Archives mensuelles : novembre 2015

Lettre d’un Malgré-Nous

Céline ou Soljenitsyne ?

En novembre 1945, mon père, Daniel Coutheillas, reçut la lettre manuscrite que je reproduis ci-dessous.

Elle était signée Hellbrun, dont je n’ai jamais réussi à déchiffrer le prénom. Alsacien, mobilisé comme tout le monde en septembre 1939, Hellbrun s’était retrouvé affecté à la 58/1 dans la région de Longwy où il s’était lié d’amitié avec mon père. Séparés dans la débâcle de juin 40, faits prisonniers et gardés dans des camps différents, ils connurent l’un et l’autre des sorts très différents. Cette lettre explique ce qui arrivé à cet Alsacien, devenu un « Malgré-Nous ».

Malgré-Nous : Alsacien ou Mosellan enrôlé de force dans l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.

En 1942, le gauleiter Robert Heinrich Wagner, responsable de l’Alsace, persuada Hitler d’introduire le service militaire obligatoire en Alsace-Moselle (…) Au final, 130 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans se retrouvèrent principalement sur le front de l’Est à combattre l’armée soviétique (les Malgré-Nous). La plupart furent affectés dans la Wehrmacht mais la moitié de la classe 26 (soit 2 000 hommes) fut versée d’autorité dans la Waffen-SS. (Extrait de Wikipedia)

Soixante-dix ans plus tard exactement, voici cette lettre, à laquelle je n’ai ajouté ni retranché un mot.

Strasbourg le 16 Novembre 1945

Mon cher vieux,

C’est avec un grand plaisir que j’ai trouvé ta gentille carte en rentrant de Russie, aussi je m’empresse à te répondre de suite. J’ai été bien content d’avoir des nouvelles d’un ancien de la 58/1.

J’aurai tellement de questions à te poser, mais cela, plus tard. Je vais tout d’abord te dire en quelques mots ce qui m’est arrivé à moi. Tu te rappelles peut-être encore que lorsque notre Compagnie stationnait à Longwy-haut, au début juin 40, j’ai eu comme mission de faire sauter les deux ponts de Lérouville. Lors de la retraite de nos troupes du 13 juin, je me suis acquitté de ma tâche avec beaucoup de chance parce que les premiers boches qui ont voulu passer le pont Continuer la lecture de Lettre d’un Malgré-Nous

Trois jours…

Trois jours sans rien dire, sans rien montrer ; le JdC est resté trois jours sans un mot, sans une image.

J’aurais trouvé indécent de publier un des aphorismes blagueur que j’affectionne, une jolie photo de Paris, un texte doucement nostalgique ou ironiquement observateur. Voilà pourquoi le JdC est resté trois jours sans mots, sans images, dans le noir.

Trois jours ont passé, et pendant ces trois jours, les yeux et les oreilles rivés sur BFM, l’index collé sur Facebook, j’ai entendu et vu beaucoup de choses, beaucoup d’émotion, et aussi quelques bêtises, et parfois un peu de postures et d’affectation. Mais ces bêtises, ces postures, tout ça, c’est excusable. On les mettra sur le compte de la colère, de l’exaltation, de la douleur.

La vie va reprendre. Dimanche soir, dans Paris, des gens se rassemblaient Place de la République pour déposer des fleurs et des bougies, d’autres remplissaient les terrasses des cafés. Lundi, ils ont recommencé. La vie a déjà repris.

Dimanche matin, il faisait beau, beau comme jamais. Pour clore son émission sur France Culture, Philippe Meyer a sobrement dit la fin de ce poème d’Aragon (Maintenant que la jeunesse) :

Il fait beau comme jamais
Un temps à rire et à courir
Un temps à ne pas mourir
Un temps à craindre le pire
Il fait beau comme jamais.

 

 

La ville debout

Morceau choisi

Voici l’un des passages les plus connus du Voyage au bout de la nuit : la description de l’arrivée de Bardamu à New-York.

Figurez-vous qu’elle était debout leur ville, absolument droite. New-York c’est une ville debout. On en avait déjà vu nous des villes bien sûr? Et des belles encore, et des ports et des fameux même. Mais chez nous, n’est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s’allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là l’Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur. 

L.F.Céline