé. Dans les affaires politiques nationales, vous n’avez plus besoin de preuve ou de raison. Vous n’avez plus besoin d’argumentation. Il vous suffit d’affirmer. Si votre affirmation est mise en doute, il vous suffit de la répéter.

FAKE et HOAX sont les ABRACADABRAS de l’univers de Trump, des mots déclamés pour faire disparaitre des faits embarrassants. Dans la plus grande partie de la vie après l’école maternelle, les ABRACADABRAS ne fonctionnent plus, parce que ça ne trompe plus les gens. Pour les adultes, dire une chose ne la rend pas vraie, c’est une règle. Mais pas pour les Présidents, toutefois, adultes ou pas. Les Présidents ont légalement le pouvoir de rendre réel pour les autres tout ce qui sort de leur bouche. Ce Président a réalisé qu’il peut littéralement dire n’importe quoi et que quelqu’un surgira de quelque part pour l’expliquer, ou pour le justifier. (…) (2)

 (1) N’écrivez pas « Autant pour moi », ça m’énerve.

 (2) New Yorker – Jan. 8, 2018 – Words of the year by Louis Menand

 

ET DEMAIN, RENDEZ-VOUS 16 RUE DE VAUGIRARD

4 réflexions sur « Fake News-Fausses Nouvelles-Lost in translation »

  1. Paddy aurait dû rappeler que le 25ème amendement de la Constitution des Etats-Unis prévoit qu’un président peut être destitué s’il est prouvé qu’il n’est plus apte, psychologiquement, physiquement ou médicalement, à exercer la fonction. C’est effectivement un cas d’empêchement, différent de l’impeachment à l’américaine comme cela a déjà été expliqué dans les colonnes du JDC qui lui repose plus sur la loi et le parjure. Trump vient de passer son examen médical annuel et il a été déclaré totalement sain de corps et d’esprit pour remplir sa fonction. Merde alors! (‘Shit’ est effectivement le mot que fait débat actuellement aux US). Le médecin responsable, apparemment un militaire en uniforme, lui a juste recommandé de faire un peu plus de sport, un peu plus de golf quoi!

  2. Roi Lear, Hamlet, Néron, bien sûr, mais aussi Caligula, Macbeth, Ubu…

  3. Cela me rappelle l’histoire du ‘faux vrai passeport’ versus ‘vrai faux passeport’ du temps du pittoresque (et roublard) Charles Pasqua. Bien plus pittoresque que Trump, ‘faux vrai president’ ou ‘vrai faux president’ de la plus grande puissance (et démocratie) du monde? That is the question? Vrai président, c’est vrai, personne ne conteste son élection. Faux président, faux jeton, inepte (‘unfit’) président, c’est vrai aussi, ou plutôt c’est ce que cherche à démontrer ceux qui reconnaissent la légitimité de son élection mais clament son incapacité à l’être. Shakespearien, non? Hamlet, King Lear, ou bien Néron?
    Légitimité? La question se trouve là. Plus que tout autre pays, les USA, me semble-il, reposent sur leur constitution dans tous les sens du mot: création/formation/histoire/morphologie/régime démocratique républicain/etc., et les textes de la loi qui régissent et unifient le système, loi à laquelle personne n’échappe et surtout pas le président. Comme Trump et sa cohorte de caniches, soit laquais serviles, soit politiciens qui craignent pour leur ré-élection (les dits républicains, c’est-à-dire le GOP, le Grand Old Party fondé par rien moins qu’Abraham Lincoln, hé oui!) laissent le rôle de l’argumentation juridique à leurs avocats (un métier florissant aux US), dans leur communication en direction de leur électorat ils n’utilisent que la répétition d’affirmations totalement subjectives: fake ‘whatever’, chasse aux sorcières, etc., et ça marche!
    Robert Mueller (plus la peine de le présenter, il passera dans les livres d’histoire des Etats-Unis) continue patiemment son enquête. Bon courage!

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