Archives mensuelles : janvier 2018

Retour sur la Piazza Navona – fin

temps de lecture : 3 minutes 

Troisième et dernière partie—Andrea Gnecchi-Rampa, marquis et collectionneur

Maintenant, la marée des touristes monte. Il en arrive de toutes les ruelles. Il y a les asiatiques serrés en paquet autour d’un parapluie-oriflamme sous autant de chapeaux en plastique tissé. Il y a les nordistes portant banane, vaste short ou pantalon corsaire distendu, tricot de corps, chemise flottante et Birkenstock. Il y a les provinciaux intimidés aux vestes sombres et aux jupes à fleurs, il y a des nuées de jeunes à sac-à-dos et bouteilles de plastique, des groupes de vieux, des essaims de bonnes sœurs…Ils se pressent autour des fontaines, s’extasient devant Sant’Agnese. Ils prennent des photos, des selfies, beaucoup de selfies. Ils regardent, hésitants, les cafés-restaurants. « C’est bientôt l’heure de déjeuner, mais ça doit être cher… » Sont arrivés aussi les colporteurs aux sacs informes, les marchands de lunettes de soleil aux éventaires de carton, les portraitistes, les musiciens… Il est encore trop tôt pour que la terrasse du Da Lorenzo se remplisse, mais c’est la fin du matin. Deux carabiniers passent en discutant et en fumant, les yeux au sol. A l’entrée de la place, une auto blindée s’arrête en travers d’une ruelle. Deux soldats en armes en descendent. Ils se postent Continuer la lecture de Retour sur la Piazza Navona – fin

Dernière heure : Assez de kooneries !

Dernière heure : Assez de Kooneries !
Mardi 23 janvier
La mairie de Paris veut installer devant le Palais de Tokyo un de ces bouquets de tulipes dont Jeff Koons inonde le monde depuis plus de vingt ans. Cette œuvre est bien dans la manière de ce plasticien américain : gigantisme et répétition industrielle et ad nauseam d’une idée originelle.
Le prétexte de cette installation est la commémoration des « terribles évènements qui ont eu lieu à Paris », entendez les attentats terroristes. Une fois qu’on a dit ça, on n’ose plus s’opposer au projet, bien sûr.
Ce gros machin est annoncé comme représentant un bouquet de tulipes brandi par une main sortant d’on ne sait où.  Moi, je le vois plutôt comme un paquet de marshmellows (en français, chamallo) plantés dans des pailles multicolores ramollies par la chaleur.
Les dimensions annoncées sont les suivantes : 12 mètres de hauteur, 8 de large et 10 de profondeur.
C’est vraiment une grosse koonerie !

Dernière heure : Descente de cheval

Dernière heure : Descente de cheval
Lundi 22 janvier

Ma dernière échographie m’a appris ce matin qu’au mollet, j’avais un muscle surnuméraire. J’en ai même deux : un de chaque côté.
Cela viendrait parait-il de la persistance chez environ 6% de la population d’un muscle existant chez le cheval, mais qui a dégénéré puis disparu chez l’homme pour 94% des individus.
J’en déduis que j’ai dû descendre de cheval un peu trop vite.
NDLR

ET DEMAIN, FRAPPEZ AU COIN DU BON SENS

Retour sur la piazza Navona – 2

temps de lecture : 3 minutes 

Si vous avez raté la première partie, CLIQUEZ ICI

Deuxième partie : Marco Ruscone, scootériste et dragueur

Le soleil s’est rapproché de ma table. Un serveur s’excuse de me déranger pour déployer le velum un peu plus. Penché sur mon clavier, je n’ai pas vu arriver le jeune homme qui me tourne le dos. Il est planté debout au milieu des jeunes américaines et il leur parle en anglais. Sa voix est agréable et son accent italien a beaucoup de charme. Il doit le savoir et il est en train d’en user autant qu’il le peut. Il dit que l’année prochaine, il devrait aller à Chicago. Il a un cousin là-bas. Aussitôt, deux des filles s’exclament qu’elles sont justement de Chicago. Il faudra absolument qu’il vienne les voir. Des adresses s’échangent… Je connais bien ce genre de dragueur romain ; il porte un pantalon ajusté et une chemise à manches courtes gris foncé ; il n’a jamais eu l’intention de s’expatrier et les adresses de Chicago ne l’intéressent pas. Ce qu’il veut, c’est savoir où toutes ces filles Continuer la lecture de Retour sur la piazza Navona – 2

Dernière heure : il y a 50 ans

20 janvier 2018

Nous sommes entrés dans l’année de commémoration du cinquantenaire des évènements de mai 68. On n’y coupera pas et, dès le printemps, vont fleurir les rétrospectives, les documentaires, les interviews où de quasi vieillards viendront raconter leurs souvenirs bien rodés par cinquante ans d’amélioration continue. En ce qui me concerne, personnellement moi-même, je ne jure pas que je n’irai pas d’un petit souvenir, décalé, espérons-le. En attendant, voici ce qui se passait le 20 janvier 1968.

20 janvier 1968 à Paris : Premiers affrontements violents entre lycéens et policiers à la suite de l’exclusion du lycée Condorcet de Romain Goupil, lycéen trotskyste de 17 ans, futur réalisateur de cinéma.

20 janvier 1968 à Prague : Depuis quinze jours, la Tchécoslovaquie expérimente avec Alexandre Dubcek le « socialisme à visage humain. L’invasion du pays par les troupes russes mettra fin à ce que l’on a appelé le « Printemps de Prague »

20 janvier 1968 à Washington DC : Johnson est encore Président et la guerre du Vietnam continue

20 janvier 1968 à Moscou : Brejnev est toujours Premier Secrétaire du Parti Communiste.

Retour sur la Piazza Navona – 1

temps de lecture : 4 minutes 

1—Première partie : Enzo Martucci, retraité et promeneur de chiens

Et me voilà de nouveau sur la Piazza Navona. Cette place, je l’ai traversée des centaines de fois, sautant d’un pied sur l’autre pour éviter les scooters à l’époque où ils étaient encore autorisés, zigzagant entre les éventaires clandestins et les touristes avant qu’ils ne soient devenus trop nombreux. Mais ce matin, pour la première fois en quarante ans, je me suis assis à la terrasse de l’un de ses cafés. D’habitude, quand je suis à Rome, pour trainer aux terrasses, je préfère la Piazza della Rotonda ou la Via della Pace. Mais aujourd’hui, la Rotonda est envahie de touristes au point qu’on a dû réduire de moitié la surface attribuée au Café Di Rienzo, et on dirait bien que l’Antico Caffe della Pace est définitivement fermé. Alors, c’est sur la Piazza Navona, à la terrasse de Da Lorenzo, celle qui fait face à l’église Sant’Agnese in Agone, que je suis installé aujourd’hui. Il est dix heures du matin et les tables sont encore à l’ombre. Je n’ai rendez-vous que dans deux heures. La place est presque déserte.
Les tables voisines sont occupées par des jeunes filles. Elles mangent des glaces ou boivent des Coca-Cola. Américaines, seize, dix-sept ans, longs cheveux, souvent blonds, shorts courts en jean élimé, voix hautes, gaies, jeunes. Américaines. Est-ce ce qui m’a fait choisir cette terrasse plutôt qu’une autre ?

Dix heures quinze. Un vieil homme apparait Continuer la lecture de Retour sur la Piazza Navona – 1