Archives mensuelles : juillet 2017

La Mitro 8 – La légende

8. La légende

Pendant ce temps, la foule, qui commençait à peine à se disperser, discutait des événements de la matinée. Il faut dire qu’elle était un peu déçue, la foule. Il n’y avait pas eu la moindre goutte de sang, la moindre explosion, le moindre coup, pas même le moindre cri. Elle avait tout juste aperçu le couple Mueller sortir bras-dessus bras-dessous du sous-sol de la mairie. Bref, pas grand-chose à raconter. « Tout ça pour ça, se disait-on, c’était pas la peine de nous déranger. » Aussi, chacun y ajoutait un peu du sien pour améliorer l’anecdote et la rendre plus présentable afin qu’elle puisse entrer dignement dans l’histoire sociale de la ville. Ce serait l’affaire de quelques heures.

Mais un nouvel événement vint interrompre ce lent processus d’élaboration de légende et, du même coup, le rendre superflu.

Cet événement, c’était Félix qui remontait la rue du Béal en courant et qui criait :

       – Monsieur le Maire, Monsieur le Maire, venez vite, c’est terrible ! C’est Cabanis ! Il a de la mitro ! Il a de la mitro !

FIN

 

La Mitro 7 – Félix

7. Félix

Je commençais à m’ennuyer ferme, là, coincé entre le maire et les gendarmes d’un côté et la foule qui poussait de l’autre. Je ne voyais plus rien. C’était pas juste, parce qu’après tout, c’était quand même moi qui étais là le premier. Comme personne ne faisait attention à moi (personne ne fait jamais attention à moi), à un moment, je me suis glissé entre les jambes de tout ce monde, j’ai longé le mur de la mairie et je me suis accroupi derrière les deux grosses poubelles à roulettes qu’ils ont mises là pour que les gens viennent y jeter des trucs : dans la jaune, le plastique, et dans la verte, le verre. Les gens, ils y mettent bien tout ce qu’ils veulent, et vas-y le verre dans la jaune, et vas-y le plastique dans la verte, et les vieilles chaussures, et les journaux, et même les crottes de chien dans les deux, même que le maire, il est pas content parce qu’après, il faut trier. Mais pour me cacher tout en étant aux premières loges, c’était drôlement pratique. De mon poste d’observation, juste à côté et au-dessus de la porte en fer, je pouvais tout voir et tout entendre tranquillement assis par terre.

Pour le moment, il se passait plus rien : monsieur Cabanis était parti chercher madame Mueller, et tout le monde attendait la suite en bavardant, un peu comme pendant la publicité à la télévision. Il se passait tellement rien Continuer la lecture de La Mitro 7 – Félix

La Mitro 6 – Elzéar

6. Elzéar

Pendant que j’écoutais mon beau-frère me raconter son histoire, le soleil a tourné et les marches où je suis assis sont maintenant en plein soleil. Il est midi passé et je commence à avoir bien chaud sous le chapeau. Il y a un moment que Gérard s’est arrêté de raconter. Il faut que je rétablisse le contact.

          —Alors, elle est partie, comme ça ? Et toi, qu’est-ce que tu as fait ?

       —J’étais complètement épuisé. Je me suis allongé sur le lit et j’ai regardé le plafond pendant une heure, deux heures, je sais plus. Je réfléchissais. Bon sang, Elzéar, tu te rends compte ? C’est elle qui me fait cocu, et c’est elle qui me fait une scène, c’est elle qui s’en va ! Et moi, alors ? J’aurais pas le droit de me fâcher, de crier, de taper un peu même ? Mais j’ai pas eu le temps. Je me suis laissé embobiner Continuer la lecture de La Mitro 6 – Elzéar

La Mitro 5 – Martine

5. Martine

On peut dire que je l’ai échappé belle ! Bon sang, ce que j’ai eu peur ! C’est la première fois qu’il me prenait sur le fait. Je n’en reviens pas d’avoir réussi à le retourner comme ça, aussi facilement. Bon ! Je vais aller faire un tour, acheter quelques trucs pour lui faire un déjeuner correct. J’ouvrirai une bouteille de rosé. Je mettrai la table avec des fleurs. J’essaierai d’être gentille et de rester tranquille quelques jours. La semaine prochaine, il n’y pensera plus.

