Archives mensuelles : août 2017

La pénitence est douce

Morceau choisi

Rosette, agenouillée au confessionnal,
Murmure : « Mon bon père, à vous, je m’en accuse :
J’ai trompé mon mari – Ma fille c’est très mal,
Dit le prêtre… Et… combien de fois ? » Rose, confuse,

Se trouble, balbutie, hésite… enfin répond :
Neuf fois ! – Hum ! Depuis quand ? » fait le prêtre.
Alors Rose : »Depuis hier soir ! » Et, sous le nuage blond
De ses cheveux d’or fin, Rose devient plus rose.

« Neuf fois depuis hier ! répond le bon curé…
Je ne puis, d’un pêché de pareille importance,
Vous absoudre aujourd’hui, sans avoir référé
A l’évêché qui fixera la pénitence !

Revenez dans huit jours. » L’évêché décréta
Qu’ayant fauté neuf fois, Rose, aurait, pour sa peine,
A dire cinq Ave. Rose s’en acquitta
Et fut absoute… Mais au bout d’une semaine,

Au sacré tribunal, avec un air marri,
La voici qui revient s’accuser d’inconstance,
DIsant : « Sept fois, encor, j’ai trompé mon mari :
Mon père, indiquez-moi quelle est ma pénitence »,

Et lui, sur le tarif de l’absolution
Dernière, s’efforçant de se baser, calcule :
« Pour neuf fois, cinq Ave… D’une proportion,
Je dois donc, pour sept fois, établir la formule :

Cinq est à neuf comme X à sept… d’où je conclus
Qu’il faut… Ah ! C’est vraiment trop compliqué, ma chère…
Faites votre mari cocu deux fois de plus.
Et dites cinq  Ave comme la fois dernière.

Léon Vilbert

Maintenant, si vous voulez vraiment apprécier ce texte, cliquez sur  André Dussolier

Ah ! Les belles boutiques – 9

Achat de chevaux
15 Rue du Vieille du Temple Paris 4ème

A l’intérieur, une boutique comme toutes les autres pour y acheter des chaussettes et autres fanfreluches masculines, mais elle a su garder la vitrine de la boucherie chevaline qui l’a précédée. Merci à elle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La série « Ah ! les belles boutiques »
L’objectif : rendre hommage aux commerçants qui réussissent à conserver l’aspect traditionnel de leur façade de magasin, et les encourager à persévérer.
Le contenu : une photo de la devanture d’un magasin, avec si possible l’adresse et, très éventuellement, un commentaire sur la boutique, ou son histoire, ou son contenu, ou sur l’idée que s’en fait le JdC.
L’organisation : vraisemblablement par quartier de Paris, mais rien n’est certain et on verra bien
Le programme : comme disait Macron : on verra bien.

 

 

La planète des singes – Suprématie (Critique aisée 97)

La planète des singes – Suprématie
Matt Reeves – 2017

Quand je suis sorti de la séance de « La planète des singesSuprématie« , et dès que j’ai pu récupérer un peu de réseau, je me suis précipité sur Google. Je voulais vérifier si Matt Reeves n’avait pas, par hasard, réalisé tout à la fois « Les dix commandements« , « La grande évasion » et « Apocalypse now« . Et bien non, le gars n’est ni Cecil B. DeMille, ni John Sturges, ni Francis Ford Coppola (et c’est bien dommage). Ces trois monuments l’ont tellement impressionné qu’il en farci sa Planète : tout un peuple en fuite poursuivi par un escadron de néos-nazis, un Colonel Kurtz plus maniéré que Marlon Brando, et une extraction de masse d’un camp de prisonniers par un tunnel. Dans le cas de cette Planète, je ne parlerai pas d’influence ni même de référence à ces grands films, mais carrément de simple transposition, pour être gentil et ne pas dire mauvaise copie. Reeves a dû penser que ça ne se verrait pas trop parce que sa clientèle est trop jeune ou trop occupée ailleurs pour avoir vu autre chose que Iron Man, Batman, Spiderman et Superman, ou parce que les héros de son film sont des singes. Des singes qui parlent, qui aiment, qui pleurent, qui calculent, qui philosophent tout comme les hommes. La seule chose qu’ils ne font pas comme eux, c’est de rire. Parce que, comme chacun et Reeves le savent, le rire c’est notre propre à nous.

