Les bidons de l’art – 6

Ceci mon sixième exemple d’art bidon. Je l’ai récolté au SAM (Seattle Art Museum). De ma collection, c’est pour moi le plus représentatif de ce qu’une partie de l’art contemporain, de ses artistes, de ses collectionneurs, de ses critiques et de ses conservateurs peut nous apporter par bêtise, snobisme, foutage de gueule et roublardise ou les quatre à la fois. C’est du Boronali pur jus.

Le processus de création est entièrement dans le titre : « Dragging a Painting ». Madame Livingston ( I presume ? ) a versé de la peinture sur une feuille de papier qu’elle a montée sur un châssis. Elle l’a accroché à un harnais qu’elle a enfilé avant de faire de même avec les rues de Seattle ( attention : quasi zeugma ! ) en le trainant par terre. Au cours de la promenade, comme le dit le cartel de l’œuvre, les graviers, la poussière et l’asphalte ont laissé leurs marques sur la surface peinte créant ainsi une œuvre originale. Mais c’est pas tout. Par la même occasion, Madame Livingston, a demandé à son vieil ami Monsieur Cleary de filmer sa balade, ce qui a donné l’œuvre vidéo qui défile en boucle sur un mur du SAM. On a donc deux œuvres pour le prix d’une : la toile et le film. Curieusement, le musée n’expose pas la feuille papier peint sali. Trop chère probablement.

Le film qui montre Leonard de Vinci en train de peindre Mona Lisa demeure introuvable. Par contre, on peut voir facilement ceux qui montrent Picasso, Renoir, ou Monet au travail devant leur toile. On connait la séquence filmée de Dali faisant peindre des oursins. On a également vu le western de Mademoiselle de Saint Phalle tirant à la Winchester sur ses pots de peinture. Mais à ma connaissance, ces artistes vendaient leurs toiles, leur sculpture, leurs œuvres, pas le film de leur réalisation.

Donc, filmez-vous en train de peindre, vous irez sans doute à Pompidou. Et, pourquoi pas, faites-vous filmer en train d’écrire, vous aurez peut-être droit au Goncourt.

APRES ÇA, ON A PLUS QU’À TIRER L’ÉCHELLE,
MAIS DEMAIN CE SERA DU SÉRIEUX, DU PHILOSOPHIQUE : INSTINCT OU LIBERTÉ ?

11 réflexions sur « Les bidons de l’art – 6 »

  1. Je ne vois pas là un sujet à polémique, je n’ai pas de désaccord avec la notion d’art bidon. Mon propos, je le rappelle, est la caution du musée, donc une interpellation qui doit donner à réfléchir, ce que doit faire tout sage selon Aristote. Madame Livingston est présentée comme « painter by training », on voit où sa formation l’a conduite… La vidéo n’est probablement pas achetable, encore une manifestation éphémère! Mais, la toile qui a récolté les résidus dans les rues de Seattle (le même exercice fait à Paris aurait enrichi la toile de crottes de chien), sera-t-elle vendue? Il y aura alors des soit-disant experts en mal de faire parler d’eux tout comme Mme Livingston qui qualifieront cette toile d’oeuvre d’art, donc achetable. Celui qui l’aura acheté sera peut-être un pigeon, peut-être pas. Je n’ai pas d’opinion là-dessus. Je préfère réfléchir à la signification des peintures des grottes de Lascaux ou de Chauvet. Elles m’interpellent bien plus sur la notion de création artistiques et ses raisons d’être.

  2. Non, l’oeuvre ne s’appelle pas « La misère du monde », et si elle s’appelait comme ça, l’émotion viendrait du titre seul, pas de l’oeuvre. Si on lit bien le cartel, l’oeuvre s’appelle « Dragging a painting » et l’oeuvre n’est pas le tableau obtenu mais bien la video.
    Pas d’émotion, une simple envie de rigolade ou de pitié envers l’artiste qui en est réduite à cela, que ce soit par manque d’argent ou de talent.