Faut dire qu’il est pas malin, le Gérard. Regardez-le, là, affalé dans le fauteuil, cet imbécile heureux Continuer la lecture de La Mitro 5 – Martine

La Mitro 4 – L’Alsacien

4.L’Alsacien

…Non, c’est vrai, ça c’est rien. Enfin, pas grand-chose…à côté du reste…

Mais quand même, dix ans de grosses plaisanteries derrière mon dos ou même devant moi sur ma façon de parler, de manger, de rire. Dix ans sans que jamais personne ne me propose une partie de pêche ou de boule ou même un simple pastis à la terrasse de chez Fernand…Dix ans, ça fait beaucoup. Bon, moi, je m’étais fait une raison : j’étais content parce que j’avais Martine. Martine, c’était la plus jolie fille de la ville, celle que tout le monde voulait. Eh bien, c’est moi qui l’avais eue, moi le gars du Nord, le Parisien. Je me souviens de Pétugue qui m’avait dit un jour au bistrot devant tout le monde : « Tu as de la chance, tu sais, Gérard. La Martine, tous les hommes de la ville lui ont couru après. » Et il avait ajouté avec un gros clin d’œil: « jusqu’à ce qu’elle s’arrête…  » Et tout le monde avait bien ri, et moi avec. Longtemps, je m’étais demandé Continuer la lecture de La Mitro 4 – L’Alsacien

La Mitro 3 – L’arbitre

3. L’arbitre

Je sais pas ce qui m’a pris ! Ça m’est venu tout seul, comme ça, d’un coup. Au moment où j’ai ouvert la bouche, je n’avais pas la moindre idée de la façon dont j’allais m’y prendre, mais il fallait bien que quelqu’un fasse quelque chose. Ça faisait déjà un moment que j’étais remonté en haut des marches pour laisser les gendarmes et le maire faire leur boulot, mais je voyais bien que l’affaire tournait un peu à l’exceptionnel. Tel que c’était parti, la famille n’allait pas tarder à faire la première page du Méridional. Alors, presque malgré moi, j’avais prononcé ces propos optimistes :

       – Monsieur le Maire, Mueller, c’est mon beau-frère. Laissez-moi m’en occuper. Je vais le faire sortir.

       – Ne te mêle pas de ça, Elzéar, me dit Valensolles. Laisse faire les autorités. On est formé pour ça. Continuer la lecture de La Mitro 3 – L’arbitre

La Mitro 2 – Ça va péter !

2.Ça va péter ! 

Quand Félix et le contrôleur-adjoint sont arrivés devant l’escalier du bureau-atelier des Poids et Mesures, il n’y avait là que Mireille Pétugue, la femme du cousin d’Elzéar. Elle fait la secrétaire de mairie deux fois par semaine. A l’énorme bruit de la porte claquée, elle était sortie affolée de son bureau. A présent, elle était plantée deux marches au-dessus de l’entrée et elle parlait à la porte en fer.

– Eh, Gérard, qu’est-ce que tu fais enfermé là-dedans ? Tu sais que t’as pas le droit d’être là ?

Comme la porte ne répondait pas, elle a continué :

– Dis-donc, tu m’as fait une frousse de tous les diables tout à l’heure à claquer la porte comme ça. Ça a fait un bruit d’enfer. On aurait dit un avion de Salon de Provence qui passait le mur du son. Eh, Gérard, tu m’entends ?

– Fous le camp, Mireille. Tu fais partie de la bande ! Je vais tout faire sauter. J’ai de la nitro ! Continuer la lecture de La Mitro 2 – Ça va péter !