A croire quand même que les grands singes descendent de l’homme, car ils pensent et agissent selon tous les stéréotypes auxquels les séries B nous ont habitués : le leader inflexible animé par sa seule vengeance mais qui fera preuve de pitié à la fin, les braves seconds toujours là au bon moment pour le sauver ou pour le ramener à la raison jusqu’à ce qu’ils se sacrifient pour lui, le traitre à sa race qui se rachètera au dernier moment, le peureux ridicule qui trouvera la solution salvatrice, la fin apocalyptique qui tuera tous les méchants, et aussi quelques gentils car il ne faut pas être naïf. Une originalité cependant avec la présence parmi les singes d’une petite fille sourde et muette dont on se demande bien ce qu’elle vient faire dans ce scenario.

On pourrait rire de tout ça, parce c’est ce qui nous distingue de l’animal, de tous ces poncifs, ces ressorts dramatiques éculés et ces artifices transparents, si les scènes ne devenaient pas lassantes par leur longueur et quelques fois par leurs répétitions.

J’en sauverai une pourtant, parce qu’elle est brève spectaculaire et bien réalisée, une magnifique avalanche, puissante, aveugle mais aussi justicière car Reeves l’utilise pour nous asséner une grosse métaphore bien symbolique : de ce tsunami de neige, les seuls survivants seront les singes. Et pourquoi donc, s’il-vous-plait ? Mais parce qu’ils auront grimpé aux arbres, bien sûr ! Vous voyez le message ?

Si vous n’avez pas de gamin à accompagner voir ce must, vous pourrez éviter de le voir.

J’attendais quand même beaucoup mieux de ce réalisateur à qui nous devons un « Cloverfield » original, surprenant et terrifiant à souhait.

P.S. : Je dois à la vérité de dire que le Masque et la Plume, à l’unanimité de ses critiques et de son meneur de jeu, ont déclaré sans rire que ce film était à la hauteur d’Anthony Mann et de John Ford, qu’il était rempli d’humour et de sagesse, et qu’il constituait un enseignement pour l’avenir de l’humanité (C’est d’ailleurs sur la foi de cette émission que je suis allé voir le film sans trop renâcler). Je crois qu’il est temps qu’ils partent en vacances.

Nostalgie n° 15 – To be or not to be

To be or not to be
Ernst Lubitsch – 1942
Jack Benny, Carole Lombard

Encore un chef d’œuvre absolu, dans le genre comédie cette fois-ci. D’une incroyable habileté d’écriture et de mise en scène, l’histoire qui se passe à Varsovie occupée et qui raconte les démêlées d’une troupe de théâtre polonaise avec les nazis est inracontable. Lubitsch avait lui-même défini le principe de l’élégant humour qu’il pratiquait dans ses films : « Tout se fonde sur la théorie qu’au moins deux fois par jour le plus digne des êtres humains se rend ridicule« .
Ce fut le meilleur rôle de Jack Benny, comédien surtout connu pour ses shows à la radio puis à la télévision.
Ce fut aussi le dernier rôle de Carole Lombard, tuée dans un accident d’avion avant la sortie du film.

 

Proust à longueur de phrase

Morceau choisi 

Marcel Proust est, entre autres, connu pour la longueur de ses phrases. Cette caractéristique en a découragé plus d’un qui s’en était allé joyeux pour des courses lointaines et qui abandonna toute Recherche après quelques pages. Elle  en a rebuté un plus grand nombre encore qui n’ont même jamais osé s’embarquer, effrayés par ces impressionnants chapelets de mots. J’en ai souvent parlé ici, mais aujourd’hui, je voudrais que vous fassiez cette expérience : voici une des plus longues phrases de la Recherche : « Canapé surgi du rêve… » (391 mots); installez-vous dans un coin où vous ne serez ni dérangé, ni observé ­— les toilettes me semblent un endroit tout à fait approprié car, la plupart du temps, elles répondent à ces deux conditions — lisez le texte à mi-voix ; dégustez et donnez m’en des nouvelles.

