Archives mensuelles : mai 2017

Le souffle

Marie-Claire                                                            

Etre une très vieille dame, presque cent ans, au fond de son fauteuil. Regarder longuement ses mains déformées, tâchées de brun. Tourner la tête et voir l’unique arbre de la cour perdre ses feuilles. Un automne de plus.

Avoir le corps rompu mais garder haut la tête. Oui, la garder bien claire malgré l’usure du temps. Y veiller, s’accrocher.

Pourquoi tous ces efforts, pourquoi tenir encore ? Pourquoi entretenir ce fil de plus en plus tenu auquel la vie reste attachée ?

Pour attendre la chaleur du thé du matin qu’une jeune fille souriante vous apporte enfin ? Pour son réconfort, pour cette habitude ?

Pour apercevoir le rayon de soleil, pour le chant de l’oiseau entendu ?

Pour entreprendre la toilette soigneuse et difficile en pensant au bien être qui s’en suit ? Pour le reste de coquetterie : le rouge à lèvre, le collier ?

Certainement pas pour aller déjeuner avec les autres, débris humains, et défendre sa place, son verre, sa triste nourriture.

Pourquoi rien n’a-t-il encore éteint la flamme vacillante ? Pourquoi vivre, persévérer ?

Peut-être grâce aux visites, espérer les visites, les bonnes paroles, se laisser consoler. S’émerveiller encore du sourire d’un enfant. Penser qu’on vous aime, qu’on n’est pas une charge…

Oser croire qu’on a encore le temps, une semaine, un mois… Que l’inconnu n’est pas pour tout de suite… qu’on le décidera ! Chasser la peur. Entretenir ce sentiment de puissance : savoir le décider, le vouloir très fort et voir tout s’arrêter. En être presque sûre.

Espérer qu’un simple souffle suffira à éteindre la petite flamme, juste un petit souffle.

Equlibrer le budget

On sait ce que veut dire équilibrer le budget de l’État : c’est jeter sans cesse de nouveaux aliments dans un organisme, dans un mécanisme de toutes parts crevé, de toutes parts usurpé, de toutes parts volés, dans un mécanisme à rendement minimum, à usure, à frottement maximum, dans le mécanisme industriel à beaucoup près le plus barbare que nous présente l’organisation industrielle moderne.
Charles Peguy  – Pensées – éd. Gallimard, coll. « nrf , 1934

Il reste à espérer qu’Emmanuel Macron ait lu Charles Péguy.

¿ TAVUSSA ? (24) Aggiornamento

Quitte à me répéter, je le répète : Macron n’était pas mon candidat. Je l’ai dit à tous ceux qui passaient à ma portée. Je l’ai écrit dans mon blog à plusieurs reprises. (Vous pouvez vérifier en cliquant sur les titres suivants « Mais dans quelle langue Macron parle-t-il ?« , « Thriller« , « Apostrophe aux sondés« , « Jours critiques« ). Et je le redis aujourd’hui : Macron n’était pas mon candidat. Mais il a été élu, et bien élu. Ceux qui ont examiné les chiffres disent même que c’est le président le mieux élu de la Vème, y compris Charles De Gaulle en 1958 et exception faite de Chirac, le candidat unique de 2002.

Ce n’était pas mon candidat, il a été élu, je devrais donc en éprouver une certaine frustration. Eh bien, figurez-vous, pas du tout !

Je n’en suis pas encore à la béatitude ni à la satisfaction, mais ce que je ressens ce matin, assis à la terrasse du Royal Turenne, ce serait plutôt Continuer la lecture de ¿ TAVUSSA ? (24) Aggiornamento

Tout à l’heure

Mercredi 21 janvier – 5 : 45
Pom Pom Pom Pom  ! — Pom Pom Pom Pom !
Comme chaque matin de la semaine, sauf les samedis, dimanches et jours fériés, mon radioréveil à affichage digital joue les huit premières notes de la cinquième symphonie de Ludwig Van Beethoven (1770-1827). Comme chaque matin de la semaine, sauf les samedis, dimanches et jours fériés, je suis réveillé depuis quinze minutes, parce qu’on ne sait jamais, il peut y avoir une panne de courant, comme celle du 12 mars 1996, ou même une panne de réveil. Ca n’est jamais encore arrivé, mais on ne sait jamais. C’est pourquoi je me réveille toujours quinze minutes avant le premier Pom des huit premières notes de la cinquième symphonie.

Au huitième Pom, la radio s’allume, pré-réglée sur 105.5 MHz. C’est la fréquence de France Info. J’aime bien France Info. Vous pouvez y apprendre tout ce qui pourrait vous mettre en retard, les grèves, les embouteillages, les accidents. Ça vous permet de calculer votre marge. Et puis, il y a la météo. Avec la météo, on peut prévoir aussi comment s’habiller. Il n’y aurait rien de plus bête que de sortir sans parapluie avec un risque d’averse pour l’après-midi. Autrefois, le matin, j’écoutais FIP -105.1 MHz. Il y avait des informations, de la météo et de la belle musique, mais les demoiselles qui lisaient les nouvelles avaient toujours l’air de se moquer du monde, de plaisanter, si bien que je ne savais jamais vraiment à quoi m’en tenir. Alors je suis passé sur France Info. France Info, c’est du sérieux.

5 : 47
Je repousse les couvertures et j’enfile mes chaussons que j’ai précisément disposés bien devant mon lit la veille au soir. Je fais ça parce que ça me fait gagner un temps fou. Une fois, je les avais laissés dans les toilettes. J’avais dû Continuer la lecture de Tout à l’heure

Haiku de mon cru

Si vous savez déjà ce que c’est qu’un haiku, je vous suggère d’aller lire autre chose. Sinon, voici :

Le haïku est une forme japonaise de poésie permettant de noter les émotions, le moment qui passe et qui émerveille ou qui étonne. C’est une forme très concise, dix-sept syllabes en trois vers (5 – 7 – 5). Les vers sont libres et le nombre de syllabes n’est pas toujours respecté. Voici quelques exemples de haikus français ou traduits du japonais :

Cri d’oie sauvage
Blanches dans les rochers
Les vagues de la nuit.

Commencement de l’hiver –
Le soleil léger du matin
Naît de l’arrosoir.

Rien ne dit
Dans le chant de la cigale
Qu’elle est près de sa fin.

Avec sa petite faucille
Comment pourra-t-elle
Faucher tout le champ ?

Et voici maintenant quelques haïkus de mon cru :

Boubous enfermés
Dans un triangle de barbelés
Prison africaine

Odeur de poussière
Panneau sur le pare-brise
Mille deux cents dollars

Quand la porte s’ouvre
On entend Errol Gardner
Dehors, c’est la nuit

Feu qui tord le papier
Bois qui gémit et craque
Fumée qui roule

La madeleine fond
Dans ma tasse en porcelaine
Grand-mère apparait

L’automobile roule
Les feuilles la poursuivent
C’est un jour de chasse

(C’est chiant, non ?)