  3. Qui vend cher à un pigeon un objet sans valeur en lui faisant croire qu’il en a sinon un escroc ? Hein, qui ?

  4. Je termine (mon iPad est un véritable escroc, lui, à bas Apple): je disais donc qu’il y a des escrocs qui pourraient être considérés comme des artistes tant ils mettent d’esthetisme dans leurs œuvres, de véritables gentlemen cambrioleurs, genre Arsène Lupin, tel Spaggiari par exemple. Mais avistodenas tu penses peut-être à l’artiste qui réalise ce que Philippe appelle une œuvre bidon. C’est peut-être une escroquerie morale, mais personnellement je ne pense pas que l’artiste est un escroc véritable à partir du moment où il est cautionné par un musée. Si un tel artiste vend une telle œuvre bidon, je crois plutôt que c’est l’acheteur qui est un pigeon.

  5. Bonne question avistodenas. Il y a un cas bien connu qui synthétise parfaitement les deux vocations en une seule personne, artiste ET escroc, c’est celui de l’artiste qui réalise des copies d’oeuvres originales, les signe du nom de l’original et revend la copie à la cote de l’artiste original. Il y a des estocs qui pourraient être considérés comme des

  6. Si le tableau s’intitule « la misère du monde », alors il dégage une émotion.
    C’est donc de l’art dans ce cas.

  7. Oui, bien sûr, j’ai bien compris que les “Bidons de l’art” ne ridiculisaient pas les œuvres contemporaines en général, et je suis bien d’accord que la farce Boronali voulait se moquer du snobisme en art, et même de son incompréhension. J’avais appris dans un petit musée de la Butte Montmartre qui relatait cet épisode que la fameuse toile signée Boronali avait tout de même été vendue à un amateur américain. Mon propos voulait surtout souligner, comme il m’est déjà arrivé de le faire à propos des mêmes bidons, que derrière toute œuvre qui se pretend artistique, surtout si un musée la cautionne en plus, il doit y avoir une intention. Legitime ou pas, ça c’est une autre histoire. Les suggestions dont parle Baudelaire peuvent aussi être des interrogations sur l’art. Pour finir, je vais ressortir ici une citation que j’ai notée il y a bien longtemp, inscrite sur l’une des façades du Palais de Chaillot, de Paul Valéry:
    “Tout homme crée sans le savoir
    Comme il respire
    Mais l’artiste se sent créer
    Son acte engage tout son être
    Sa peine bien aimée le fortifie.”
    L’art, la création artistique, et donc les artistes, ne sont pas des choses simples a expliquer. C’est en tout cas ce que je pense.

  8. Attention, si mes observations ironiques qui nourrissent ma série « Les Bidons de l’Art » se concentrent sur des œuvres contemporaines, il ne faudrait pas en déduire que je mets tout l’art contemporain dans le même panier. Ces dernières années, j’ai visité pas mal de musées d’art moderne et contemporain, mais comme il est plus facile de critiquer que de louer, quand j’ai envie de rire, je créé un nouveau bidon de l’art, alors que quand ça me plait, je reste coi.
    Par ailleurs, je crois bien que la seule ambition du tableau signé Boronali était de se moquer du snobisme en art. Je me demande parfois si les auteurs des bidons que j’ai choisis n’avaient pas le même but.

  9. En matière d’art, je ne suis pas un expert patenté, un simple promeneur. Moi aussi j’apprécie chaque fois la petite émission tv ‘d’art d’art’. Mais si des œuvres modernes apparement excentriques sont exposées dans divers MoMA, je pense que les conservateurs de ces musées ont de bonnes raisons de les y faire figurer. Je ne sais pas si elles sont bidons, de la fumisterie ou quoi, mais elles sont là, peut-être pour simplement interpeller le visiteur. Elles peuvent être éphémères comme l’art qui se qualifie comme tel. Les surréalistes qui avaient sponsorisé le tableau de Boralino recherchaient peut-être le même but. En tout cas j’aime me référer à une explication d’un grand critique d’art qui défendait envers et contre tous les peintres impressionnistes aussi bien que les opéras de Wagner, Charles Baudelaire, et qui écrivait “car c’est le propre des œuvres vraiment artistiques d’être une source inépuisable de suggestions”.

  10. L’affiche passe sous silence : les éclairagistes, les preneurs de son, l’IRM du (ou des) cerveau.x qui a (ont) conçu l’oeuvre, les cascadeurs, bref.

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