Archives mensuelles : avril 2017

Incident de frontière (texte intégral)

Voici, enfin d’une seule traite, l’histoire d’un long weekend en Syrie.
Je la dédie à ceux de mes amis qui ont inspiré les personnages
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CHAPITRE 1

Dimanche, 24 mai 1970

Sur la petite route qui serpente entre les collines, deux voitures blanches se suivent de près. Elles ont quitté Alep ce matin et se sont dirigées plein sud. Après un arrêt pour le déjeuner à Homs, elles ont quitté la route qui file vers Damas en obliquant vers le sud-ouest en direction de la mer et du Liban. Dans une heure environ, elles devraient parvenir à la frontière et, sauf imprévu, elles seront à Beyrouth un peu après dix heures, évitant ainsi d’être bloquées dans les énormes embouteillages qui règnent le dimanche soir aux abords de la capitale.

Il fait chaud en cette fin d’après-midi du mois de mai, et des coudes sortent par toutes les vitres ouvertes des portières.

C’est Jean-Pierre Ponti qui est au volant de la première voiture. Il est le chef d’une petite équipe chargée par la Banque Mondiale d’étudier la construction d’autoroutes côtières au Liban. C’est un grand gaillard, simple, calme et tranquille. Il aime Continuer la lecture de Incident de frontière (texte intégral)

¿ TAVUSSA ? (21) Apostrophe aux Sondés

Après mille deux cent trente-neuf jours d’apolitisme engagé, après plus de quatre cents textes d’une neutralité remarquable quoique souvent frustrante, après trois années et demi de centrisme-droitier réfréné, la rédaction du Journal des Coutheillas n’en peut plus.

Certes, le JdC s’était permis récemment quelques libertés : dans des textes d’une bienséance légèrement écœurante, la rédaction avait probablement laissé deviner ses opinions sur quelques sujets véniels de politique mineure, tels que le saut dans le vide du Royaume-Uni, la prise de la Maison Blanche par Achille Zavatta ou l’étrange langage du télévangéliste favori des médias.

Ces textes-soupapes étaient devenus indispensables à la santé mentale du Rédacteur en Chef, mais ils ne prétendaient nullement exercer quelque pression que ce soit sur le lecteur du JdC. Ils ne faisaient que constater un état des choses de ce monde à un instant donné.

Mais la saison n’est plus à ces observations pleines d’ironie subtile : nous sommes en danger, en danger imminent, en danger immédiat, et il est temps de s’exprimer plus clairement. Et c’est pourquoi je m’adresse ce matin à cette partie mystérieuse de la population, celle que personne n’a jamais rencontrée, cette catégorie de citoyens et de citoyennes soigneusement sélectionnés, et parfois même chichement rémunérés, bref cet échantillon humain dont on affecte de croire qu’il pense comme nous, et, à cet échantillon, je lui dis :

—Dites ! Les Sondés ! Vous avez vu ce qui se passe ? Vous avez vu Continuer la lecture de ¿ TAVUSSA ? (21) Apostrophe aux Sondés

Burn out

Maintenant, écoutez-moi bien, vous tous !

Ecoutez-moi bien, parce que je ne vais pas le dire deux fois !

J’en ai marre !

Oui, j’en ai marre.

Marre de vous, là, Françoise, vous à qui chaque matin je dis gentiment « Bonjour Françoise, comment ça va ce matin, vous pouvez me faire un café ? », et qui me répondez chaque matin en me racontant votre dernier malheur, votre derrière vexation, votre dernière ampoule au pied

J’en ai marre !

Marre de vous, oui vous, là, Robert, marre que vous veniez poser votre fesse droite sur mon bureau, marre que vous me demandiez ce que je pense de la façon de s’habiller de la nouvelle secrétaire de Grougnard, marre de vous entendre raconter comment vous avez sauté la documentaliste dans la salle de photocopie,

J’en ai marre !

Oui, j’en ai marre, marre de vous aussi, Patron, marre de vos discours sur la grande Continuer la lecture de Burn out

Un peu de San Francisco    

San Francisco,

D’abord le pont, le Golden Gate Bridge, symbole de la ville, pas doré pour deux sous, rouge, tout rouge, soigneusement repeint tous les dix ans. Léger, imposant, magistral, inévitable, il ouvre sur l’océan et ferme la baie. Dessous passent en tous sens de grands porte-containers et de petits bateaux blancs. Dessus, passent pour six dollars des voitures, des milliers de voiture, des milliers de camions, toute la journée, toute la nuit. p1270116Sous leurs roues les joints métalliques sonnent. Le jour, passent aussi le long des câbles qui le soutiennent des centaines de piétons et de cyclistes. Pour ceux-là, c’est gratuit. Ils sont tous du même côté, celui de la baie. La vue sur le Pacifique ne les intéresse pas. Ils ne sont pas venus pour ça. Ils veulent voir Alcatraz, ils veulent voir la silhouette de la ville qui se détache au loin. Ils prennent des photos, ils prennent des poses et des selfies. Les mouettes planent et observent.

San Francisco,

Les quartiers de San Francisco, et d’abord Embarcadero et le Ferry building. C’est là que les gens qui Continuer la lecture de Un peu de San Francisco