« Canapé surgi du rêve entre les fauteuils nouveaux et bien réels, petites chaises revêtues de soie rose, tapis broché de table à jeu élevé à la dignité de personne depuis que, comme une personne, il avait un passé, une mémoire, gardant dans l’ombre froide du quai Conti le hâle de l’ensoleillement par les fenêtres de la rue Montalivet (dont il connaissait l’heure aussi bien que Madame Verdurin elle-même) et par les baies des portes vitrées de Doville, où on l’avait emmené et où il regardait tout le jour, au-delà du jardin fleuri, la profonde vallée, en attendant l’heure ou Cottard et le flûtiste feraient ensemble leur partie ; bouquet de violettes et de pensées au pastel, présent d’un grand artiste ami, mort depuis, seul fragment survivant d’une vie disparue sans laisser de traces, résumant un grand talent et une longue amitié, rappelant son regard attentif et doux, sa belle main grasse et triste pendant qu’il peignait ;  incohérent et joli désordre des cadeaux de fidèles, qui ont suivi partout la maîtresse de la maison et ont fini par prendre l’empreinte et la fixité d’un trait de caractère, d’une ligne de la destinée ; profusion des bouquets de fleurs, des boites de chocolat, qui systématisait, ici comme là-bas, son épanouissement suivant un mode de floraison identique ; interpolation curieuse des objets singuliers et  superflus qui ont encore l’air de sortir de la boîte où ils ont été offerts et qui restent toute la vie ce qu’ils ont été d’abord, des cadeaux du 1er janvier ; tous ces objets enfin qu’on ne saurait isoler des autres, mais qui pour Brichot, vieil habitué des fêtes des Verdurin, avaient cette platine, ce velouté des choses auxquelles, leur donnant une sorte de profondeur, vient s’ajouter leur double spirituel ;  tout cela éparpillait, faisait chanter devant lui comme autant de touches sonores qui éveillaient dans son cœur des ressemblances aimées, des réminiscences confuses et qui, à même le salon tout actuel, qu’elles marquetaient çà et là, découpaient, délimitaient, comme fait par un beau jour un cadre de soleil sectionnant l’atmosphère,  les meubles et les tapis, et la poursuivant d’un coussin à un porte-bouquets, d’un tabouret aux relents d’un parfum, d’un mode d’éclairage à une prédominance de couleur, sculptaient, évoquaient, spiritualisaient, faisaient vivre une forme qui était comme la figure idéale, immanente à leurs logis successifs, du salon des Verdurin. »

Marcel Proust – La prisonnière – A la recherche du temps perdu

NDLR : toujours prêt à en découdre avec le petit Marcel, j’avais publié ici un texte en une seule phrase. Non seulement ce texte contenait 84 mots de plus, mais, au lieu de se contenter de décrire un salon, il racontait une histoire… Cette histoire vous pouvez la retrouver en cliquant sur son titre « Tout est revenu »       Proust, battu !

 

Un moment d’égarement

Marie-Claire                                                            

Le couvert était mis : deux assiettes, les serviettes blanches bien pliées, en triangle, comme Elise les aimait. Les couverts d’argent luisaient doucement, les verres étincelaient. Elle ajouta quelques fleurs au centre de la table, s’assit, lissa sa jupe, arrangea ses cheveux, posa ses mains sur ses genoux et attendit.

A l’autre bout de la ville, le commissaire tendit la feuille au jeune homme pâle qui lui faisait face et lui demanda de relire et de signer. Le jeune homme pâle obtempéra.

La nuit était tombée, déjà neuf heures. Elise pensait à son rôti qui serait trop cuit. Elle se leva pour éteindre le four et en profita pour ranger la cuisine : l’ordre, en général, calmait ses inquiétudes.
Mais pourquoi était-il en retard ? Et s’il n’allait pas venir ? Elle l’avait invité bien qu’elle le connaisse très peu, elle ressentait un tel besoin d’une présence masculine. Il y en avait eu si peu dans sa vie…
Elle continuait à nettoyer, ranger, faire reluire ce qui était déjà propre. Tout était vraiment prêt. Une bonne odeur de cuisine se répandait, le vin était débouché.
Marc n’arrivait toujours pas. Elle revint Continuer la lecture de Un moment d’égarement