Marie-Claire
Etre une très vieille dame, presque cent ans, au fond de son fauteuil. Regarder longuement ses mains déformées, tâchées de brun. Tourner la tête et voir l’unique arbre de la cour perdre ses feuilles. Un automne de plus.
Avoir le corps rompu mais garder haut la tête. Oui, la garder bien claire malgré l’usure du temps. Y veiller, s’accrocher.
Pourquoi tous ces efforts, pourquoi tenir encore ? Pourquoi entretenir ce fil de plus en plus tenu auquel la vie reste attachée ?
Pour attendre la chaleur du thé du matin qu’une jeune fille souriante vous apporte enfin ? Pour son réconfort, pour cette habitude ?
Pour apercevoir le rayon de soleil, pour le chant de l’oiseau entendu ?
Pour entreprendre la toilette soigneuse et difficile en pensant au bien être qui s’en suit ? Pour le reste de coquetterie : le rouge à lèvre, le collier ?
Certainement pas pour aller déjeuner avec les autres, débris humains, et défendre sa place, son verre, sa triste nourriture.
Pourquoi rien n’a-t-il encore éteint la flamme vacillante ? Pourquoi vivre, persévérer ?
Peut-être grâce aux visites, espérer les visites, les bonnes paroles, se laisser consoler. S’émerveiller encore du sourire d’un enfant. Penser qu’on vous aime, qu’on n’est pas une charge…
Oser croire qu’on a encore le temps, une semaine, un mois… Que l’inconnu n’est pas pour tout de suite… qu’on le décidera ! Chasser la peur. Entretenir ce sentiment de puissance : savoir le décider, le vouloir très fort et voir tout s’arrêter. En être presque sûre.
Espérer qu’un simple souffle suffira à éteindre la petite flamme, juste un petit souffle.