La Mitro 1 – Le Contrôleur des Poids et Mesures

  1. Le Contrôleur des Poids et Mesures

Quand arrivent les premiers jours d’octobre et que les feuilles des platanes de la place Honoré Panisse commencent à brunir, il fait encore assez doux pour prendre son petit café matinal à la terrasse de chez Fernand. Fernand, c’est l’heureux propriétaire du Café-Tabac-PMU des Sports. C’est donc là que je m’installe, quand le temps le permet, avec le journal de pronostics et mes bulletins. Je passe une heure ou deux avec les autres habitués à discuter des chances de Belle d’Azur à Madame Volterra dans la troisième à Cagnes sur Mer ou de celles du numéro 23 dans le prochain tirage du loto.

Une fois dans la matinée, il faut que je passe à mon bureau, car, au Service Municipal des Poids et Mesures, on n’est jamais à l’abri d’une urgence. En fait, je pourrais bien me passer de Continuer la lecture de La Mitro 1 – Le Contrôleur des Poids et Mesures

Revue de presse (2)

Avertissement :

C’est l’été. C’est le moment rêvé pour relire la Recherche du temps perdu ou tout autre classique de la littérature. C’est pourquoi, à  la demande générale, nous publions à nouveau une édition revue et corrigée de La Mitro.
Cette oeuvre magistrale, régionale et pittoresque aux accents méridionaux a déjà été publiée sur le JdC en juin 2015. En deux ans, vous avez probablement déjà oublié les aventures d’Elzéar Cabanis, le Contrôleur-Adjoint des Poids et Mesures, de Felix Ceccaldi, le guetteur, de Martine, la sœur d’Elzéar, de Pétugue et du sous-officier de gendarmerie Valensolles, de Gérard Mueller, le vigile, de l’Ingénieur EDF et de quelques autres personnages de cette bourgade sous les platanes que l’on peut situer quelque part entre Brignoles et Saint-Maximin.

Toute ressemblance avec une petite ville réelle et des personnes vivantes ou ayant existé serait l’effet du talent de l’auteur.
La publication de ses huit chapitres commencera dès demain. Bon courage !

En attendant, voici ce que la presse avait dit de  La Mitro en 2015 lors de sa première parution :
Le Figaro
Entre Soljenitsyne, Houellebecq et Vialatte , à mi-chemin de Thérèse Raquin et de Clochemerle, partagé entre Autant en emporte le vent et La Gloire de mon père, ce court roman devrait donner satisfaction à tout le monde et déplaire souverainement aux autres.
Télérama
Tous les ingrédients d’un drame puissant sont réunis dans cette œuvre magistrale que l’on n’attendait plus d’un auteur que sa légèreté et son manque de conscience sociale nous avaient conduits à négliger jusqu’à présent.
Biba
Je l’ai lu en 32 minutes, et j’ai tout compris. Enfin, je crois…
Paris Match
… L’enfer du jeu, le sexe effréné, la terreur des prises d’otages, la puissance des mouvements de foule, l’impuissance de la classe politique, le tout sous une chape de plomb provinciale, tout ça ne pouvait que mal finir…
La Revue des Deux Mondes
Bien que nettement situé dans l’école naturaliste, le dernier ouvrage de ce jeune auteur met en évidence toute l’influence Proustienne qui l’habite depuis longtemps. Alors que certains y ont vu un plagiat du roman posthume de P.G.Wodehouse, Jeeves, vous êtes viré ! , nous avons pour notre part trouvé dans  La Mitro une œuvre puissante et complexe, chargée de références audacieuses et de réminiscences amères, parsemée d’homéotéleutes périphériques et de polyptotes originales, puisée au plus profond de l’âme méditerranéenne et de la conscience judéo-chrétienne. Ce que nous livre aujourd’hui l’auteur du trop fameux Et vas-y donc, c’est pas ton père ! (Prix Georges Feydeau 1948) est tout simplement, comment dire ? …contemporain !